Ophélie Jaëger Close(d) to me track 04 - Miraculous Ladybug

track 04 - Miraculous Ladybug

— Tu veux que je t’aide ? je m’entends lui proposer.


Son sourire élargi me le fait regretter aussitôt. Je me suis faite avoir comme une débutante par ce voisin intrusif. Était-ce son plan depuis le début ?


Résignée, j’étire un bras en direction du placard et en extirpe un saladier. Mais tandis que j’ouvre le paquet de farine et m’apprête à en verser une bonne quantité dans le verre doseur, Idris m’interrompt. Il a relevé ses manches et s’empresse de libérer mes mains.


— Toi tu me dis, et moi je fais, affirme-t-il devant mon air surprit. Quoi ? Si j’avais besoin d’être materné, j'serais allé voir ma mère.


Il marque un point. Attentive, je me contente de l’observer faire tout en lui indiquant les quantités nécessaires. Très vite, et sans que je ne m’explique le phénomène, il a presque autant de farine sur le visage que dans la jarre. Pourtant il s’applique, se concentre et suit à la lettre la moindre de mes instructions. Il n’y a que lorsque je sors et dépose le billig sur le plan de travail qu’il relève le nez et reporte son attention sur le monstre de fonte.


— Achat compulsif, j’élude d'un mouvement de main nonchalant.

— Je ne juge pas mais… juste à titre indicatif, si j'te demande un couscous…?


Sans un mot, je disparais en m’agenouillant derrière le comptoir. De l’un des placards croulant d’ustensiles en tous genres, j’extirpe un couscoussier en inox qui pourrait nourrir une famille de douze personnes.


— Et avant que tu ne poses la question, j’ai aussi un plat à tajine, j’annonce en déposant la bête sur le dessus du bar.

— J’allais t’interroger sur le plat à choucroute, mais soit…


La bouche en biais, il fait mine d’être vexé tout en redoublant d’effort sur la cuillère en bois. Je ne suis pas dupe. Si je ne sais rien de lui, je suis au moins sûre d’une chose : c’est un joueur et je suis sa toute nouvelle attraction. Comme pour mieux me donner raison, sa moue se transforme en sourire carnassier à mesure que le temps s'égrène sans aucune réaction de ma part.


Le silence qui s’installe à la suite n’a rien de pesant. Les minutes défilent indolentes, quelques fois ponctuées d’un regard qui en cherche un autre, comme pour mieux s’assurer que tout va bien, qu’il est à l’aise et ne manque de rien. C’est stupide, il n’est pas mon invité et je n’ai pas à me soucier du fait qu’il passe une bonne soirée. Il est cet inconnu intrusif pour lequel je me retrouve à cuisiner, tandis que mon bol de céréales prouve que ce n’était pas vraiment dans mes projets. Alors de quoi je m’inquiète ? Pourquoi, ai-je la crainte irraisonnée qu’il puisse s’ennuyer et me trouver navrante ? C’est ridicule, il ne me plaît même pas !


Je secoue mes cheveux pour me remettre les idées en place et m’attire un coup d'œil curieux. Je ne suis pas saine d’esprit, il va falloir qu’il s’y fasse. Et c’est avec un enthousiasme surjoué que je fais claquer deux contenants de verre juste sous son nez.


— Fleur d’oranger, je propose en désignant de l’index la petite fiole avant de passer à la grande bouteille au liquide ambré. Ou rhum ?

— Qu’est-ce que tu préfères, toi ?

— Rhum, je réponds dans un haussement d’épaules.


D’un geste de tête il me fait signe de verser tandis qu’il ne s’interrompt jamais de touiller. J’hésite sur la quantité, mes souvenirs sont vagues. Dans le doute, je force peut-être un peu trop la dose, mais qu’importe, ça s’évapore à la cuisson.


Le billig à peine chaud, la première crêpe est ratée, mais toujours moins que ce qu’Idris avait créé précédemment. Ce dernier, planté derrière moi, observe chacun de mes gestes avec une attention toute particulière. J’en verse une louche à côté, et il a la politesse de faire mine de ne pas remarquer.


— J’peux essayer ? demande-t-il finalement après plusieurs réalisations correctes.


