Fyctia
Chapitre 2 (1/2)
— Tata Isla !
Impossible de ne pas sourire alors que Grace me saute dans les bras. Ma nièce de cinq ans est clairement ma préférée. Oui, je sais, je ne suis pas censée en avoir une. Mais voilà, c’est comme ça. Sa grande sœur de dix ans, Clara, a hérité du caractère de mon frère. Et Aiden est pourri-gâté par ma sœur. Ces pauvres enfants n’avaient aucune chance avec ce genre de parents.
Je cale Grace sur ma hanche sans lâcher mon sac cadeau. Difficile de viser juste avec un pré-ado de onze ans à qui ses parents ne mettent aucune limite, mais encore une fois, j’ai tenté ma chance.
— Coucou ma puce, je lui réponds en la serrant fort contre moi.
Les câlins des enfants sont véritablement une bouffée de dopamine. Ils donnent sans chercher plus loin. J’espère qu’elle saura garder cette innocence encore longtemps.
— Tu m’as manqué, me glisse-t-elle à l'oreille.
Je souris et caresse doucement le haut des cheveux.
— Toi aussi, bien plus que tu ne l'imagines.
C’est en vérité la seule raison de ma venue aujourd'hui. Les adultes de ma famille m’épuisent, mais les enfants… Depuis que j’ai accepté de reprendre contact il y a deux ans, je me suis attachée à eux. Surtout à Grace. Il faut dire que c’est la plus jeune. A cet âge-là, ils ne posent pas trop de questions, ils prennent les choses comme elles viennent. Et les gens aussi. Clara et Aiden, eux, me voient encore comme une tante lointaine qui a débarqué un peu tard. Et ils n’ont pas vraiment tort.
J’entre dans le salon, débarrassée de mon manteau, et observe les invités, bien plus nombreux que je ne l’avais escompté. Lorsque je croise le regard de ma belle-mère, le sien descend aussitôt sur ma jupe. Chez les Winthrop, le cuir, c’est déjà limite, mais… une jupe qui ose s’arrêter à mi-cuisse ? Quelle longueur intolérable ! Vulgarité suprême. Elle se contente d’afficher un sourire poli. Parfait. Après quatre mois sans donner signe de vie, peut-être que…
— Isla, me salue mon père en s'approchant pour m’embrasser.
— Papa, je réponds avec un sourire mesuré.
— La prochaine fois, je pourrai te donner un peu plus que le montant de la facture du taxi, si tu as besoin d’une nouvelle tenue.
Et voilà. Ça n’a pas traîné. Le sous-entendu, bien emballé dans une fausse générosité. Je recule légèrement, mon sourire s'efface, mais je réponds avec le plus possible de politesse.
— Merci papa, je n’ai pas besoin de ton argent.
Victoria s’avance, Ma belle-mère, au chignon impeccable comme toujours, a visiblement l’intention de gérer la situation.
— Isla, tu veux peut-être passer par mon dressing ? J’imagine que tu n’as pas eu l’occasion de te changer avant de venir.
Je me crispe. Son dressing n’est rien de plus qu'un étalage de conformisme. Uniquement des vêtements considérés comme convenables aux yeux de la bourgeoisie du Connecticut. Autrement dit, elle veut me faire enfiler un de ses tailleurs droits, à la longueur impeccable et à la couleur fade, pour que je puisse mieux me fondre dans le décor. Non merci. Je préfère faire dévier la discussion.
— Je ne savais pas qu’Aiden avait un… réseau si étendu.
Moi aussi, je maîtrise l’art du passif-agressif. Franchement, quoi de mieux pour fêter les onze ans d’un enfant qu’une brochette d’hommes d’affaires guindés et leurs épouses tirées à quatre épingles ? Quel intérêt y aurait-il à monter un château gonflable ou organiser une chasse au trésor ? Non, ici, les enfants apprennent très tôt à se tenir… et à s’ennuyer poliment. Je ne saurais même pas compter le nombre de réceptions telles que celles-ci durant lesquelles j’ai dû ronger mon frein.
— Tu es sûre de ne pas vouloir monter te changer ? me glisse Victoria d’un ton mielleux. Même si l’apéritif a déjà commencé, nous pouvons t’attendre quelques minutes supplémentaires.
Un élégant rappel de mon retard. Je balaie le grand salon du regard. Il est clair que je détonne. Et la vérité, c’est que j'aime ça. J’adore être celle qui dérange sur les belles photos car je ne corresponds pas à leur image parfaite. J’assume complètement ma jupe un peu trop courte à leur goût, mes bottines qui montent jusqu’aux genoux, mes longs cheveux auburn lâchés en vagues indomptées. Pas de tailleur fade et inconfortable. Pas d’escarpins réglementaires. Pas de chignon si tiré que j’en ai mal à la tête.
Et surtout, même si c’est puéril, j’aime profondément agacer Victoria. Elle n’a jamais réussi à me modeler, malgré sa promesse de le faire. Après toutes ces années, elle devrait avoir compris qu'elle ne peut pas me faire rentrer dans une case. Je lui adresse un sourire parfaitement hypocrite. L’une des rares choses qu’elle a finalement réussi à m'apprendre.
— Merci, Victoria, je me sens très bien comme ça.
Sans lui laisser le temps de répliquer, je m’éclipse au milieu des invités. Je me dirige directement vers la cheminée, décorée d’une guirlande lumineuse et de chaussettes de Noël, d'où un grand brun m’observe, tentant de masquer son sourire moqueur. Sans prévenir, j’attrape le verre qu’il tient à la main.
— Salut, Donovan.
Je porte le verre à ma bouche et prends une gorgée… et le regrette immédiatement. Je déteste le whiskey. Je tente de garder une contenance, mais vu son rictus, je crois qu’il a perçu ma légère grimace.
— Tu n’as pas changé d’un poil, petite Isla, lance-t-il avec un large sourire.
Ses yeux brillent, comme à chaque fois qu’ils se posent sur moi depuis mes quinze ans. Et je ne vais pas mentir : ça me plaît. J’aime jouer avec lui autant que l’inverse. Il récupère son verre, effleurant volontairement mes doigts. Un geste qui me fait légèrement frissonner.
— Permets-moi de t'apporter une boisson qui te conviendra mieux.
J’acquiesce, amusée.
— Je voudrais…
— Ne t’en fais pas, me coupe-t-il en murmurant à mon oreille. Je sais parfaitement ce que tu préfères.
Je sens mes joues s’échauffer légèrement. Il est arrogant, mais c’est ce qui me plaît chez lui. Ça, et sans doute le fait de savoir que mon frère fulmine chaque fois qu’il me voit près de son meilleur ami. Surtout depuis que Donovan est devenu son associé, après leur promotion au même moment dans le cabinet de notre père. Je serre les dents alors qu’il s’approche.
— Isla, me salue-t-il avec une accolade rapide qui n’est pas la bienvenue. Comment te portes-tu ?
Je plonge mes yeux droit dans les siens et prends un ton ferme :
— Plutôt bien, depuis que je me suis remise de ta tentative d’empoisonnement. Et toi, Cal ?
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Patrick de Tomas
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Charlyemorand
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