Fyctia
TRACK 2 : Smalltown boy (1)
Le réveil sonne. Cinq heures trente, déjà. Je n’ai presque pas réussi à fermer l’œil de la nuit à force de ruminer. Je me roule en boule dans mon lit en soupirant. Je n’ai aucune envie de me lever et d’affronter cette nouvelle journée.
J’ai eu beau retourner le problème dans tous les sens, je ne vois aucune échappatoire… Pourtant, la vie n’a pas été tendre avec moi, mais j’ai toujours voulu me battre pour mes rêves, suivre mon cœur et rester fidèle à moi-même. Même si ça n’a pas toujours été simple… Mais après des mois de galère, à enchaîner les petits boulots, à essuyer autant de refus que de désillusions, j’apercevais enfin la lumière au bout du tunnel. Pourtant, le sort semble décidé à s’acharner contre moi, mon rêve a apparemment un prix, celui de devoir travailler tous les jours avec l’une des personnes que je déteste le plus au monde… C’est tellement insensé que s’en est presque risible.
Le moyen qui me semble pour l’instant le plus raisonnable est de faire comme si je ne le connaissais pas. Après tout, nous sommes dans un cadre professionnel et il n’est sûrement pas bête au point de ruiner sa réputation avant même que sa carrière n'ait débuté. Et puis, nous ne sommes plus au lycée, probablement qu’il a mûri, probablement que j’ai surinterprété son comportement d’hier, probablement qu’il était juste aussi surpris que moi de me voir ici, rien de plus. Probablement, oui.
C’est avec cette idée réconfortante que j'arrive à l'agence. J’ai voulu venir plus tôt afin de prendre le temps de me familiariser avec mon nouvel environnement de travail.
Je suis accueilli par les autres membres de l’équipe qui bosse sur l’album : Le producteur, Lee Seunghoon, un ancien rappeur peu connu à l’époque mais qui s’est désormais fait un nom dans le milieu de l’industrie musicale ; le directeur artistique, Kim Sewon, un homme d’une quarantaine d’années dont l’air assuré et strict contraste avec son physique tout en rondeur, et enfin Jang Baekhyun, le compositeur en chef, un homme de petite taille à l’air jovial, à peine plus jeune que ces deux collègues.
Tous les trois m’exposent en détail le projet. Le concept de base est plutôt simple : revisiter les contes de fées occidentaux à la sauce moderne. Tenues princières, cheval blanc, châteaux à la française et décor onirique. Tout y est. L’objectif étant évidemment de présenter ces cinq futures stars comme des princes charmants contemporains, prêts à conquérir le cœur des fans. Je ne peux pas m’empêcher de laisser échapper une grimace. Non pas que je n’aime pas les contes, bien au contraire, je garde un souvenir ému de ces histoires romanesques que me lisait ma mère enfant… C’est surtout l’image de Jaekyung tout de blanc vêtu, les cheveux gominés, arrivant sur sa monture tel un preux chevalier qui me donne la nausée ! Mais si c’est ce qui plaît aux fans après tout, j’imagine que les équipes de Great Hit savent ce qu’elles font. Sur le plan musical, l’idée est de miser sur des sonorités rétro, ambiance années 80, très en vogue dernièrement. Selon, le directeur artistique, jamais encore une telle association n’a été faite dans la K-pop et il compte dessus pour se démarquer des autres groupes aux concepts plus attendus.
Une fois l’exposé terminé, j’en profite pour écouter les quelques samples déjà présélectionnés pendant que mes coéquipiers vont se chercher un café.
Tandis que je suis concentré sur mon écoute, casque vissé sur les oreilles, je sens une main se poser fermement sur mon épaule.
— Hello Tong-Joon ! me lance une voix qui me fait froid dans le dos.
Je suis sur le point de me liquéfier, de violentes crampes d’estomac me tordent à nouveau les boyaux. Avec ce seul mot prononcé, toutes mes craintes viennent de se matérialiser.
