Fyctia

- Oui, mais encore? Ajouta Marie, curieuse et un brin aguicheuse.

- Tu te fais déjà harceler par la Bella? Questionna Adam de retour à la table les mains chargées de bières.

Un discret rictus s'immisça sur le visage de l'homme situé face à moi. L'obscurité de l'endroit ne me permettait pas de voir ses traits avec précision. Une bouche pleine se dessinait pourtant et ses cheveux entremêlés se fondaient sur l'arrière plan.

- Amaury est l'un de mes plus vieux amis, nous avons grandi en Bretagne. Inutile de préciser que nous avons fait les quatre cent coups ensemble. Les filles vous allez être déçues, ce beau mâle n'aime pas beaucoup parler de lui, nous expliqua Adam, l'air faussement navré.

Je tournai de nouveau mon regard dans sa direction. Cet homme dégageait quelque chose de magnétique et plus je le scrutais plus mon intérêt augmentait. Mais pourquoi était-il aussi fermé?

- Am' tu veux ajouter quelque chose? Demanda l'ami de longue date.

- Sans façon.

Sans rien ajouter, il saisit une pinte fraîchement posée puis en avala une longue gorgée.

- C'est un sacré spécimen que tu nous présentes là, en tout cas, moi c'est Marie, enchantée.

Aucun doute, ma colocataire était en pleine séance de drague et son sourire joueur en disait long sur ses attentions. La cible en question se contenta d'un hochement de tête. Je ne saurais dire si cet homme était détestable ou bien admirable tant sa désinvolture pouvait se révéler envoûtante.

- Parle nous de toi Alba Dillon! Qu'est-ce que tu fais sur Paris? Si mes sources sont bonnes tu habites à Nice, non?

Je l'avais presque oublié. La brune était de retour et bien décidée à chopper le plus d'informations possibles me concernant.

Toute l'attention était désormais tournée vers moi.

- J'entre à l'université. Je commence des études de communication et de stratégie marketing.

- Super ça! Et ton père est resté dans le sud ou il est venu vivre ici avec toi?

- Lara, tu nous emmerdes avec tes questions, lâcha le beau black comme première intervention.

Je le remerciai d'un sourire discret. Je détestais  lorsque les gens me parlaient uniquement pour se mettre quelque chose de croustillant sous la dent. La fameuse Lara sembla contrarier par cette remarque mais ne se risqua plus à me parler de mon père durant tout le reste de la soirée.

Je venais de finir ma pinte sans même m'en rendre compte. Ma décente était inquiétante mais bonne. Si bien que les effets de l'alcool faisaient leur petite apparition, me permettant de me détendre un peu.

Les discussions allaient bon train et les tournées s'enchaînaient. Aymeric, mon sauveur, se plaisait à raconter des anecdotes sur sa profession. Producteur d'émissions de télévision, il en avait vu des frasques en tout genre. Je connaissais personnellement la plupart des personnes dont il faisait mention mais je m'abstenais bien de le révéler. Me contentant de rire lorsque la situation s'y prêtait. Quant à Amaury, il ne parlait toujours pas. Ne souriait pas non plus. Je sentais parfois son regard se balader sur moi ce qui me rendait franchement mal à l'aise. Phénomène que je ne pourrai expliquer après l'ingurgitation de trois pintes. Paradoxalement, à cet instant, je me sentais plus libre que je ne l'avais jamais été auparavant.

- On se barre d'ici et on file dans la boîte à côté? S'exclama Marie.

- Partant!

- De même!

- Moi aussi!

Ils ne me laissaient pas vraiment le choix. Et puis dire que je ne voulais pas continuer la soirée aurait était un énorme mensonge. A mon tours, je levai la main.

- Je vais rentrer.

- Oh non Am', pour une fois que l'on peut sortir ensemble, me fait pas ça mec! S'agaça Adam à l'encontre de l'homme qui venait de réaliser un exploit: lâcher plus de trois mots d'affilés.

- Un verre, lâcha Amaury, vaincu.

L'endroit où nous nous trouvions à présent n'avait rien à voir avec le précédent. Les jeux de lumières étincelaient l'imposante pièce et la musique était beaucoup plus forte. Je n'aurais  pu dire quelle heure il était mais il y'avait beaucoup de monde. Aymeric et Adam commandèrent une bouteille de vodka. Nous passions donc aux choses sérieuses...

Dès lors que la note fût réglée, l'un des serveurs, tatoué de la tête aux pieds, nous invita à le suivre afin de nous installer à une table privilégiée. Son regard se posa sur moi. Fort heureusement, pour simple signe communicatif, il me fît un hochement de tête puis retourna à son poste de travail.

Un verre de vodka redbull entre les mains, je me sentais comme un poisson dans l'eau.

- Qui m'aime me suive! Lança Adam tout en prenant d'assaut la piste de danse.

Marie m'attrapa par le bras et m'entraîna à ses côtés. Dans un premier temps, faussement timide, je finis par me dévergonder à mesure que la musique augmentait et que le monde sur la piste s'accentuait. J'ondulais mon corps au rythme des sons retrouvant petit à petit la jeune fille que j'avais laissé sur le quais de la gare de Nice. C'était plaisant et l'alcool aidant, je chantais à ne plus pouvoir respirer. Un bel homme tout de blanc vêtu vint à ma rencontre. Il s'appelait Eduardo, d'origine brésilienne, il dansait comme un dieu. Il me prit par la taille puis me fît tourner dans tous les sens, j'eu  l'impression d'être une danseuse professionnelle à ses côtés. Je ne remarquais même plus les selfies et vidéos prises par Lara et sa cousine Daphné.

Après plus d'une heure à danser sur une piste enflammée, j'étais aussi assoiffée qu'essoufflée. Je rejoignis notre table, où seul Amaury, l'homme mystérieux, y était accoudé. 

- Ça va? Tentai-je...lamentablement puisque pour seule réponse il ne laissa échapper qu'un simple râlement a peine audible. Tu te forces pour être aussi con ou c'est naturel? Ne puis-je m'empêcher d'ajouter.

L'alcool ne faisait pas que du bien. Je venais de traiter un homme que je ne connaissais absolument pas de con. Pourtant, et contre toute attente, il ne s'était pas offusqué. Son rictus avait fait son grand retour et se permettait même un léger élargissement.

- C'est naturel, finit-il par répondre après un silence embarrassant.

Décidément, cet homme était aussi déstabilisant qu'imprévisible.