Ophélie Jaëger Close(d) to me track 01 - Genie in a Bottle

track 01 - Genie in a Bottle

2024 - Rita

L'œil contre le métal froid, j’observe le passage de mes contemporains sur l’avenue bondée. A cette distance, malgré l’effet grossissant, ils me font l’effet d’hyperactives petites fourmis travailleuses suivant, par habitude, un chemin mille fois emprunté. Il est tôt, et ils se ressemblent déjà tous. Comme uniformisés par une vie active qui annihile toute personnalité. Costumes sombres, chaussures en cuir, ordinateur portable dans le dos. Tortues endimanchées. Une trottinette file à toute allure. A quel moment cette chose est passée du statut de cadeau d’anniversaire pour fillette de 8 ans à véhicule acceptable pour quadragénaire à pouvoir d’achat confortable ?


Le métal se réchauffe contre ma peau, la marquant de ce rond rouge qui s’estompera dans la matinée. Machinalement, je porte ma tasse à mes lèvres. Merde, le café est froid. Je me suis encore trop perdue en observation de ce monde que j’exclue. Et je replonge vers cet ailleurs si proche et si lointain. L’automne s’annonce mais quelques femmes s'obstinent à rentabiliser leurs robes d’été. Elles grelottent sous des tissus fleuris. Résistance colorée.


Mon téléphone ne va pas tarder à sonner. Café ? Toujours froid, merde, j’avais oublié. Je le recrache dans ma tasse façon Niagara du pauvre, et fait rouler ma chaise jusqu’au bureau hurlant. Enfin, ce n’est pas le bureau qui hurle, c’est ma mère. Du moins, la sonnerie dont je l’ai affublée. Adele, Hello. Ça colle bien au harcèlement dont je suis l’objet.


La visio s’impose et je cligne plusieurs fois des paupières sur le carmin de ces lèvres en gros plan. Maman sourit. Ses incisives aussi sont maquillées.


— Maman, tu as branché la caméra par erreur, j’alerte.

— Du tout, c’est exprès pour vérifier que t’es décente.

— Ça ne fonctionne que si je la mets de mon côté, je souffle.

— Tu attends quoi ?


Et j’obtempère en bonne victime de ma mère. Elle écarte le téléphone de ses lèvres et j’observe son œil aussi noir que mon café froid scanner chaque partie de mon corps à disposition.


— T’as enfilé un pantalon au moins ? qu’elle m’interroge avec suspicion.

— Oui…


Faux, je suis toujours en culotte. Mais elle n’a de visibilité que sur mon tee-shirt Nirvana. Ma mère poursuit son interrogatoire, se renseignant sur mon alimentation, mon rythme de travail, celui de mon sommeil relativement visible aux cernes qui s’étirent sous mes yeux. Je l’interromps avant qu’elle ne m’interroge sur la régularité de mes cycles. Rendez-vous psy, je prétends et m’excuse pour écourter l’appel, mais…


— Oh, comment va Mika ? me demande-t-elle.


J’échappe un soupir à fendre l’âme, tandis que les lèvres de ma mère s’ourlent de plaisir. Le fait qu’elle se montre aussi familière concernant ma psy résume assez bien le bordel qu’est ma vie.


— C’est bizarre quand tu l’appelles par son surnom, je lui fais remarquer.

— Je la connais depuis si longtemps, maintenant, c’est comme si c’était ma deuxième fille.

— Tu as déjà une deuxième fille, râle ma sœur dont le visage surgit du fond tropical que ma mère a dû installer par erreur.


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30

30 commentaires

Louisa Manel

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Il y a 4 mois

Fan 66, me voilà.

MarionH

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Il y a 4 mois

En fait j adore les persos qd ils sont un peu distants face au monde qui les entoure, du coup, j aime bcp ce chapitre où Rita regarde la rue depuis sa fenêtre.

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 mois

Sacré personnage maman Rita. Pour les lecteurs elle est rigolote mais pour ses filles elle doit être plus qu'épuisante.
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