Fyctia

Des gouttelettes s'écrasaient contre la vitre, accompagnées de quelques éclairs qui illuminaient brièvement la chambre à coucher des enfants, agités dans leurs lits. Lugus ne savait plus s'il tremblait de froid ou de peur face aux ombres flottant le long des murs du dortoir. Ses grands yeux bruns, parsemés de taches de rousseur, cherchaient à s'assurer que la silhouette de sa figurines ne se transformerait pas en monstre avant de se blotties sous sa couverture qui lui servait de bouclier, bien à l’abri dans son petit monde. Il éclairait finalement les pages de son livre à peine lisibles, en faisant la lecture à voix basse, car il redoutait encore de se faire prendre par le concierge, Monsieur Freske.

Tout le monde à l'orphelinat connaissait son nom, mais personne n'osait croiser son chemin. C'était un sinistre personnage aux joues creuses et à la démarche chancelante, inspirant la peur à quiconque osait croiser son regard.

Gare aux petits malins qui se feraient prendre après le couvre-feu !

Ce soir encore, on pouvait entendre ses lourds sabots piétiner le plancher pendant sa ronde. Les enfants racontaient des histoires effrayantes à son sujet, héritées des anciens camarades de jeux. Les plus vieux, ceux qui avaient quitté l'orphelinat, affirmaient que Monsieur Freske Bolton n'était pas tout à fait humain. Certains prétendaient même qu'il avait des yeux rouges de chauve-souris, capables de voir à travers les murs. Les rumeurs disaient qu'il n'avait ni besoin de dormir ni de manger, se nourrissant uniquement des peurs des enfants.

Lugus, qui avait vraiment très peur, peinait à trouver le sommeil en entendant ces histoires. C'est pourquoi il faisait de son mieux pour se changer les idées et garder sa lampe torche près de lui. Cela le rassurait un peu, car il ne voulait pas que Monsieur Freske se nourrisse de sa peur.

Il était vingt-trois heures lorsque la grande horloge sur la place résonna dans la nuit. Le bruit du vent et de la pluie l'empêchait de trouver le sommeil. Soudain, un bruit sourd résonna dans les couloirs ; on aurait dit que quelqu'un venait de heurté un meuble. Lugus retint son souffle. "Peut-être n'était-ce que le bois qui craquait sous l'effet de l'humidité", se dit-il, mais une autre part de lui savait que cette idée ne suffirait pas à apaiser ses angoisses. C'est alors qu'il se força à fermer les yeux, déterminé à ignorer tout ce qui l'entourait. Il ne voulait rien savoir, ni entendre. La curiosité n'était pas l'une de ses plus grandes qualités ; il n'allait pas chercher à comprendre ce qui se passait. Il préférait encore se retourner sans cesse sous ses draps. Mais alors que la lumière de sa lampe torche vacillait faiblement et qu'il commençait enfin à sentir la fatigue peser sur ses paupières, une petite luciole vint se poser sur sa couverture. Figé, il n'osait plus bouger, les yeux rivés sur cette étrangeté qu'il discernait à travers le tissu. En l'observant de plus près, il se rendit compte que ce n'était pas une simple luciole. Elle avait des jambes et même des bras ! Mais qu'était-ce donc que cette chose ? Avant qu'il ne puisse réfléchir davantage, il sentit soudain une force le tirer en avant. Pris de panique, Lugus agrippa sa couverture de toutes ses forces. C'était sa protection ultime, pas question de céder ! Mais la petite bestiole semblait bien déterminée de son côté et tirait avec insistance.

« Non, lâche ça ! » s'écria Lugus, pris dans une bataille dont il ne comprenait rien. « Je ne te laisserai pas gagner, » murmura-t-il, les dents serrées.

La créature, minuscule et agile, esquissa un petit rire cristallin. C'était comme un jeu, mais un jeu que Lugus n'avait pas choisi. Son cœur battait fort, non seulement de peur, mais aussi d'un drôle de mélange de colère et de défi. Puis, soudain, la créature relâcha la couverture. Emporté par son élan, il roula en arrière avant de s'étaler au sol.

La petite créature éclata de rire avant de s'envoler et de disparaître, laissant derrière elle une traînée lumineuse, presque magique. Lugus, essoufflé et complètement déconcerté, retira la couverture d'un geste brusque.

« C'était… quoi, ça ? » murmura-t-il pour lui-même, mais il était impossible de voir dans le noir. En cherchant sa lampe torche, qui avait fini par s'éteindre, il trouva cela bien curieux : le sol ne semblait plus aussi lisse. Il était humide et glissant, comme de la boue, ce qui était étrange puisqu'il se trouvait toujours dans sa chambre.

Il se redressa doucement, les bras tendus, cherchant dans le vide l'interrupteur qu'il savait être tout proche. Pourquoi faisait-il si sombre tout à coup ? Ses yeux peinaient à s'adapter à l'obscurité, et il n'apercevait plus sa fenêtre. C'était comme si tout autour de lui avait disparu.

— Roudnell ?

Il continua d'avancer, ses orteils s'enfonçant dans la boue.

— Où êtes-vous ? Nuru, Sami ! hurla-t-il, sa voix résonnant dans le lointain.

En levant les yeux, il aperçut trois lunes rouges, dissimulées derrière les nuages, et tomba sur les fesses. Son cœur s'emballa, la panique et la peur s'infiltrant en lui, comme un brouillard paralysant tous ses membres. Il se força à respirer profondément, mais l'air semblait irrespirable, chargé de noirceur dans cette forêt sauvage. Il avait l'impression d'être piégé dans un cauchemar, dans un monde dont il ne pouvait s'échapper

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