Fyctia

Le lendemain matin, Liam eut toutes les peines du monde à se concentrer sur le cours qu’il avait obligation de suivre pour réussir son année. Pourtant le sujet était intéressant. Enfin, il l’aurait trouvé intéressant sans les événements de la veille. Voilà plus de deux ans qu’aucun faux tableau n’avait fait son apparition. Si toutes les pistes semblaient mener à l’Angleterre, puisque c’était dans le pays que toutes les copies avaient été découvertes, découvrir une trace du faussaire à Andalia était pour le moins surprenant.

La principauté se vantait de posséder les experts les plus renommés du monde en matière d’œuvres d’art. De plus, les quatre galeries d’art de la capitale brassaient ensemble un chiffre d’affaires qui dépassait de très loin celui des établissements les plus côtés du monde.

Pourquoi Andalia ?

Pourquoi une exposition organisée par la famille princière ?

Le faussaire avait pris des risques énormes. Y avait-il une raison précise à cela ?

Liam soupira en griffonnant sur son carnet. Non, décidemment, il n’arrivait pas à se concentrer sur ce que racontait le professeur. Comment le pourrait-il en sachant ce qui l’attendait ensuite ?

La perspective de retrouver Julian et d’avoir à nouveau ces discussions inépuisables sur leur faussaire invisible l’enchantaient. Heureusement que Manuel lui avait accordé un demi-jour de congé. Car Liam savait que la vraie conversation ne débuterait que loin des oreilles indiscrètes du palais princier.

Enfin, une sonnerie stridente retentit dans les couloirs de l’université.

Liam jeta toutes ses affaires dans son sac et fut le premier à quitter l’amphithéâtre. Il aurait bien le temps plus tard de demander les notes de l’un de ses camarades de classe.

Le jeune homme s’accorda une rapide pause pour avaler un sandwich puis, il prit un bus pour se rendre au palais princier. Grâce à son statut d’étudiant, il bénéficiait de nombreuses réductions notamment dans les transports en commun et il n’allait pas s’en plaindre. Cela lui évitait de faire de trop nombreux kilomètres à pied.

Lorsqu’il arriva au contrôle de sécurité, il salua le garde qu’il commençait à bien connaître :

— Bonjour Diego. J’ai rendez-vous avec Son Altesse le prince Matthew et Monsieur Barisciani.

— Vous ne travaillez plus avec Agnès ?

— Si, si ! Cette réunion ne concerne pas l’aménagement de la serre. Par contre, j’ai oublié de demander à Son Altesse le lieu de notre réunion.

— Dans son bureau. Gisella t’attend pour t’y conduire.

— Ah, merci !

Liam pressa le pas et retrouva Gisella, une employée chargée de la surveillance du palais, devant l’entrée de service. Âgée de trente-cinq ans, c’était une redoutable spécialiste des arts martiaux. Le jeune homme la connaissait bien à présent car c’était toujours elle qui l’escortait jusqu’à la serre lorsqu’il venait travailler avec Tobias. Et c’est avec un grand sourire qu’elle l’accueillit :

— Alors beau gosse, qu’est-ce qui t’amène aujourd’hui ?

— Ton mari ne serait pas très content s’il t’entendait, répliqua Liam avec un regard entendu.

— Étant donné qu’il vient de te laisser entrer dans le domaine, je doute qu’il te considère comme un rival. Non mon grand, pas la peine de me faire ces yeux-là, tu ne pourras pas me détourner du droit chemin.

Liam éclata de rire. Chaque fois qu’il venait au palais, Gisella et lui ne cessaient de se taquiner et il adorait cela. L’employée l’avait mis à l’aise dès leur première rencontre. Malgré ses appréhensions, le jeune homme s’était sentit très vite en confiance avec elle. Si leurs échanges étaient souvent courts, Liam aimait parler de tout et de rien avec Gisella. C’est elle qui lui avait renseigné quelques restaurants abordables dans la capitale ainsi qu’un magasin de seconde main où l’étudiant avait découvert de nombreux ensembles à des prix défiant toute concurrence.

Parfois Gisella lui posait quelques questions sur sa vie privée et Liam esquivait subtilement. L’excuse des études continuait de fonctionner à merveille. Néanmoins, le jeune homme se demandait si le regard de son amie changerait si elle veniat à apprendre son homosexualité.

Une petite tape derrière la tête le ramena au présent :

— Tu rêvasses mon cher ami. Aurais-tu rencontré une charmante jeune femme ? demanda Gisella.

— J’aime ta persévérance, tu sais. Mais…je ne suis pas magicien. Je n’ai pas de pouvoirs magiques et je ne sais pas me trouver dans deux endroits différents en même temps. Explique-moi comment je pourrais rencontrer quelqu’un entre mes cours, mon mémoire et mon travail ? Si tu as une solution, je t’en prie, j’aimerais la connaître !

Répondre aux questions indiscrètes par un trait d’humour était devenu la spécialité de Liam.

Le jeune homme perdit cependant son sourire lorsqu’il arriva devant la double porte du bureau du prince Matthew. Il inspira profondément. Dieu merci, Julian serait présent. L’étudiant considérait l’enquêteur anglais de trente-cinq ans comme le grand frère qu’il n’avait jamais eu. Et, honteux, il se rendit compte qu’il ne lui avait plus donné de nouvelles depuis sa fuite de Paris.

Liam n’oublia pas le protocole et salua le fils de Filippo III en premier. Puis, Gaetano Barisciani lui adressa une énergique poignée de main. Quant à Julian, il se précipita sur lui pour lui donner une franche accolade.

Gêné, Liam s’installa ensuite à ses côtés, les joues cramoisies. Et il pria en silence pour que son ami ne lâche pas une parole malheureuse…

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Voici donc le moment de faire connaissance avec Julian Enfield.

Il y a bcp de choses à dire sur lui...