Fyctia
Chapitre 4 2/2 - Eric
Je fronce les sourcils et manque de m’étouffer avec ma salive face à ce sous-entendu qui est purement faux.
— Il n’est aucunement question de flirt. On parle boulot, rectifié-je.
Mes bras se croisent sur mon torse alors que je tente de garder contenance.
— J’ai justement prévu dans la journée de débriefer avec mon co-auteur.
— Tu l’as déjà contacté ? me demande Mélissa alors qu’Estelle nous tourne le dos.
— Pas encore.
Craignant de trop en dire, je m’arrête là et me mure dans le mutisme. Je ne sais combien de temps je vais tenir, mais le jour où je vais pouvoir parler librement de mes idées, ce sera formidable. Ce jeu d’anonymat est un véritable supplice alors même qu’on n’a pas encore commencé à travailler.
Le reste de la promenade se déroule dans un parfait silence. Je prends le temps d’analyser les alentours afin de retenir le chemin et qui sait, pour trouver une ou deux enseignes intéressantes où je pourrai m’installer plus tard pour écrire. Je suis bien tenté de découvrir les spécialités locales en plus. Ce serait dommage de ne pas profiter de ces deux mois pour se ressourcer un peu, les autres n’ont en fait pas tout à fait tort. En attendant, au rythme de leur marche… Seraient-ils déjà arrivés à destination ? Probablement que oui.
Quelques minutes plus tard, désormais proche de la station de ski, j’observe notre groupe se tenant à quelques pas d’une modeste forêt de sapins prêts à être emportés. L’espace est immense et verdoyant. Il me donne envie de poursuivre ma promenade, sauf que cela n’est pas envisageable dans l’immédiat. Si j’ai bien compris, l’endroit est propice à la randonnée. Pas loin, il y aurait même une zone pour faire du parapente d’après les explications que Pablo nous a fournies plus tôt dans la matinée. En revanche, je doute que cette activité soit ouverte en cette saison.
— Oui, nous prendrons ces deux-là, lance Hector à l’intention de l’homme qui se tient près d’un cabanon.
Bon, comme je le pensais, le temps qu’on les rattrape, les autres ne nous ont pas attendus pour choisir les arbres, mais cela n’est pas un problème. Je leur fais parfaitement confiance, et puis un sapin c’est un sapin. Tout me va du moment qu’il n’est pas à moitié à poil. Je grimace rien qu’au souvenir de certains conifères dégarnis que je vois partager tous les ans sur les réseaux.
— Parfait, ce sera par carte ? demande le vendeur en nous observant à tour de rôle.
— En liquide, répond Pablo.
J’imite le jeune homme en passant moi aussi la main à mon portefeuille.
— Je paye le second, vous vous chargerez des courses, m’exclamé-je en m’approchant.
Si on devait tous sortir la monnaie là, je crains que ça finisse en chaos. Autant s’organiser comme ça.
Une fois l’argent encaissé, divisé en deux groupes, nous soulevons les conifères et abandonnons le vendeur. Je commence petit à petit à me demander si c’était vraiment une bonne idée de venir à pied. Heureusement que nous sommes nombreux, mais tout de même, je n’ose imaginer la tête du voisinage en nous voyant traverser tout le village avec des sapins sous le bras. Au moins, ça fera un peu d’animation.
— On a beau vanter la beauté des roses, de la nature, le sapin est le plus populaire, murmure Mélissa d’un air songeur.
Je réaffirme ma prise sur le conifère et ramène mon attention vers la jeune femme qui se tient de l’autre côté. Deux choses qui n’ont rien à voir, mais… Je décide de graver sa phrase dans mon esprit en la répétant en boucle. Qui sait si je ne pourrai pas la réutiliser pour ma romance de Noël ? Il y a peut-être quelque chose à exploiter là-dedans.
— Et toi, tu préfères les roses ou le sapin ? lui demandé-je, curieux.
Elle adopte un court silence, sans doute pour réfléchir à la meilleure réponse qu’elle puisse me donner. Moi-même je ne sais pas ce que je dirais à sa place.
— Les roses. J’aime la manière dont elles perdent leurs éclats avant de renaître. Elles sont comme nous. Fragile, sensible, mais touchante.
Peut-être un peu trop poétique et philosophique à mon goût, mais j’adore. En même temps, je songe sérieusement qu’il y aurait beaucoup à gagner à me rapprocher d’elle. J’ai presque envie de la supplier de devenir ma mentore. Dommage qu’on ne puisse pas travailler ensemble. Si on avait le choix, j’aurais rêvé lui demander d’être ma co-autrice. En attendant, je vais devoir suivre la recommandation du test de compatibilité.
— Tu sais quoi ? Cela ne me surprend pas de toi, avoué-je avant de regretter en partie d’avoir dit tout haut ce que je pensais tout bas.
— À oui ? s’étonne-t-elle.
Je me mords la lèvre inférieure et détourne le regard pour me concentrer sur le chemin. Plus le temps passe, plus je remarque le calme ambiant qui nous entoure. Ça change de la vie en ville.
— Tout chez toi me donne l’impression de respirer la poésie.
Qu’est-ce qui m’a pris de dire ça ? Bon sang, j’espère juste qu’elle ne va pas croire que je suis à stalker. OK, c’est tiré par les cheveux, mais cette femme m’inspire, qu’y puis-je ?
— C’est vraiment très gentil de ta part. Je crains par contre que tu ne sois déçu après ces deux mois.
— Et pourquoi ça ?
La voix de ma collègue baisse d’une octave, presque étouffée par le rire d’Estelle qui semble, fort heureusement, concentrée sur sa discussion avec Pablo.
— Parce que notre plume ne définit pas ce qu’on est, quand bien même on met un fragment de nous dans nos œuvres.
Un frisson remonte mon échine. Que peut-il bien se cacher derrière ce visage fermé ? Quelles ronces menacent un être aussi… sensible ? Je ne sais pas et ce n’est probablement pas une bonne chose d’essayer de le découvrir. Si elle a besoin de s’exprimer, alors elle le fera d’elle-même. J’espère au moins que les fêtes qui arrivent l’aideront à se détendre et à s’amuser. Je compte bien veiller sur le moral des troupes du mieux que je peux. On a beau mal se connaître, je vais faire des efforts au nom de la magie de Noël.
15 commentaires
Scriptosunny
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Il y a 13 jours
MelinaSANYA
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Il y a 15 jours
Anna C
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Il y a 14 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 17 jours
Anna C
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Il y a 17 jours