Fyctia

Il esquisse un sourire en coin.

— La réaction de Charlotte lorsqu’elles ont changé de couleur… Je crois que je ne l’oublierai jamais. Merci pour ce moment.

Je sens mes joues s’échauffer d’un coup. Son ton est bien trop chaleureux et complice pour un simple rendez-vous professionnel. Reprends-toi Isla, tu es là pour mener ce projet à bien.

— J’ai également remarqué qu’elles sont parfumées. Ce n’est pas un simple détail : c’est un autre atout qui saura faire la différence sur le marché. Mais pardonnez-moi, je vous fais mon propre retour alors que j’imagine que vous avez prévu votre présentation… Je vous écoute.

Il désigne le dossier entre mes mains, et je l’ouvre pour en sortir une simple feuille sur laquelle j’ai synthétisé mes idées. Rien d’extravagant, mais ça m’aide à conserver toute ma contenance. Je prends une petite inspiration et commence.

— Le concept est assez simple. Des chaussettes de Noël comme celles que vous avez vues : motifs en relief, prénom brodé, une touche parfumée. Pour cette partie, j’ai simplement cousu une petite poche à l’intérieur de la chaussette et j’y ai glissé de la cannelle. Mais on peut tout à fait imaginer d’autres senteurs d’ambiance. La touche véritablement originale, c’est le tissu utilisé pour la base de la chaussette. Il est thermoréactif, aux couleurs rouge et sapin. Le client pourra ainsi choisir quelle couleur il souhaite mettre en avant et accrocher la chaussette à la cheminée ou non. Et pour les enfants, c’est tout simplement magique.

Adam acquiesce, et je sens un peu de fierté pointer malgré moi. C’est plus ou moins tout ce que j’ai préparé, mais j’ai envie de faire bonne figure.

— J’ai aussi pensé à un packaging qui rappellerait le thème de Noël, mais j’avoue que… je ne suis pas certaine de la faisabilité.

Tout ce que j’ai pu imaginer me semble en dehors de mon champ de compétences. Boîte en forme de sucre d’orge, crackers ou boules de Noël. Mais alors que je me repasse mes idées, dans l’engouement du rendez-vous, une nouvelle fait son apparition. Je la saisis au vol.

— Sachant que mes créations s’adressent principalement aux enfants, peut-être tout simplement une grosse enveloppe décorée comme une lettre au Père Noël. Pourquoi pas directement adressée directement aux enfants de sa part, disant qu’il passera la remplir dans la nuit du vingt-quatre au vingt-cinq, si elle est bien accrochée.

En voyant le sourire amusé et les yeux légèrement plissés d’Adam, je m’attends à un commentaire sceptique, peut-être même moqueur.

— Vous avez… pléthore d’idées ! s’exclame-t-il, enthousiaste. J’aime que vous insuffliez autant de « magie de Noël » dans votre concept. C’est exactement ce qui fera la différence entre votre produit et la concurrence.

Je souris, soulagée et ravie.

— A combien estimez-vous vos coûts et temps de production ?

— J’ai mis environ quatre heures pour cinq chaussettes, mais ce n’était que la première fois. Je pense pouvoir monter à… disons entre quinze et vingt par jour. Je dirais que j’en ai eu pour à peu près… une trentaine de dollars pour les fournitures. Mais il m’en reste.

Adam prend des notes sur son ordinateur.

— Bien alors disons… Une demi-heure et cinq dollars par chaussette. Ça me semble cohérent. Pour un retour intéressant, je conseillerais un prix de vente au triple : quinze dollars. Pour une production artisanale, c’est justifié et ça reste correct. Qu’envisagiez-vous pour la vente ?

— Un site web, je réponds, sûre de moi. La vente par internet me semble être le plus simple.

— Pour l’e-commerce, acquiesce-t-il, nous devrons aussi viser les marketplaces les plus connues. Cinq mille chaussettes par an me semble être un objectif de départ réaliste. Pour aller au-delà il faudra que vous soyez plus efficace, ou que vous vous développiez avec des salariés, mais nous pourrons voir ça plus tard.

— Cinq… mille… pour décembre ? je répète, presque en apnée.

C’est complètement impossible. D’où sort-il ces calculs ? Adam m’adresse un sourire rassurant.

— Non, ce serait un plan sur l’année, basé sur votre rendement de production estimé. Vous produiriez votre stock de janvier à décembre, il ne vous restera qu’à broder les prénoms et ajouter l’élément de parfum avant l’expédition. Votre fournisseur pourra suivre ?

— Je… Je vais lui demander.

Il débite tellement d’informations à la minute que mon cerveau n’arrive à en suivre que la moitié. Je me force à rester concentrée, mais je commence à avoir beaucoup trop chaud.

— Pour ce volume de production, je pense à un investissement initial de vingt-cinq mille dollars. On pourra envisager un ou plusieurs investisseurs. Nous pourrions envisager un lancement pour octobre prochain.

— L’année prochaine…

Je ne peux cacher ma déception. J’espérais que tout se mettrait en place rapidement, que ma porte de sortie s’ouvrirait tout de suite. Mais non. D’un autre côté, si j’ai déjà du mal à suivre toutes les informations qu’il me lance, j’imagine mal ce que ça donnera sur l'entièreté du projet. Adam semble pensif.

— A moins que… murmure-t-il.