Fyctia
TRACK 6 : Somewhere only...(2)
— Hum… Je ne sais pas trop comment tu veux qu’on procède… commençais-je.
— Commence par me faire écouter les morceaux que vous devez améliorer et puis si j’ai des trucs à dire dessus, je te le ferai savoir.
— Ok, faisons comme ça.
Je lance la piste et je sens le trac poindre. C’est toujours une épreuve pour moi de faire écouter mes productions mais devant lui, c’est encore plus intimidant. J’appréhende sa réaction, est-ce qu’il va rire ou bien me dire d’un ton glaçant que c’est juste bon à jeter ?
Il ferme les yeux et se concentre sur la musique. Je l’observe, guettant le moindre de ses mouvements.
À la fin du morceau, il rouvre les yeux avec un léger sourire aux lèvres.
— C’est pas mal.
Je relâche mes épaules, soulagé.
— C’est vrai ? Ça te plaît vraiment ? Demandé-je sans parvenir à masquer ma surprise.
— Oui, plutôt. On ressent bien la vibe année 80 qui colle au concept de l’album, l’instru est plutôt intéressante. Je crois avoir entendu un instrument peu courant au début c’est…
— Un handpan. Je viens de l’ajouter. À la base c’était un son de synthétiseur mais j’ai voulu lui apporter plus de caractère… Je trouve le rendu intéressant.
— Oui, ça donne un côté mystique, j’aime bien. C’est toi qui a composé ça ?
— Pas entièrement, j’ai seulement aidé sur certaines parties, avoué-je.
— Je vois. Tu veux pas me faire écouter un nouveau truc que tu as composé toi ?
— Eh bien en fait, il y a bien un nouveau morceau que j’ai composé oui… Mais je ne suis pas sûr que ça plaise. Je n’ai encore osé le faire écouter à personne, donc je ne sais même pas s’il sera validé… répondis-je timidement.
Je suis presque ému qu’il s’intéresse à mon travail.
— Vas-y, fais écouter et je te dirai. On est là pour ça t’façon.
— O-ok… Je vais prendre le synthé. Pour l’instant, je l’ai juste joué sur le clavier mais je ne l’ai pas encore numérisé…
— Vas-y.
Il sourit de nouveau, un sourire franc, presque chaleureux, qui me trouble un peu je dois bien l’avouer.
Je commence à jouer. Je suis nerveux, mes doigts tremblent et manque de souplesse mais il ne relève pas. Il écoute attentivement et je remarque alors à quel point ses yeux brillent lorsqu’il s’agit de musique. Il a cette lueur dans le regard, la même que moi. Au fond, nous ne sommes peut-être pas si différents lui et moi. Nous avons tous les deux cette même passion qui nous anime et je ne peux m’empêcher de me dire que si nous n’avions pas passé notre temps à nous détester, nous aurions sûrement pu être amis.
À cette pensée, un souvenir me revient en mémoire. Ce n’est pas la première fois que je le vois comme ça, non. La première fois que j’ai vu cette expression sur son visage, c’était ce jour-là au lycée, ce jour où tout à commencer… Mon coeur s’emballe brusquement.
Kangjoon, arrête, ne pense pas à ça ou tu vas finir par faire une crise d’angoisse !
— Clair de Lune de Debussy.
Ce nom résonne d’abord dans ma tête comme une pensée parasite avant de me ramener à la réalité. Je me stoppe et le regarde, effaré. Pris dans le tourbillon de mes pensées, je n’avais même pas remarqué qu’inconsciemment je me suis mis à jouer ce morceau…
— T-tu t’en souviens ?
— Hein ? Me souvenir de quoi ? Non, je te parle de ce que tu joues là, c’est Clair de Lune de Debussy, répond-il confus par ma réaction.
Évidemment. Bien sûr qu’il ne s’en souvient pas, pourquoi se souviendrait-il de ça…
— Effectivement.
— Pourquoi tu t’es mis à jouer ça tout à coup ? m’interroge-t-il.
Il a dû le remarqué, que je suis troublé. Je bafouille.
— J’aime cette musique, elle m’apaise, finis-je par confier.
C’est vrai, mes doigts en connaissent par coeur la partition. Je l’ai joué tant de fois que je suis capable de la reproduire même dans le noir, même les yeux fermés et même en pensant à autre chose. C’est le premier morceau de piano que j’ai entendu de toute ma vie, c’est cette mélodie qui m’a donné envie de faire de la musique. Elle a pansé mes maux et guéri mon coeur de si nombreuses fois qu’elle fait partie de moi. Si mon âme avait une musique alors se serait elle, sans hésitation…
Il lève alors un sourcil et un léger rictus se dessine sur ses lèvres.
— Ok. Pourquoi ne pas essayer de l’intégrer au morceau que tu m’as fait écouter dans ce cas ? On peut l’utiliser comme sample pour l’intro ou le refrain, tu pourrais jouer la partition sur un son de synthé retro et les voix pourront ensuite se caler avec une instru plus pop.
Je le dévisage, perplexe.
— Mais ce n’est pas un peu trop… mélancolique pour le concept ?
— Pas forcément, on peut essayer et on verra bien.
Je lui souris avec enthousiasme et je sens naître en moi cette petite flamme créatrice. Je m’exécute. C’est la première fois que j’essaie de produire quelque chose à partir de cette partition, je ne l’avais jamais imaginé autrement que comme je l’avais toujours écouté, pour moi elle devait rester inchangée, comme une relique sacrée, mais cette idée me plaît et je suis ravi que Jaekyung semble tout aussi inspiré par cette mélodie.
Je pianote donc quelques lignes sur le synthé, tente des harmonies, quand soudain il vient se placer juste à côté de moi, il se penche par dessus mon épaule et pose ses mains sur les touches. Sa main effleure la mienne, je tressaille.
— Attends, essaie plutôt un truc comme ça.
Ses doigts frappent le clavier avec agilité. Je le laisse faire. Il rejoue à la note près le même morceau, alors qu’il vient seulement de l’entendre. Je suis estomaqué, je ne me doutais absolument pas qu'il était si bon musicien.
— Tu vois, ça c'est plus ou moins ce que tu viens de me faire écouter, mais avec quelques arrangements comme ça...
Il se remet à jouer. Cette fois les notes s’envolent vers les graves. La couleur du morceau change, c'était beaucoup plus chaud, plus velouté.
— Je ne pensais pas que tu étais si doué en musique... lâché-je.
Il grimace puis lève le menton d’un air supérieur.
— Évidement ! Tu croyais quoi Tong-Joon ? Que tous les groupes de K-pop ne sont recrutés que pour leur plastique ? Nous les Gen-Z, on a justement été sélectionnés pour nos talents musicaux avant tout ! C'est en ça que nous sommes différents des autres groupes, plus rupturistes, plus professionnels, m’explique-il.
Je roule des yeux, amusé par sa condescendance assumée.
— Bref, coupe-t-il, t’en pense quoi ?
— De ?
— Eh bien ce que je viens de jouer ! Suis un peu, bougonne-t-il.
— Je n’étais pas très concentré je crois.
Il pousse un soupir d’exaspération.
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Lyaure
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Il y a 2 ans
AgatheDcls
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fallbird
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Eponyme
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Naischa
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Coleen Liestock
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AgatheDcls
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AgatheDcls
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Il y a 2 ans