Fyctia

[Shadowbringers – Masayoki Soken]

Je suis en pleine réanimation quand le Dr Walter entre dans la pièce. Spencer vient de terminer de poser la perfusion et injecte une dose d’adrénaline.

— Le défibrillateur est prêt, annonce-t-elle.

J’arrête le massage cardiaque au moment où elle pose les palets.

— Chargé à 30.

La décharge passe. Durant de longues secondes, on n’entend rien d’autre que le glas sinistre du monitoring. Puis, le cœur repart, et avec lui la ligne de vie de ma patiente.

— Que s’est-il passé ? me demande mon titulaire.

— Jeune femme de 23 ans, compression médullaire lombaire et multiples fractures. Elle a fait une embolie graisseuse. Vous devez retirer le caillot, Dr Walter.

— Ça fait combien de temps ?

— Ça vient d’arriver.

— Dr Walter, on l’emmène tout de suite, ordonne le Dr Parker.

Nous nous précipitons au bloc et nous changeons rapidement.

L’odeur de l’antiseptique assaillit mes narines quand je me rince les mains. On m’enfile une surblouse jetable et des surchaussures avant de mettre mes gants et mon masque.

Mon reflet se dévoile à travers la baie vitrée du bloc. Ça fait si longtemps que je ne me suis pas vue dans cette tenue. Ça remue quelque chose au fond de mon ventre. Quelque chose d’agréable… et de dérangeant.

Comme puis-je être aussi tourmentée et tiraillée pour quelque chose qui me passionne et me sens devenir vivante ?

Lorsque j’entre, le Dr Walter m’attend de pied ferme.

— Dr Peters, me dit-il en plantant ses yeux verts sur moi, vous allez me dire exactement ce que vous avez aperçu à l’imagerie.

— Fracture du col du fémur à droite, de l’épaule gauche, de la 3e et 5e vertèbre lombaire. Organes RAS.

— Bien. Quel serait le lieu le plus évident pour cette embolie graisseuse ?

— Au niveau du fémur, à droite.

— Quelle est la directive à suivre ?

— Ponction dans l’artère fémorale gauche commune avec héparine par voie intraveineuse et injection de fibrinolyse.

Un éclat irradie son regard émeraude. Je n’ai pas le temps de l’analyser qu’il disparaît aussi vite qu’il était venu. Ai-je dit quelque chose de mal ? Pourtant, je suis certaine de ma réponse.

— Parfait, répond-il enfin. Vous m’assistez pour l’intervention.

Je cours chercher l’héparine et dispose le produit dans la perfusion pendant que le Dr Walter procède à l’ouverture de la cuisse. L’odeur de fer emplit le bloc avec force, mêlée à celle de l’alcool médical.

— Aspiration. Je pose la bifurcation artérielle.

Je saisis le tube et viens nettoyer le sang.

Le sang.

Le sang.

Ma tête se met à tourner. Je prends de grandes inspirations. Il faut tenir.

Je dois tenir.

— Cathéter, je vous prie.

Je lui tends l’outil et garde les yeux rivés sur l’écran. C’est ce qu’on attend de moi aujourd’hui. Assister.

Ça va bien se passer.

Ça doit bien se passer.