Fyctia

Après avoir passé la journée à cogiter sur ce que je pourrais faire de mes chaussettes de Noël, je rejoins mes amies dans un bar à trois rues de chez moi. J’adore l’ambiance clandestine de ce petit piano bar sur la vingt-septième rue. Je repère rapidement Kat, déjà installée à une table cosy, éclairée par une lumière tamisée qui la rend encore plus radieuse. Ses cheveux bruns, d’habitude indomptables, sont impeccablement tirés dans un élégant et volumineux chignon. Son chemisier blanc contraste magnifiquement avec sa peau brune, et comme toujours, elle dégage cette classe naturelle que j'admire.

Son visage s’illumine dès qu’elle m’aperçoit. Elle se lève pour me serrer dans ses bras, puis nous nous installons. Anna n’est pas encore arrivée, mais Kat a déjà commandé pour nous trois. Elle connaît nos goûts par cœur. Un moscow mule pour elle, un mojito pour Anna, et pour moi, un cherry sweet, ultra sucré. Même pour les cocktails, je suis fidèle à mon amour du sucre !

— Alors… attaque-t-elle aussitôt, les yeux brillants de curiosité. C’est quoi cette histoire ?

Je renverse la tête en arrière en soupirant.

— Je me suis embarquée dans un truc…

Elle éclate de rire juste au moment où une voix enjouée retentit :

— Bonjour mesdemoiselles !

Je souris en levant la tête vers Anna, radieuse. Elle porte une robe fourreau qui lui va à merveille, ses cheveux châtain sont rassemblés une tresse qui s’arrête aux épaules. Ses tâches de rousseur lui donnent ce petit air espiègle qui la rend encore plus belle. Mes deux amies sont si soignées... Il faut dire aussi que la vie de bureau, ça aide.

Moi, je passe la plupart de mes journées dans mon appartement à répondre… à des demandes de photos. Ou à me faire des pédicures personnalisées pour les clients aux goûts bien précis. Oui, les commandes personnalisées sont clairement ce qui rapporte le mieux. Mais ça demande un autre niveau d'investissement. Et mes pieds doivent toujours être impeccables. Ce n’est pas aussi facile qu’on peut le penser. Et c’est une activité très chronophage.

— Alors… commence Anna en me fixant, attendant manifestement que je leur raconte mon histoire.

Je soupire une nouvelle fois. Et voilà, je me dégonfle.

— Et vous, plutôt ? Vos journées ?

— Banale, balaye Kat.

— Clairement banale, renchérit Anna en attrapant son verre. Et on n’est pas là pour parler de nous, ma belle. Accouche.

Mes amies dans toute leur splendeur : directes, sans détour, et toujours prêtes à me cuisiner. Elles ne me laisseront pas esquiver. J’ai envie de glisser sous la table pour m’y cacher, mais elles seraient bien capables de m’y suivre. Je prends une gorgée avant de répondre, espérant me donner du courage. Mais ça ne fonctionne pas. On n’est pas dans un film, il me faudra un peu plus que ça.

— J’ai… merdé ? je lâche, hésitante.

Mes deux amies sourient immédiatement. Sérieusement ? Mon désarroi les amuse ?

— Raconte-nous depuis le début, demande Kat en s’installant un peu mieux, l’air de s’apprêter à savourer chaque détail.

— J’étais chez mes parents. Non. J’étais au coffee shop, au coin de chez moi.

Je leur raconte en détails mon dimanche. La collision contre le mur humain, l’affaire des fausses chaussettes, ma fuite, le marché de Noël, le tissu magique... Tout. Mon histoire est ponctuée d’onomatopées bien sentis de leur part. Elles semblent se régaler.

— Et donc… Ce matin ? me presse Anna, les yeux pétillants.

Je pince les lèvres.

— Je suis allée dans ses bureaux. J’ai livré les chaussettes. Et… il m’a proposé un rendez-vous d’affaires pour m’aider à faire décoller mon commerce…

Je cache mon visage entre mes mains.

— Mais c’est super ! s’exclame Anna, toujours optimiste. Imagine le potentiel de ce truc.

— Ce truc qui n’existe pas, je te rappelle.

— Attends un instant… intervient Kat, rationnelle. Qui a dit qu’il n’existait pas ?