Fyctia

Quelques jours avant Noël…

Howth, Irlande

Baaaaaam ! Baaaaaam ! Baaaaaam !!!!!!!!!!!!!!!

Je toussote plusieurs fois et tente de réaliser ce qui vient de se passer durant cette surprenante fraction de seconde.

Des mitraillettes ? Où sont les mitraillettes ? Une odeur de brûlé envahit la salle me faisant m’étouffer à nouveau.

Mais ? Je recrache et extirpe avec dégoût les confettis métallisés en forme de sapins multicolores qui viennent de s’introduire par je ne sais quel moyen dans ma bouche. Je cligne des paupières pour ôter ceux qui se sont collés sur mes cils. Le reste étant disséminé dans la pièce évidemment. Je constate avec stupéfaction les dégâts. Il y en a partout.

Alors là ! C’est pas croyable !

Je rentre dans une colère folle. Ce séjour et ce Noël sont un véritable désastre. Jamais je n’aurais imaginé en arriver là. Quelle honte !

Merci Éva ! Je te revaudrai ça ! Tu peux me croire sur parole !

Je hurle, de rage.

Et j’espère que tu m’entends, toi et ton cadeau empoisonné !

Organiser un marché de Noël pour les enfants malades. Ah tu t’es bien moquée de moi ! Tu m’avais très bien vendu l’événement !

On séjournera chez ma tante Dorothy, tu verras elle est adorable ! C’est un boute-en-train, on ne s’ennuiera pas avec elle ! Je suis tellement heureusement de la revoir ! Et son cottage, tu verras, il est Ma-gique ! Ah et on en profitera pour flâner dans Dublin, shopper les dernières tenues à la mode, chanter et danser au Temple bar, se délecter des vitrines féériques, savourer de bons plats irlandais réconfortants… Et nanani et nanana !

Mon œil ! Que de belles paroles ! J’accumule les galères dès l’instant où j’ai posé l’orteil sur le tarmac de l’aéroport !

Et tu m’as clairement laissée tomber ! Lâcheuse !

Oui, bon… J’abuse vu ton état… et ta situation…

Mais comprends-moi aussi ! Je vais de mauvaises surprises en mauvaises surprises depuis le début de cette aventure. Et maintenant ça !

Je me demande bien ce qui a pu engendrer tout ce capharnaüm. Je claque mes talons au sol pour tenter d’épousseter tous ces débris collés sur ma tenue qui sent le cramé, tout en continuant de pester d’une voix forte et enragée contre mon amie. Comme si elle pouvait m’entendre jusqu’en France !

Je t’ai fait confiance, Éva. C’est le pire Noël de toute ma vie ! Sauf si je compte ceux de mon enfance… Bref le plus désastreux depuis que je te connais !

Je bouillonne.

 — Vous vous êtes tapée un délire avec les confettis, mademoiselle ?! Ah ah ! ben ça vous donne pas belle allure ! Vous avez voulu ressembler à une drag-queen ?

La voix sarcastique de l’agent communal, dont la tenue salie par les ordures de la rue me provoque un haut-le-cœur, me hérisse le poil. Je le foudroie du regard, pour lui signifier que je n’ai pas du tout envie de plaisanter. L’air penaud, les traits de son visage s’affaissent soudainement, tels ceux d’un chien qu’on vient de gronder :

 — Vous voulez que je vous aide à passer le balai ?

À ma mine excédée, il comprend vite que c’est lui, qui doit dégager le plancher, et rebrousse chemin.

Je contemple mon reflet dans une boule de Noël qui traîne sur le stand à côté de moi. Je fais peur à voir. Hormis le fait qu’elle me déforme les traits, j’ai les cheveux hirsutes, la peau souillée par... une espèce de suie ! La trace que je ramène avec mon index me le confirme. Mes poings sont si serrés que j’ai l’impression que mes ongles, fraîchement manucurés à l’effigie de la période festive, s’enfoncent dans ma peau. Si les petits sapins n’avaient pas amorti le choc, je serais couverte de brûlure. Je n’y crois pas ! Mais que s’est-il passé ?

Et pour couronner le tout, Eva, je me suis jeté dans la gueule du loup. Un loup en costard cravate et au pantalon moulant ringard ! Ouuuh !

Je me sens tellement idiote au milieu de cette salle censée arborer les couleurs de Noël, de ces allées du marché décorées dans un style qui me plaît à moitié et qui ne correspond pas totalement à mes valeurs. Ce bougre n’est pas très conciliant, plutôt dur à la négociation même.

Mais… j’y pense…

C’est forcément lui qui a créé cette étonnante détonation ! Il m’a bien eue !

Quel intérêt ?!

Alors que je commençais à m’apaiser, le cheminement de pensée qui serpente dans mon esprit électrise à nouveau mon état.

Nous venons d’avoir, il y a quelques minutes, une conversation mouvementée sur le clos final de ce marché de Noël, et il n’a rien trouvé de mieux que de faire exploser cette hotte de confettis. Mais oui… il m’avait bien fait remarquer à quel point ces petits bouts de papier étaient « ultra kitch », démodés et inutiles !

Je m’approche de plus près et regarde ce qui reste dans la hotte.

Mais qu’est-ce que… ? Mais pourquoi ? Quel gamin ! C’est bien lui qui a fait ça ! Sans hésiter ! Tout ça parce qu’il ne supporte pas mes idées qu’il qualifie de farfelues, d’un autre temps, de… ouh !

Je le hais ! Il va me le payer !

Mais quel genre d’homme est-il pour adopter un comportement aussi puéril ? Ce qu’il a fait ce soir… C’est le flocon de neige qui fait déborder la rivière glacée !

Il a tout fait capoter pour montrer son mécontentement. Mais pour qui il se prend ! Il n’en fait qu’à sa tête cet idiot. Il me tape sur le système nerveux.

Tout ça parce que je n’ai pas voulu donner plus de crédit à son goût plus épuré, plus écolo. Bah oui ! Ses idées sont moins pétillantes. À Noël, il faut que ça brille, que ça scintille comme les étoiles ! Il ne veut rien entendre depuis le début de toute façon.

Il a fait exprès, c’est certain. Je vais lui faire avaler sa cravate d’intello coincé. La vengeance est un plat qui se mange froid. Ultra congelé même chez moi, et en pleine poire !

On ne badine pas avec… je veux dire… on ne plaisante pas avec Noël et encore moins avec moi ! Il veut la guerre ! Il va l’avoir !