Fyctia

Je me fige. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Il me propose vraiment un… Ma gorge s’assèche, et malgré toutes mes résolutions, je suis incapable de refuser. Je n’ai aucune envie de dire non. J’ai eu une mauvaise impression. Mais cet homme pourrait être bien différent de celui que j’ai imaginé. Et j’ai envie de le découvrir.

— D’accord, je souffle.

Il sourit encore, plus largement cette fois-ci.

— Je n’ai pas mon agenda sur moi, mais vous pouvez voir avec ma secrétaire le créneau qui vous arrange le plus ?

Je fronce les sourcils. Pourquoi… Oh non ! Je sens mes joues s’échauffer de honte. Il parlait d’un rendez-vous professionnel. Je suis idiote. Mais… pourquoi ?

— Nous discuterons en détails de vos créations…

Je le vois réaliser mon désarroi et réaliser mon erreur. Ce que j’ai cru qu’il me proposait. Et maintenant, c’est lui qui a l’air embarrassé.

— Oh, souffle-t-il. Je…

Il se redresse, visiblement aussi mal à l’aise que moi.

— Je suis spécialiste dans le développement de start-up. J’en rachète, j’en revends, je les aide à atteindre leur plein potentiel. Je me disais que… Si vous envisagiez de développer votre activité, je pourrais peut-être vous donner quelques conseils. Si vous le souhaitez.

— Bien sûr, je réponds, tâchant de récupérer un peu de contrôle… et de dignité. Ce serait… utile.

Mais qu’est-ce qui me prend ? J’avais dit que j’en aurais fini avec lui après cette livraison. Et maintenant, le voilà prêt à m'aider pour un commerce… qui n’existe même pas. Non. Je vais juste le remercier et m’éclipser. Pas de rendez-vous. Je redresse le menton. Je domine cette situation. Et je vais faire une sortie mémorable. Je me penche légèrement en avant et attrape l’un des gobelets qu’il a apportés avec lui.

— Isla, gronde-t-il doucement, comme un avertissement.

— Vous me deviez un café, vous vous souvenez ? je rétorque avec assurance en me dirigeant vers la porte. Considérez que nous sommes quittes.

Je bois une gorgée, bien décidée à conclure ma sortie sur une note parfaitement théâtrale. Erreur. Monumentale erreur. Le goût est… infect. Je dois faire la pire grimace de tous les temps. J’ai beau être adulte, il est hors de question que j’avale cette… chose. Une poubelle apparaît devant moi, providentielle, et je crache immédiatement. Je saisis la serviette en papier qu’Adam me tend avec un éclat de rire.

— J’ai essayé de vous prévenir.

— C’est…

Un haut-le-cœur m’interrompt. C’est fichu pour la sortie calculée.

— De toutes les boissons que vous auriez pu prendre, vous être tombée sur celle de Dane.

Il semble extrêmement amusé par la situation. Il se rapproche, me couvrant de sa chaleur, sa voix glissant contre mon oreille :

— Il a des goûts un peu particulier en matière de café.

— Qu’est-ce que c’était ?

— De l’œuf cru. Il dit que c’est plein de protéines.

La nausée me prend. Le goût me reste sur la langue. Je me sens mal.

— Je ne savais même pas que ça existait.

Retenant un rire, il me tend un autre gobelet.

— On peut trouver de tout à New York. Tenez, le mien est juste noir. Promis

Je préfère les boissons sucrées, mais entre ce café à l’œuf et… n’importe quoi d’autre, le choix est vite fait. Je prends la boisson et son goût me soulage immédiatement. Je tire tout de même une légère grimace car il est vraiment fort et amer. Mais il a le mérite de nettoyer mon palais. Et c’est toujours mieux que… l’ignoble autre boisson.

— Merci, je dis en lui tendant le gobelet.

Il le récupère, et je me demande soudain ce qu’il va en faire. Il va sans doute le jeter, pas boire après moi. Ne laissant rien paraître, il m’indique simplement la porte d’un geste et me raccompagne.

— Helena, interpelle-t-il la réceptionniste. Peux-tu donner un rendez-vous avec moi à Madame Winthrop ?

Merde. M’esquiver pour ne plus jamais revenir va s’avérer compliqué. Il ne me laisse pas vraiment le choix, alors je prends un rendez-vous pour le lendemain matin. Je vais vraiment revenir ici ? Je m’étais juré de ne plus penser à lui une fois ces chaussettes livrées, mais… Je me tourne vers la salle de réunion avant de partir. Il est déjà installé, en bout de table, et semble concentré face à ses employés. Parfaitement dans son élément.

Il doit sentir mon regard, car il tourne brièvement la tête vers moi. Juste assez longtemps pour que ses yeux croisent les miens, dévorant tout mon être. Et lorsqu’il se tourne à nouveau vers ses employés, il me semble apercevoir un sourire en coin. Je cligne des yeux, croyant mal voir lorsqu’il porte son gobelet de café à ses lèvres. Celui qui a touché les miennes à peine quelques instants plus tôt.

Je quitte les bureaux en soupirant. Me voilà coincée. Mon cerveau va devoir fuser pour affronter le rendez-vous du lendemain… et son regard bleu si intense. Je dégaine mon téléphone. J’ai besoin de renforts. Et j’ai besoin d’un plan.