Fyctia

OK, c’est bon, je suis séduite. Il ou elle n’impose pas, j’ai le droit de donner mon avis et d’influencer le projet. Certains devraient prendre exemple sur mon inconnu.

• J’aime beaucoup la Renaissance, surtout la période autour de Louis XIV. Maintenant, je pense qu’il faut qu’on se concentre sur le portrait des personnages, mais aussi les différents rôles dans le jeu. On aura du mal à avancer si on ne fait pas le point dessus.

• Non, mais attends deux secondes… Si une version jeu de société ne sort pas après le livre, je ne comprends pas. Il y a très clairement quelque chose à creuser dedans.

J’étouffe un fou rire en plaquant ma main sur ma bouche. Comment suis-je censée rester calme alors que cette conversation me fait un bien ouf ? Je suis détendue. L’ampoule créative s’est rallumée et mon binôme me hype. Oui, c’est bel et bien un génie. Je ne sais pas à quoi va ressembler le produit final, mais je pense qu’on ira loin ensemble.

• Avant de te précipiter, même si j’aime beaucoup ce que tu écris là, concentrons-nous sur le projet actuel.

• Effectivement, tu as des idées ? Je te laisse l’honneur de commencer.

Encore ? Décidément, cette personne a toute mon estime. Que quelqu’un lui décerne une médaille d’or. Si on ne compose pas un bestseller, je ne comprends pas. Avant ça, d’une main, j’attrape mon stylo et le tapote sur la table, comme si cela pouvait m’aider à mettre au clair tout ce qui s’enchaîne dans mon esprit en feu.

• Déjà, on garde l’idée du tirage au sort. Mais… Pourquoi pas partir sur une touche de fantasy, même de romantasy ? Les protagonistes pourraient incarner l’un un prince d’un royaume polaire et l’autre, une simple villageoise, un peu comme Belle.

Cela manque peut-être d’un brin de créativité, mais je trouve pas mal ce qui vient de me passer par la tête.

• Un peu cliché, mais je suis OK. On ajoute des boulangers ? Des libraires ? Des sœurs ? Un mix Cendrillon et La Belle et la Bête du coup ? Après, si on se penche sur le véritable récit de Belle, il est vrai qu’elle a une sacrée famille…

Est-ce que les hommes aiment les contes de fées ? Pourquoi est-ce que je persiste tant à me dire que j’ai face à moi un membre de la gent masculine ? Je ris, je ris, mais j’ai tout de même décidé de travailler sur le point de vue du love interest pour notre histoire et… Un peu de sérieux, stop. Je dois arrêter de tergiverser.

• Top ! On fait ça. Par contre, on a oublié aussi un ou deux autres détails. Première personne ? Présent ?

Encore une fois, je n’ai pas besoin d’attendre longtemps pour que la réponse tombe. Mes sourcils se froncent alors que je parcours du regard ce qui est écrit, surprise par l’amertume que dégage le message.

• N’est-ce pas les attentes de base de la romance que de se pencher sur le présent et la première ? Bon après, je ne te cache pas que je trouve regrettable les personnes qui refusent de lire des livres pour une histoire de point de vue et de temps.
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• Pardon, je m’emporte. J’avoue que je suis plus à l’aise avec ça, donc oui. Je suppose que toi aussi ?

Honnêtement, je ne peux que comprendre sa colère, mais là n’est pas le débat. Au lieu de quoi, je me concentre sur son ultime demande.

• Yep, dernière question, prologue ou pas prologue ? Sinon, le chapitre 1, je te laisse te pencher dessus. La tendance favorise le point de vue féminin pour l’ouverture, mais je présume que tu le sais aussi bien que moi.

Alors que j’envisage de donner la parole à mon partenaire, je laisse finalement mes doigts frôler une nouvelle fois le clavier, guidés par mon esprit désormais en feu.

• Attends, puisqu’il est question de jeu de rôles, je pourrais écrire un prologue autour des règles ! Et ensuite, tu ouvres l’histoire sur le début de la partie avec le personnage qui incarne le narrateur qui annonce « Que le jeu commence ! ». J’imagine bien l’héroïne déstabilisée, perdue au milieu de la foule juste après la déclaration.

Je frappe dans mes mains et souris au point de révéler mes dents. Si quelqu’un devait passer par là, on me prendrait sans doute pour une folle et… Je déglutis et me rappelle tout à coup la présence des caméras. Bien évidemment que la réaction des téléspectateurs à ma vue me fait un peu peur. Je suis presque tentée d’imiter les candidats de téléréalité en m’approchant d’un des objectifs pour expliquer la situation. Ce serait même libérateur de pouvoir parler à « quelqu’un » de tout ce qui se déroule actuellement dans ma tête.

Un bip ramène mon attention vers mon ordinateur et je laisse de côté mon projet de « discuter » avec une caméra.

• C’est parfait ! Je suis curieux.se de voir ce que tu vas pondre. Je te fais totalement confiance. Reste plus qu’à définir le scénario si on peut dire ça comme ça.

Et ça, ça va sans doute nous demander bien plus de boulot que l’écriture du premier jet, mais c’est déjà un grand pas en avant. Si lui ou elle croit en moi, et bien moi, j’ai espoir en notre projet. Prenez garde Isabeau, je vous promets que nous allons sortir, mon acolyte et moi, la meilleure romance de Noël de la collection !