A nouveau, il me surprend. Non pas que j’imagine l’intégralité de la gente masculine incapable en cuisine - Philippe Etchebest existe - mais ma théorie de la technique sournoise pour faire cuisiner la voisine à sa place, prend du plomb dans l’aile.


Je lui abandonne râteau et spatule, et recule d’un pas. A mon tour de scruter chacun de ses gestes. Force est de constater qu’il a bien appris sa leçon, et si les débuts sont balbutiants, l’élève ne tardera pas à dépasser le maître.


Bientôt une pile géante nous domine presque, dont parfum délicat emplit mon appartement au point d’en faire gargouiller mon ventre. Et dire qu’après tout ça, je vais devoir m’en retourner à mon bol de céréales… Idris, les mains à plat sur le comptoir et le menton planté dessus, lève un regard fier sur cette tour odorante.


— Bon ! tonne-t-il à m’en faire sursauter. C’est pas tout ça, mais faut goûter maintenant.


Il a déjà goûté. A de nombreuses reprises même, chaque fois qu’une crêpe avait l’audace de ne pas être absolument parfaite, elle finissait au fond de son estomac. Pourtant, il s’empare du plat et déplace l’instable pile en direction du salon.


— Qu’est-ce…?

— T’as de la confiture ? Du sucre ? me coupe-t-il comme à son habitude.


J’hoche la tête en ouvrant la porte du frigo, avant de… Mais bordel, non ! Pourquoi je m'exécute, enfin ?


— Pause, j’impose. Tu veux faire quoi avec ma confiture ?

— Manger les crêpes, me répond-il comme si ma question était parfaitement idiote.

— Et ton pari ?

— Ton ventre qui hurle me semble plus urgent.


Voilà donc ce que je lui inspire, de la pitié.


— T’as pas faim ? insiste-t-il devant mon air contrarié.

— C’est pas la question ! Il est tard, tu devrais rentrer chez toi.


C’est ce que j’affirme, et j’ai raison de le faire. Alors pourquoi n’en suis-je pas parfaitement convaincue, comme si une part de moi refusait qu’il s’échappe et déserte l’endroit ? Cette part-là s’agite tandis qu’il se penche en avant et s’emploie à diviser la tour en deux piles égales.


— Tu fais quoi ? cherche à savoir la part inquiète d’une voix un peu trop fébrile.

— Je te laisse ton butin que tu mangeras ici pendant que j’irais manger le mien chez moi… seul… sans confiture… sans sucre… et sans télé alors que j’ai jamais vu cet épisode.


Du menton il désigne l’écran sur lequel Adrien en Chat-Noir court après Ladybug sur les toits de Paris. Idris en fait des caisses, j’en ai conscience. Néanmoins, pour une raison que je ne m’explique pas, son stratagème fonctionne sur moi. Il le comprend au bruyant soupir que j’expire, et sans même attendre ma reddition, s’installe dans mon canapé avec un large sourire.


— T’es tout le temps comme ça ou c’est un plaisir que tu me réserves ? je l’interroge en rapportant la confiture et le sucre.

— Ça fait partie de mon charme.


J’en doute, mais il a déjà replongé dans l’épisode et moi dans les crêpes. Dans une bonne heure, la pile réduite à néant, il me remerciera pour le cour de cuisine et le plateau télé. Sans que je n’ai besoin de le mettre à la porte, il s’éclipsera de lui-même en me souhaitant un “bonne nuit, Rita”. Et, une fois encore, son bref sourire me fera oublier mon prénom sur ses lèvres sans que je ne le lui ai jamais offert.

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48 commentaires

Pouffychonchon

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Il y a 3 mois

Je ne fais que passer pour soutenir mais le titre miraculous m'intrigue 🤣🤣 je t'ajoute dans la PAL

Le Mas de Gaïa

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Il y a 4 mois

Les crêpes c’est magique lol

MarionH

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Il y a 4 mois

Le feeling est là c est indeniable. Allez, Rita on se laisse apprivoiser.

IvyC

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Il y a 4 mois

Belle entrée en matière en douceur

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 mois

Il s'invite l'Idris et Rita ne sait pas comment s'en débarrasser. Mais le moment crêpe est juste parfait et on a l'impression de les manger. Une très bonne façon de faire un premier contact.

M.G. Margerie

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Il y a 4 mois

Roh là là c'était juste parfait cet instant crêpes. Je veux plus d'Idris et de Rita.
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