Fyctia
Chapitre 6 1/2 - Eric
19 novembre 2024
— Me revoilà ! lance Hector en s’engouffrant dans le chalet.
Je lève les yeux de mon écran et observe le jeune homme poser sur l’un des canapés du coin salon des paquets de décorations de Noël non seulement pour le sapin, mais aussi pour toute la maison. Je ne sais à combien montent les dépenses, mais je suis obligé de constater qu’il n’est pas allé de main morte.
À toute vitesse, j’adresse un message à mon co-auteur.
Une fois envoyée, j’éteins l’ordinateur, le referme et rejoins le salon. D’un geste mécanique, je retrousse mes manches tout en observant les boules pour le sapin que commence à déballer mon coloc.
— Pablo est toujours là-haut ? me demande-t-il.
Je hausse les épaules et me penche face au canapé pour l’aider avant de placer dans un angle les sphères, de l’autre les immenses guirlandes tout aussi colorées, voire parfois avec quelques paillettes.
— C’est exact, il n’a pas pris la peine de sortir de sa chambre depuis qu’il a mangé son petit-déjeuner, affirmé-je.
Et si c’était lui mon mystérieux binôme ? Non, je dois faire erreur. Je suis convaincu qu’il s’agit d’une femme. Mais… ça pourrait en outre expliquer pourquoi mon partenaire d’écriture a choisi d’incarner un homme dans l’histoire. Ou bien… Et si la personne est dans le genre que je pense, sauf qu’elle, elle suppose que suis comme elle ? Non, non et non, je dois arrêter ce cirque. Peu importe l’identité de mon acolyte. L’essentiel, c’est qu’on arrive à s’entendre et à avancer ensemble.
— Bouge-toi, Pablo ! crie mon collègue en s’approchant des escaliers. On ne va pas t’attendre pour décorer le sapin !
Des bruits de pas claquent à l’étage, mais je garde mon regard rivé sur une boule que je fais tourner dans un sens puis dans l’autre. Mon reflet m’attire pendant un infime instant puis je repose l’objet sur le canapé.
— J’arrive ! répond finalement le concerné. Deux secondes !
Je me redresse et m’approche du sapin que j’avais installé la veille avec mes confrères. Des épis trainent déjà sur le sol et me font craindre à l’idée que le conifère puisse perdre tout son habit d’ici Noël. Avant ça, j’ai toujours eu l’habitude des arbres en plastique, alors bon, faut pas trop me demander. En même temps, c’était une sacrée épreuve de le ramener dans le chalet. Non seulement il est immense, mais en plus, il pique. À moins que ce soit juste moi qui sois bizarre.
— Je vais chercher l’échelle, m’informe Hector avant de m’abandonner.
Je hoche la tête, me murant dans le silence. Mes yeux se posent sur le sapin, de son pied à sa tête. Quelle idée ils ont eue en plus de prendre des conifères aussi imposants ? Ce n’est pas parce que la hauteur sous plafond est impressionnante qu’on peut tout se permettre. Mais bon, on fait avec. Il n’est plus possible de faire demi-tour. Au moins, ça amusera un peu les téléspectateurs… Vraiment, je me demande bien qu’est-ce qu’il y a d’intéressant dans ce projet de téléréalité. Je suis convaincu qu’il y aura bien plus de rushs à jeter qu’à garder.
Avec lenteur, je commence à décorer en m’accrochant aux branches les plus basses. J’alterne les formes et les couleurs afin de rendre le plus harmonieux possible le sapin, passant des boucles aux sucres d’orge et aux anges. Je ne sais combien Hector a dû dépenser avec Cynthia et Angélique, mais je suppose que la somme est assez astronomique.
Un large sourire m’échappe.
En tout cas, on se croirait presque chez soi alors que ça fait seulement quatre jours que nous sommes là. La magie des fêtes de fin d’année qui s’installe petit à petit parmi nous ne doit pas être innocente là-dedans. Je me sens bien plus détendue qu’au jour de mon arrivée et je prête déjà moins attention aux caméras qui ne cessent de tourner. Je commence même à me demander si ma romance de Noël ne sera pas terminée d’ici le Nouvel An vu comment on avance mon binôme et moi. Finalement, ce n’est pas si compliqué que ça, enfin pour nous, de travailler à deux sans même pouvoir nous faire face et nous parler de vive voix.
— Bon sang, ça a dû coûter une blinde, souffle Pablo en me rejoignant, impressionné.
J’esquisse un sourire en coin et accroche une étoile dorée sur une branche.
— Et la prochaine fois, c’est toi qui devras sortir la carte bleue pour faire les courses, m’exclamé-je calmement.
— Pas faux. Rappelez-moi de faire ça demain matin avant que je ne l’oublie.
Sur ces mots, il récupère dans la poche de son pantalon son téléphone. Assez vite, je comprends son geste lorsque les enceintes s’allument pour libérer les douces notes d’une première chanson de Noël : It's Beginning to Look a Lot Like Christmas de Michael Bublé. Maintenant que j’y pense, je n’ai pas encore créé la playlist Spotify pour mon nouveau projet d’écriture. Malheureusement, je doute de pouvoir ensuite partager le lien à mon binôme sans le risque de me trahir. Sauf si je change mon pseudo sur la plateforme de streaming, ce qui est loin d’être dans mon programme.
— Je crois bien n’avoir jamais installé le sapin aussi tôt, soupire le jeune homme en m’aidant à enrouler une guirlande autour de l’arbre.
— Moi non plus, avoué-je. Mais… curieusement, ça ne me choque pas.
Je me mords la langue avant de poursuivre.
— J’ai même déjà hâte de commencer à parcourir certains titres de ma pile à lire.
Hector revient parmi nous, l’échelle sous le bras pour le poser à quelques foulées du conifère.
— Quel type de livre ? me questionne Pablo sans prêter attention à notre collègue.
Mes pas me ramènent au canapé et je récupère une nouvelle boule de Noël à paillettes dorées. Flashy, mais indémodable.
Nous nous engouffrons à tour de rôle dans le chalet des femmes, accueillis par un singulier capharnaüm avant de découvrir, surpris, Estelle debout sur l’un des larges sofas aux coussins renversés.
– Wouldn't you like a taste of the power ?* hurle-t-elle plus qu’elle ne chante à son micro improvisé qui n’est autre que la télécommande de la télé.
* Refrain de Wouldn't you like, Epic The Musical, Jorge Rivera-Herrans, TROY.
6 commentaires
Gottesmann Pascal
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Il y a 17 jours