"Tong-Joon" ne signifie rien d’autre que "caca-Joon". Ce qualificatif enfantin pourrait sembler n’être qu’un petit nom un peu nul qu'on se donne entre copains pour rigoler, mais en réalité, il s’agit là pour Jaekyung d’une odieuse façon de m’humilier, me rappelant à mon bon souvenir cet horrible surnom qu’il m’avait attribué au lycée… À cette époque, je n'avais pas d'amis et quand je n’étudiais pas, je passais mon temps libre à faire de la musique. Petit et chétif, j’étais la cible idéale. Ce surnom lui a été inspiré un jour où sa bande de larbins avait décidé de m'enfermer dans les toilettes pour me plonger la tête dans la cuvette… La vidéo avait fait le tour de l’école et le nom de Tong-Joon m'a alors suivi durant toute ma scolarité.
Ressasser tout ça remue en moi des cicatrices encore douloureuses. Je ne veux pas me souvenir de ça, pas maintenant. Ma gorge se noue et un goût acide envahit ma bouche, comme une envie de vomir. Je sens les larmes monter, mais je dois les retenir, je ne peux pas lui faire ce plaisir.
Ressaisis-toi Kangjoon ! Tu n'es plus Tong-Joon, tu es Song Kangjoon et tu travailles désormais comme compositeur chez Great Hit.
Je serre le poing afin de me donner du courage.
— Bonjour JK.
J’essaie de rester le plus calme et naturel possible. J'emploie sciemment un langage formel afin de marquer une réelle distance entre nous mais ça ne semble pas l’arrêter le moins du monde…
— Hé, c’est bon ! Tu peux arrêter de faire semblant maintenant, on est que tous les deux là ! raille-t-il.
Je m'efforce de lui sourire tout en remettant le casque sur mes oreilles. Au moins, la musique me permettra de passer rapidement à autre chose. Mais il n’a pas l’intention de lâcher l’affaire. Il s'assoit alors juste à côté de moi, sur le bureau, soulève l'un des écouteurs et me glisse à l'oreille :
— Tu sais ce que tu risques à jouer à ce petit jeu-là avec moi ?
Je frémis. C’est quoi son problème au juste ? Me harceler au lycée ne lui a apparemment pas suffi, il a décidé de remettre ça, même des années plus tard. Si cette situation ne réveillait pas en moi autant de blessures, j’aurais presque pu être flatté d’avoir à ce point marqué son esprit…
Je tourne la tête de son côté, m'apprêtant à riposter et me retrouve littéralement nez à nez avec lui, ses grands yeux d’un noir profond me fixant avec malice. Mon cœur manque un battement devant cette proximité subite et aucun mot ne sort finalement de ma bouche. Chaque trait de son visage me saute aux yeux : sa mâchoire saillante, son nez fin et parfaitement dessiné au-dessus de ses lèvres pleines, ses légères fossettes qui apparaissent sur ses joues lorsqu'il sourit et ce petit grain de beauté au coin de son œil gauche. J’avais presque oublié à quel point il est beau, le Mr. Perfect du lycée Joongang de Daegu… Oui parce que Jaekyung était lui surnommé "Mr. Perfect", l'élève le plus populaire du lycée. Beau, riche et mystérieux, il excellait aussi dans toutes les matières sans avoir le moindre effort à faire. Les garçons voulaient lui ressembler et les filles souhaitaient toutes sortir avec lui. Ça me fait mal de l’admettre mais ce n’est finalement pas si étonnant qu'il soit devenu idol.
Dommage que sa personnalité soit si laide.
41 commentaires
KateLyse
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Il y a 2 ans
AgatheDcls
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Il y a 2 ans
KateLyse
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Il y a 2 ans
Lyaure
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AgatheDcls
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Il y a 2 ans
Lyaure
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Il y a 2 ans
Mollusk20
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fallbird
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Vinie Aberas
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Il y a 2 ans
RomyMancini
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Il y a 2 ans