Fyctia

Lugus avait peur...

On aurait même dit qu'il était terrifié. Pourtant, il en avait connu, des frayeurs, tout au long de sa jeune vie, et s'il s'était résigné à l'idée qu'il ne serait jamais courageux, il avait fini par accepter ce défaut.

Contrairement aux enfants de son âge, qui rêvaient d'aventures et de chevaucher des dragons par-delà les mers, cette idée ne lui effleurait même plus l'esprit. Le passage des saisons et l'absence de réponse avaient gelé ses rêves, les étouffant sous une épaisse couche de neige. Porter de lourdes responsabilités ? C'était impossible pour des épaules aussi frêles que les siennes. Lui, qui n'avait droit qu'à deux repas par jour, servis par Madame Crunchilin, et seulement lorsqu'elle était de bonne humeur.

Cependant, il y avait une chose que Lugus savait faire mieux que quiconque...

Cette compétence particulière, dont il n'était pas peu fier, s'appelait : « À l'aide !! Au secouuuurs ! » tout en prenant ses jambes à son cou. « Aidez-moi !! » Et jamais il n'avait été aussi déterminé à mettre ce talent en pratique.

À bout de souffle, ses vêtements s'accrochaient aux branches des arbres, égratignant sa peau au passage. Il ne réfléchissait plus ; s'il avait tenté de faire appel à la raison, elle lui aurait sûrement conseillé de rester tranquillement sur place et d'attendre les secours, en supposant que tout ceci ne soit qu'un rêve.

Mais Lugus, qui n'avait jamais été courageux, fut pris d'un élan de 'je-ne-sais-quoi qui le propulsa à travers la forêt noire.

« Vite, suis-moi ! Tu es en danger ici ! » ordonna une petite voix à son oreille. Une faible lueur jaillit des tréfonds des ténèbres, attirant son regard sur le chemin. Elle dansait et scintillait, comme un petit phare dans l'obscurité. « Il ne faut pas que les Morgnoirs te trouvent ! »

Suivant sa trace, il arriva au pied d'une falaise, les rafales de vent glissant dans ses cheveux. En jetant un coup d'œil en bas, il réalisa que c'était beaucoup trop haut.

— Qu'est-ce que t'es, toi ? Une fée ? demanda le petit garçon, essayant de ne pas regarder en bas. Pourquoi on est là ? J'ai peur !

« Écoute-moi, c'est trop compliqué à expliquer ! on a des choses plus urgentes à régler, tu ne crois pas ? »

— Nooon, explique-moi maintenant ! On va mourir de toute façon ! Même si je pense que je serais le seul à tomber de cette falaise, puisque toi, tu peux voler !

Elle souffla, exaspérée par son attitude. Comment pouvait-il être aussi naïf face à une situation si grave ? Malgré tout, la petite fée prit une grande inspiration pour essayer de l'aider le mieux possible !

« Il faut que tu utilises ta magie, » lui dit la fée en voltigeant autour de lui.

— Quoi ? Mais quelle magie ? Je n’en ai pas ! s'écria Lugus, trouvant cela vraiment absurde.

« Il faut que tu te rappelles de ton nom ! » reprit-elle.

— Je connais mon nom, c'est Lugus Maréchal !

« Je parle du nom véritable d'un sorcier. C'est l'origine de son pouvoir. Si tu ne le dis pas maintenant, les Morgnoirs aspirons ton âme et tu deviendra à ton tour un spectre des ténèbres ! »

Lugus sentit une sueur froide perler sur sa peau à mesure qu'il prenait conscience du danger qui l'entourait.

— Je ne peux pas ! Je ne suis pas un sorcier...

Il recula, sentant son cœur battre à tout rompre. Il ne pouvait pas faire un pas de plus. Le vent apportait avec lui les murmures sinistres des spectres qui embrouillaient son esprit.

« Tu as pourtant réussi à m'appeler. Et tu nous as conduits dans la forêt la plus dangereuse du monde des sorciers. »

Mais Lugus ne se souvenait pas d'avoir fait une chose pareille. Il y a à peine dix minutes, il se trouvait encore dans sa chambre à l'orphelinat, rêvant d'une vie normale. Quel était donc ce nom dont il devait se rappeler ? Et pourquoi ne lui en avait-on jamais parlé ?

La fée s'approcha, sa lumière réchauffant légèrement ses joues froides. « Écoute, Lugus. Je sais que tout ça est effrayant et que tu te sens complètement perdu. Mais je suis là pour toi. Je suis là pour t'aider à surmonter tes peurs. Si tu parviens à te rappeler qui tu es vraiment, tu comprendras pourquoi nous sommes ici, et tout ça prendra un sens. »

Elle se posa délicatement sur son épaule. « Tu as une force en toi, une magie que tu ne soupçonnes même pas. Si tu retrouves ton véritable nom, ton esprit se libérera de ces doutes, et tu pourras affronter les Morgnoirs. Fais-moi confiance. Je crois en toi, même si toi, tu n'y crois pas encore. »

Alors qu'il écoutait la fée, troublé par ses paroles, une ombre surgit et le happa, l'entraînant brutalement dans le vide. le vent fouettait son visage, rendant tout flou autour de lui, il tenta désespérément de s'accrocher à quelque chose, n'importe quoi. Des lianes accrochées à la falaise le rattrapèrent un instant, mais elles cédèrent rapidement, le laissant chuter à nouveau. Il hurla encore plus fort en rebondissant contre une fleur-plante à trois yeux dans un nu brillant, repoussant le spectre dans les airs.

« Lugus ! Utilise moi, dis mon nom ! » cria la fée, alors qu'elles se préparaient à lancer une nouvelle attaque.

Lugus, envahi par une frayeur sourde, ferma les yeux. Il ressentait leur présence oppressante, si proche, leurs bras squelettiques tendus vers lui, prêts à lui aspirer son âme, dans une distorsion soudaine de l'espace-temps. Le passé et le présent se brouillaient, comme si le temps n'était plus qu'un reflet. Il revit des visages familiers qui lui souriaient, des éclats de rires résonnant dans un jardin en fleurs, les doux rayons de l'après-midi réchauffant sa peau sous la caresse du vent. C'était des moments de paix où il se sentait enveloppé de chaleur. Mais ces souvenirs d'amour se heurtaient aussi à des instants de douleur : des larmes amères versées dans la solitude, des adieux déchirants qui l'avaient laissé anéanti...

Tout s'emmêlait dans un tourbillon d'incertitude, et l'avenir lui apparaissait sombre, tel une mer de ténèbres où la lumière n'avait plus sa place.

Pourtant, au cœur de cette obscurité, une lueur commença à percer. La forêt s'illumina, les ombres menaçantes se désintégrèrent en nuages de poussière sous l'éclat de sa magie et en ouvrant les yeux, il sentit une chaleur familière dans sa main : sa baguette magique. Elle scintillait, vibrant d'énergie. Mais aussitôt, la lumière s'éteignit, et il sombra, vidé de ses dernières forces

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