Fyctia
Déodorant Axe
Je me suis garée dans une ruelle perpendiculaire au commissariat. Dans les étages, les bureaux sont plongés dans l'obscurité. Seul le rez-de-chaussée est éclairé. Les lieux sont calmes. Je passe une première fois dans la rue sur le trottoir d'en face. Je ne repère que deux hommes plongés dans de la paperasse ou en train de taper à l'ordinateur. Je retourne à ma voiture juste le temps de récupérer un briquet et reviens sur mes pas.
Nous sommes au beau milieu de la nuit, personne ne me surveille. Je mets le feu à une poubelle qui se situe juste dans le champ de vision des policiers. Il suffirait que l'un d'eux regarde par la fenêtre pour se rendre compte des flammes. Mais ils ne réagissent pas.
Il leur faut quoi, un feu d'artifice ?
Je tente de jeter une pierre sur la fenêtre du rez-de-chaussée. Il me faut plusieurs tentatives pour atteindre mon objectif. La fenêtre est protégée par une grille mais mon seul but est d'attirer leur attention vers la vitre qui donne sur l'extérieur. C'est fait. Je n'entends pas ce qu'ils se disent mais je vois à leur agitation que la diversion fonctionne. Je profite qu'ils soient absorbés par le spectacle pyrotechnique que je leur ai offert généreusement pour me glisser vers une porte sécurisée un peu en retrait sur la droite. Je prie pour que "le stagiaire" ait un badge digne de ce nom. Je suis exaucée quand le point lumineux rouge passe au vert. A l'intérieur de la grande bâtisse en pierres, je me cache dans les coins d'ombre et me faufile à l'étage grâce au premier escalier sur lequel je tombe. Je grimpe vite. Les chaussures à plateformes hideuses ont cet unique avantage d'être plus stables.
Je débouche sur un openspace plongé dans la pénombre. Je me sers de mon téléphone comme lampe torche. J'avise les bureaux regroupés par grappes de deux ou trois. En toute logique, le nouveau doit avoir le plus pourri. Je mettrais ma main à couper qu'on ne lui a pas donné un emplacement avec vue sur l'extérieur. Je m'éloigne des fenêtres pour me diriger vers les bureaux qui longent le mur.
Une photo d'enfants, des dessins de bonhommes sans cou et des maisons en une dimension ? Non, trop immature pour avoir des mômes.
Je passe au bureau suivant.
Un mug à l'effigie d'une équipe de rugby ? Si j'en crois son mot de passe, il aime plutôt le foot.
J'avise le bureau dans le coin à côté de la déchiqueteuse. Pas d'effets personnels. Il n'a pas eu le temps de s'installer. Juste un déo Axe. Trouvé ! C'est le bureau du "stagiaire", il sentait le parfum bon marché à plein nez. En plus, l'emplacement de travail est situé à côté des toilettes et de la machine à café. Il n'y a que les bleus qu'on traite de cette façon.
Je m'assois à son poste, allume la console et l'écran. Bien sûr, on me demande un mot de passe.
Le stagiaire est-il assez con pour utiliser le même à son boulot que sur sa messagerie personnelle ?
Je tape : inspecteurgadget1998.
Verdict...
Oui ! Il a bien mérité sa place à côté des WC.
J'écume les nouveaux dossiers. Rien qui ne se rapporte à ce qui m'intéresse. Je fais une recherche sur un signalement de berline noire mais me retrouve dans une impasse. Il y a beaucoup trop de récurrences. Je n'ai pas le temps de toutes les examiner. Sans trop y croire, je tente de trouver un logiciel qui me permettrait de géolocaliser le téléphone de mon père. En vain. Tout ça pour rien. Je ne suis pas plus avancée sur les kidnappeurs.
Dépitée, je m'apprête à éteindre l'ordinateur et a quitté les lieux quand un signal sonore m'avertissant de la réception d'un message résonne bien trop fort dans l'openspace désert.
