Ophélie Jaëger Close(d) to me track 11 - I Want It That Way

track 11 - I Want It That Way

Rita


Les pépites de poussières dansent dans les rayons s'infiltrant des rideaux mal clos. La tête me tourne, mes paupières se soulèvent à peine. Mes membres lourds s’échappent douloureusement à la recherche d’un peu de fraîcheur sur ce matelas en surchauffe. Étoile de mer en fin de vie, je gis sur le dos, maudissant l’intégralité de mon existence. Rangées de cils jointes, mon monde se teinte de rouge lorsque l’astre se dépose sur mes yeux clos.


Il fait trop jour pour que ce soit à peine le matin. Je suis nécessairement en retard. Pourtant mon corps refuse tout mouvement, et plus encore la simple idée de m’extraire de l’étreinte délicate de mes draps. C’est l’odeur du café se faufilant jusqu’à une narine et ravivant mes sens qui relance mon cerveau et le torrent d’interrogations qui s’y projette subitement. Et puisque je doute que mon chat ait appris à faire le café ou bien qu’il soit, ne serait-ce qu’un peu intéressé par autre chose que son trou de balle, un seul prénom s’imprime contre mon lobe frontal, réponse à tous mes questionnements. Idris.


Je ne sais pas où il a dormi, ou même s’il a dormi, mais il est déjà dans ma cuisine quand j’émerge hors de la chambre. Il m’accueille avec un sourire et des effluves de café. C’est étrange, mais je pourrais m’y faire.


— C’est donc à ça que tu ressembles au réveil ?


Oui, alors non, je retire ce que je viens de dire. Il a à peine ouvert la bouche que j’ai déjà envie de lui faire ravaler son sourire narquois. Parce que je ne sais que trop bien à quoi je ressemble, et ça n’a rien à voir avec la Vénus de Botticelli. Je suis plus proche de la boule de poils recrachée par le chat. Il me faut plusieurs cafés et une douche avant de reprendre forme humaine. Lui, il est parfait avec son débardeur blanc et son jean trop large. Zéro effort et nuit chaotique, pourtant il semble échappé d’un contenu sponsorisé pour cure thermale. Moins 10% avec le code IDRIS10.


C’est plus fort que moi, mon œil fatigué s’égare sur un cou puissant, glisse sur un trapèze harmonieusement dessiné, puis un bras aux muscles sculptés et ravissants.


— Comment tu trouves le temps d’aller à la salle entre ton boulot et tes déboires nocturnes ? je m’interroge à voix haute.

— Merci, qu’il s'enorgueillit en contractant un biceps. Je ne vais pas à la salle, je fais du parkour.


Je ne dois pas être suffisamment impressionnée à son goût, puisqu’il entreprend de sauter par-dessus l’une de mes chaises façon yamakasi d’intérieur.


— Formidable, je lance impassible en m’empressant de récupérer la tasse fumante qu’il finit par me tendre. Qu’est-ce que tu fais encore là ? T’as pas des trucs à faire ?

— Pas aujourd’hui, non. Et puis, je voulais fêter avec toi ta sortie de l’appartement.


Il affiche un sourire sincère. J’ai presque des remords à le détromper.


— C’est pas comme ça que ça marche, je soupire. Je ne me suis pas rendue compte que je franchissais le seuil.


— Ok, lance-t-il avant de réfléchir un instant. Et si je t'assomme et que je t’entraine dehors de force ?


Il tire une chaise et s’installe en face de moi. Il ne se moque pas, pour une fois. Idris semble réellement soucieux.


— Il faut que ce soit ma décision. Une décision consciente.

— Mais maintenant que tu sais que tu l’as fait cette nuit, est-ce que ça t’aide à le refaire consciemment ?

— Peut-être…


Je ne sais pas trop. J’ai prouvé à mon cerveau que j’en étais capable, mais est-ce que cela suffira ? Je n’ai pas le temps de poursuivre plus avant ma réflexion qu’Idris est déjà debout, une main tendue dans ma direction. Qu’est-ce qu’il me veut encore ?


— On va vérifier ça tout de suite, m’informe-t-il en contournant la table.


Je suis en pyjama, les cheveux en friche et la marque de l’oreiller toujours incrustée sur ma joue, mais il ne me laisse pas le choix.


— Pourquoi tu fais ça ? je glisse en même temps que ma main dans la sienne.


Pourquoi il s’en soucie, surtout ?


— J’te l’ai dit, je suis ton animal de soutien émotionnel.


Cette excuse a beau être la pire jamais inventée, je me laisse faire, et bientôt me retrouve assise sur mon parquet, Idris me faisant face. Il s’est installé dans le couloir de l’immeuble. Il n’a beau être qu’à quelques centimètres, il est ailleurs, il est au-delà. Mes fesses sont bien sagement du bon côté de la frontière, dans mon appartement. Il n’y a guère que mes orteils qui jouent les téméraires en s’aventurant contre le seuil.


Mon voisin n’insiste pas, il n’exige rien. Il patiente et semble simplement savourer le fait que je sois là, conciliante et de bonne volonté. En silence, j’observe le vernis abîmé sur mes ongles de pieds, note que j’aurais du les refaire il y a plusieurs semaines déjà, puis me rappelle qu’on s’en fout, déjà parce que c’est l’automne et aussi parce que je ne sors jamais de chez moi.


— Pose ta question, lance doucement Idris, rompant notre commun mutisme.

— Quelle question ?


J’hausse un sourcil et les épaules en un mouvement simultané. Son pied vient à la recherche du mien, il frôle mes orteils puis se retire avant que je ne m’agace. Quelle question attend-t-il ? Ce n’est pas comme si nous étions en pleine conversation. On se contemple en chien de faïence depuis de longues minutes. Ce silence n’a rien de gênant ou d’oppressant, d’ailleurs. C’est pas désagréable, loin de là. Je pourrais être mal à l’aise après le spectacle de la veille. Un seule en scène des plus pathétiques. Pourtant, je ne le suis pas. Sentiment hybride entre reconnaissance et usure.


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5 commentaires

MarionH

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Il y a 4 mois

Alors quelle question elle pourrait poser? (Moi j en ai plein,ms c est pas green flag🤣)

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 mois

Drôle de réveil en compagnie d'Idris. Rita n'a pu s'empêcher de se rincer l'œil devant le voisin qui est visiblement tout sauf désagréable à regarder mais elle continue d'établir des frontières entre eux. Y compris des frontières physiques avec un Chacun chez soi qui la rassure. En ce qui la concerne, je suis certain qu'elle exagère vraiment en se décrivant comme monstrueuse au saut du lit. J'aime bien le concept d'Animal de soutien. Toujours présent pour Rita comme le serait un chien fidèle et collant
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