Fyctia
Chapitre 5 : Sélène -1-
Je finis d’appliquer une fine couche de mascara sur mes cils. La bouche entrouverte, je me concentre pour ne pas déborder sur ma paupière mais mes mains tremblent légèrement. Je cligne des yeux, recule un peu pour observer mon reflet dans le miroir. Un soupir s’échappe de mes lèvres. Je suis là, devant cette glace, habillée, maquillée, prête à sortir. Pourtant, quelque chose sonne faux.
Mes yeux bleus me fixent, mais je n'y vois aucune chaleur. Leur éclat s’est terni, comme une lumière qu’on aurait laissée s’éteindre lentement, jour après jour. Je cherche en vain celle que j’étais avant, celle qui riait, qui se préparait avec excitation avant une soirée.
Aujourd’hui, tout est mécanique. Les gestes, les sourires, les mots que je vais prononcer. Personne ne doit voir le vide qui a pris place au creux de mon âme. Ma faiblesse doit rester cachée, ne jamais être exposée à la vue de tous. Donner le change, ne laisser personne s’engouffrer dans mes failles.
D’un mouvement rapide, j’attache mes cheveux en une queue de cheval lâche. Cléo déteste ça. Elle dit que ça cache mes boucles, que ça me donne un air plus effacé. Elle préfère les voir retomber librement sur mes épaules. Comme avant.
Je pince les lèvres, et détourne les yeux du miroir. Avant, je me serais souciée de son avis, j’aurais pris le temps de me coiffer autrement, de me trouver jolie. Aujourd’hui, je veux juste être présentable. Invisible, si possible.
Je lisse d’une main distraite un pli sur mon haut et je prends une profonde inspiration. Ce n’est qu’une soirée comme une autre. Avec Sélène, nous nous voyons tous les week-ends ou presque. Parfois juste elle et moi, parfois avec Marc. Nous formons un trio d’enfer depuis que j’ai quitté ma ville pour me rapprocher d’elle. Elle travaille avec lui et, dès qu’elle nous a présentés, ça a été une évidence. Un équilibre parfait, un lien immédiat, comme si nous nous connaissions depuis toujours.
Je sens mon téléphone vibrer dans la poche arrière de mon jean et sors de mes pensées avec soulagement. Je déteste repenser à celle que je ne suis plus.
Un rapide coup d’œil sur le message de Sélène me tire un long soupir.
Je fronce légèrement les sourcils. Sélène est démonstrative, mais ce genre de déclaration spontanée, c’est inhabituel. Trois petits points s’affichent. J’attends de longues secondes avant d’avoir la suite.
Ma respiration se bloque, mon cœur accélère. Il me faut bien trop de temps pour me rappeler que je dois respirer. Cette date...
Sélène et moi avons une devise : « Toujours là l’une pour l’autre, quoi qu’il arrive. » Quand l’une de nous envoie une date, l’autre répond toujours présente. Ce n’est pas une obligation, juste une manière de rappeler que certains moments comptent plus que d’autres. Notre cercle d’amis a toujours trouvé ça un peu particulier, mais pour nous, c'est bien plus qu’une simple liste : c’est la preuve que, depuis toutes ces années, nous sommes unies pour le meilleur comme pour le pire.
Un poids tombe dans mon estomac. Pour le meilleur et pour le pire. Cette phrase si anodine et pourtant si lourde de sens. Un engagement important et non de simples paroles en l’air. Si seulement il les avait comprises avant. Avant de me briser.
Je file dans ma chambre et ouvre l’armoire d’un coup sec. Je fouille dans un carton bien caché derrière mes robes pendues et j’en sors un carnet à la couverture verte, où nos prénoms sont entrelacés en lettres dorées. Des minis intercalaires séparent les différentes années. Depuis notre rencontre en 2013, nous y notons nos souvenirs marquants ; des petits gestes du quotidien aux grandes étapes de notre amitié. Ce n’est pas une liste de comptes à rendre, mais un carnet rempli de preuves silencieuses que nous sommes toujours là l’une pour l’autre.
Je tourne les pages, lisant en diagonal les mots qui y sont inscrits :
24 mai 2014 : Cléo a mangé de la soupe pendant une semaine pour me soutenir après mon opération des dents de sagesse. Je sais à quel point elle déteste les légumes.
18 septembre 2017 : Sélène m’a prêté son haut préféré pour aller en boîte. Liam a flashé sur moi ce soir-là. Normal, j’étais irrésistible.
C’est vrai qu’elle était belle. Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’il était déjà amoureux d’elle bien avant cette soirée.
28 juin 2021 : Cléo m’a accompagnée voir mon père…
Mon cœur se serre à la lecture de ces mots. Je suis incapable d’en lire davantage, et referme d’un geste brusque le carnet dans mes mains tremblantes. Mon esprit tourne à plein régime. Cette date est l’une des plus marquantes de notre carnet, et Sélène n’évoque jamais une date au hasard. Elle a quelque chose d'important à me demander. Un service que je ne réussirais pas à lui refuser car a elle a été là dans un des pires moments de ma vie.
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Stephanie L.Moon
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Scriptosunny
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Alyrianna
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Debbie Chapiro
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Ama Ves
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