Quelle erreur de débutante !
Le stress de savoir mon père en danger me fait perdre tous mes moyens.
Justement le message anonyme provient des ravisseurs.
Je découvre une photo sombre de mon père bâillonné. La légende dit :
- Si dans dix jours, nous n'avons pas reçu la somme de 1 000 000 d'euros sur ce compte sécurisé : CH63 0900 0289 9779 6, il arrivera de vilaines choses à ton père. Pas de flics ou il mourra.
1 million ! Mon père avait dit qu'il devait 800 000. Je n'arrive pas à détacher les yeux de l'image. Son visage ne me paraît pas plus abîmé qu'il ne l'était déjà. Mais j'ai eu un aperçu de ce qu'ils étaient capables de faire. Ces types ne plaisantent pas.
Obnubilée par la photo de mon père, je perds tout notion du temps et de l'espace. Je scrute chaque détail pour tenter de découvrir un indice sur l'endroit où il est détenu, me faire une idée de son état physique et psychique, déceler un message secret dans son regard...
Jusqu'à ce qu'une voix masculine derrière moi me fasse sursauter.
— Hé vous ! Qu'est-ce que vous faîtes ici ?
Merde.
Je ne l'ai pas entendu arriver. Il m'a pris au dépourvu. Aucune idée valable ne me vient assez vite pour justifier ma présence.
L'homme en uniforme ordonne :
— Éloignez-vous de ce bureau et avancez de deux pas vers moi.
Je m'exécute. Il m'aveugle avec sa lampe torche et hausse le ton.
— Je répète : qu'est-ce que vous foutez ici ?
— Vous me croyez si je vous dis que je suis la petite amie du brigadier qui bosse sur ce bureau et que je suis venue récupérer un truc qu'il a oublié ? Disons... son déo ?
Le gars n'a pas été livré avec le second degré.
—Non, je vous crois pas.
— Forcément. Qui pourrait croire que je couche avec un mec comme lui.
—Bon, ça suffit. Suivez-moi en bas.
***
Je n'arrive pas à croire que je sois dans une cellule. Il est même probable que j'y passe la nuit. Je leur ai dit d'appeler Fabrice, que je le connaissais bien. Mais le brigadier-chef n'a pas répondu au téléphone. Il doit être sur son coup avec les lascars du MonteCasta.
Ils m'ont confisqué mon portable. Je n'ai plus qu'à attendre que Fabrice vienne me sortir de là, s'il y consent. Il sera en rogne quand il va capter que j'ai piqué le badge du nouveau. Je lui dirai comme à ses collègues, que je voulais juste m'amuser, faire une mauvaise blague au "stagiaire". Pour le moment, je ne veux pas lui avouer pour mon père. Tant que je ne sais pas à qui j'ai affaire et ce que risque mon père aussi bien avec ses ravisseurs qu'avec la Police à cause de ses dettes, je préfère me taire. Et puis, dans un coin de ma tête, je n'exclus pas non plus l'hypothèse que l'Ombre soit impliqué. Je n'ai pas encore décidé si j'allais parler de lui aux flics. D'un côté, il m'a manipulée, abandonnée dans le pire moment pour sa toile et a peut-être commandité le kidnapping de mon père. D'un autre, je n'arrive pas à ignorer totalement l'alchimie qu'il y a entre nous et j'ai envie de croire qu'il n'est pas aussi mauvais qu'il ne le paraît.
Soudain, une voix familière me parvient :
— Bonsoir. Je viens chercher Keyah Mongo.
Sauf que ce n'est pas Fabrice.
Je me colle aux barreaux pour vérifier l'identité de l'homme qui vient de faire son entrée dans le hall.
L'Ombre est au commissariat et ce n'est pas lui qui est derrière les barreaux !
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Morgane P.
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Elsa Carat
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LilouJune
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Cirkannah
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