Fyctia
Jimmy Choo Bing 100
- La nuit au musée... vire au cambriolage.
- Le célèbre tableau de Léopold Cahun a disparu dans la nuit dernière du Royal Gold Museum où il était exposé. L' Appartement de Jalousie (photo ci-contre) aurait été dérobé par l'Ombre. Le voleur est désormais presque aussi légendaire que les peintures qu'il vole.
- Selon les premières avancées de l'enquête, l'illustre oeuvre d'art aurait été subtilisée dans des conditions encore inexpliquées mais le voleur aurait laissé sur place sa carte de visite symbolisant le Kage Kage no Mi - ou fruit de l'ombre - tiré du manga incontournable One Piece.
- Le tour de force que représente ce vol et la présence de la signature laissent peu de place au doute quant à l'identité du malfaiteur. Les autorités lui imputent déjà le vol de trois autres oeuvres d'art iconiques pour une valeur totale de plusieurs millions d'euros.
- Mais où s'arrêtera l'Ombre ? Et qui pourra la stopper ?
- Wilfried Deshaies.
Des articles comme celui-là, il y en a à la pelle sur le Net. Evidemment, j'ai déjà entendu parler de l'Ombre. Comme tout le monde. Mais " tout le monde " n'a pas salivé d'admiration sur son CV et encore moins léché ses abdos. Enfin, je crois !
Plus j'y réfléchis, plus j'ai l'impression de m'être fait avoir en beauté.
C'est comme ça qu'il s'en sort à chaque fois ? En confiant l'oeuvre à une parfaite inconnue, le temps que les choses se calment ? Une inconnue qu'il aurait séduite et choisie selon des critères bien spécifiques de sorte qu'il soit convaincu qu'elle n'ira pas voir la Police ? Il est tellement sûr de ses charmes qu'il doit les croire incapables de le trahir mais juste au cas où, il jette son dévolu sur des nanas qui ont un casier judiciaire. Genre, une voleuse qui a déjà eu affaire aux autorités et qui a toutes les raisons d'apprécier particulièrement le tableau !
J'allume le grand écran plat de la chambre d'hôtel. Comme je m'y attendais, toutes les chaînes d'info sont en boucle sur le vol de la toile. Mes yeux font des allers-retours entre la peinture à l'écran et la toile étalée sur le lit à côté de moi.
Le choc et la gueule de bois me rendent bavarde. Je me mets à parler à la femme du tableau:
Et si j'allais voir les flics hein, qu'est-ce que je pourrais bien leur dire quand ils me demanderont des renseignements sur lui ?
— Son prénom ?
— Pas pensé à lui demander.
— Son nom ? Son travail ? Son âge ? Son adresse ? Le modèle de sa voiture ?
— Aucune idée. Mais je sais qu'il aime la levrette !
— Merci Mademoiselle, votre aide nous est vraiment très précieuse. On va tout de suite lancer un avis de recherche Interpol, signalement du suspect : aime la levrette.
Et tu penses vraiment qu'ils vont gober qu'après avoir pris tous les risques pour piquer cette oeuvre, le voleur le plus recherché au monde l'a refilée en cadeau à la première femme qu'il a mis dans son lit ?
Putain, même Fabrice me croirait pas !
Il faut que je me reprenne. Je sais gérer les situations de crise. C'est même là où je suis la meilleure.
J'ai besoin de soutien, d'entendre une voix amicale. J'appelle Mario. Il est valet de chambre dans un hôtel de luxe semblable à celui-ci. Je le connais depuis cinq ans et c'est la seule personne pour qui je n'ai aucun secret. Il me rencarde souvent sur les clients de son palace et leur emploi du temps. C'est lui qui m'a soufflée où je pourrais trouver une Rolex Submarine Date Or Gris, hier soir. Il ne me déçoit jamais.
Il décroche à la deuxième sonnerie.
— Salut ma belle. Alors, satisfaite de ta soirée ?
Je le coupe.
— Tu ne devineras jamais ce que j'ai trouvé dans ma chambre d'hôtel au réveil !
— T'as trop picolé hier soir ou quoi ? Tu te souviens à qui tu parles ? Je te rappelle qu'une fois j'ai trouvé un ministre attaché à un lit baldaquin et un anaconda dans un dressing ! Personne ne peut faire mieux que ça.
— Si, moi.
— Qu'est-ce que t'as trouvé ?
— Je peux pas te le dire au téléphone.
J'entends du raffût derrière lui.
— Allo, Mario ? Tu m'entends ? Mais qu'est-ce qui se passe ?
— Désolé. Je vais devoir raccrocher. Les flics sont là. Ils font une descente dans tous les hôtels de luxe dans un rayon de 20 kms du Royal Gold Museum. Apparemment, ils sont sur la piste de l'Ombre et du tableau volé. Je ne sais pas d'où ils tiennent ce tuyau. A mon avis, c'est de la connerie ! Toujours est-il que ça fout un bordel pas possible. Nos clients super friqués et super importants n'apprécient pas du tout qu'on les traite comme des voleurs. Ils crient au scandale.
Je m'étrangle à l'autre bout du téléphone :
— Quoi ! Tu as dit TOUS les hôtels à proximité du Museum ?
Tout en parlant, je me dirige vers la fenêtre de la chambre.
Je raccroche.
En bas, trois véhicules qui dénotent avec les luxueuses voitures garées sur le parking privé viennent de s'arrêter au milieu de la rue. Une dizaine d'hommes en uniforme en sortent. Plus de temps à perdre. Il me faut une idée. Et vite.
J'enfile ma robe rouge de la veille. Hélas, elle est plus facile à enlever qu'à mettre. Et hier soir, j'avais de l'aide.
J'enroule la toile, la range dans l'étui à guitare et quitte la chambre, mon sac sous le bras. D'un pas pressé mais assuré, je regagne l'ascenseur. Dans la cabine, je convoque mes souvenirs et mon sens infaillible de l'observation. Des flashs me reviennent. Le type du 4ème qui voulait prendre l'ascenseur avec sa montre de contrefaçon... Le gars à la réception qui nous a à peine regardé quand on est entrés dans le hall, trop occupé qu'il était à jouer au niveau 986 de Candy Crush... Un vieux monsieur en pyjama qui devait faire des insomnies et qui... Jackpot ! Je fais un dernier effort de mémorisation pour visualiser la clé qu'il avait dans la main... Chambre 512 !
Je m'arrête au cinquième étage et rejoins directement la chambre. Je frappe fort. Je ne suis pas sûre que le vieux monsieur entende bien étant donné son âge et puis, il serait capable de faire la sieste comme il a mal dormi la nuit dernière.
Un bonhomme ensommeillé vient m'ouvrir en pyjama rayé. Je remarque qu'il grimace. Sa jambe le fait souffrir.
J'entre d'autorité dans la pièce en affichant mon plus beau sourire.
— Bonjour Monsieur, je suis la responsable de l'étage. Je viens vous informer que les autorités procèdent à un contrôle dans l'hôtel. Je vous présente toutes nos excuses pour ce désagrément. Peut-être souhaitez-vous vous habiller ?
Docilement et en boitillant, il rejoint sa chambre.
J'en profite pour lui piquer la béquille qu'il a laissée contre un mur dans l'entrée. Je dévisse la poignée. A l'intérieur, j'y glisse le rouleau de toile que je viens de retirer de l'étui à guitare. J'assemble à nouveau les deux parties de la béquille.
Je pique un chausson au vieux monsieur et lui laisse en cadeau, l'étui à guitare vide et mon escarpin gauche. Des Jimmy Choo Bing 100 à 850 euros.
Ce connard d'Ombre va me le payer.
13 commentaires
Cirkannah
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Il y a 2 ans
LilouJune
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Il y a 2 ans
Elodée
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Il y a 2 ans
Elsa Carat
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Il y a 2 ans
JULIA S. GRANT
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Il y a 2 ans