Fyctia

Liam tenta de cacher sa déception en avalant une bouchée du condiment oignon – mangue qui accompagnait ses langoustines royales. Il écouta Barisciani lui expliquer que toute personne de son atelier qui causait une dégradation à un tableau ou une sculpture devait prendre en charge l’intégralité des frais de restauration. Le jeune homme se doutait que les sommes étaient astronomiques et qu’en cas d’erreur de sa part, il n’aurait pas les moyens de payer. Le conservateur conclut sa longue tirade :

— Tu dois affiner tes gestes, apprendre d’abord avec des œuvres qui ont moins de valeur. Démarrer au bas de l’échelle pour progresser petit à petit. Tes études t’ont permis de te former mais ton inexpérience pourrait te faire commettre des faux pas peut-être irréparables. En cas de bévue de l’un de mes assistants, je joue également mon emploi. C’est pourquoi je ne peux pas me permettre d’engager n’importe qui. Tu es jeune, tu as tout le temps devant toi. N’hésite pas à sortir des sentiers battus. J’aime les gens qui ont de l’audace. Revient me voir lorsque tu auras au moins sept à dix années d’expérience.

Le couperet était tombé. Liam comprit à nouveau le refus poli de son interlocuteur. S’il l’invitait à postuler dans dix ans, le jeune homme réalisa que le conservateur n’avait pas l’intention de l’engager. Même s’il réussissait toutes les épreuves de recrutement. Ce n’était sans doute pas innocent si Barisciani avait indiqué que quatre étudiants de dernière année étaient natifs d’Andalia. Il s’était déjà renseigné à leur sujet. Et peut-être même qu’il avait déjà décidé d’engager l’un entre eux dans quelques années.

Liam partait déjà avec plusieurs longueurs de retard.

Dans les minutes qui suivirent la douloureuse et implacable déclaration du conservateur, le jeune homme se sentit stupide et naïf. Terriblement naïf.

Dépité, il avait compris que Gaetano Barisciani ne l’aiderait pour son mémoire que pour répondre favorablement à la demande de la princesse consort. S’il était venu le trouver en personne, nul doute que sa requête aurait été rejetée.

Liam songea qu’il aurait aimé un refus pur et dur plutôt que de devoir subir cette épreuve au restaurant. Au moins, il n’aurait pas espéré pour rien.

Surtout que le conservateur lui avait fait comprendre qu’il pouvait pratiquement oublier son rêve de travailler dans son équipe.

Comme s’il sentait son amertume, Gaetano Barisciani demanda au jeune homme de lui parler du sujet de son mémoire.

Le visage de Liam s’éclaira :

— J’ai choisi de réaliser une étude technico-scientifique d’une peinture murale du XVIe siècle découverte dans un château français. D’après ce que j’ai pu constater dans la presse, les magazines et les sites spécialisés, peu de gens s’intéressent à cette fresque. Elle ne peut, pour le moment, être attribuée à un artiste connu. Ses caractéristiques ne ressemblent à aucun style de l’époque.

— Donc, même si son auteur n’a pas encore été identifié, cette œuvre a été datée avec certitude ?

— Oui. Les analyses effectuées ont permis de déterminer une fourchette entre 1560 et 1590. Ses caractéristiques la situent dans la deuxième partie du siècle. Et même vers la fin.

— Pourquoi ce choix, Liam ? s’enquit le conservateur.

— J’aime le mystère. J’aime les énigmes. Je suis tombé sur un article par hasard sur internet au moment de débuter ma dernière année à Paris. J’ai tout de suite compris que je tenais là le sujet qui me permettrait de réaliser un travail complet. Et un sujet qui m’intéressait vraiment. J’ai consulté les titres des mémoires des dix dernières années à Paris. Les thèmes étaient souvent similaires. Je voulais me démarquer et je suis convaincu que j’ai fait le bon choix.

— Et depuis, savez-vous si le peintre a finalement été identifié ?

— J’ai contacté l’association qui possède le château. Ils m’ont confirmé que les études étaient toujours en cours. Ils n’ont aucune certitude de pouvoir arriver à des résultats. J’irai sur place quelques jours. Ils ont accepté. Mon déménagement forcé m’oblige à revoir un peu mon organisation mais je compte bien profiter de cette opportunité.

Malgré sa déception, et il devait bien le reconnaître en son for intérieur, une certaine rancune envers le conservateur, Liam s’efforçait de démontrer qu’il restait motivé et que son mémoire servirait à quelque chose. Il détailla ensuite ses idées et la manière dont il souhaitait mener ce travail à bien. Pour terminer, il expliqua les grandes lignes de son étude à son interlocuteur.

En discutant avec Barisciani, il réalisa qu’il avait oublié certains points essentiels mais il ne se formalisa pas des remarques de ce dernier. L’expérience du conservateur était une véritable bénédiction. Si c’était la seule chose qu’il pouvait lui offrir, le jeune homme s’en contenterait.

Pour le moment.

Car, en sortant du restaurant, son compte en banque allégé de trois cent cinquante euros, Liam n’avait qu’une chose en tête : prouver à Gaetano Barisciani qu’il méritait sa place auprès de lui.

Le jeune homme était têtu. Le conservateur croyait peut-être l’avoir découragé. C’était tout le contraire. Liam se sentait animé d’une rage et d’une détermination nouvelles.

En se glissant dans son lit, il se rendit compte qu’il avait en réalité déjà une certaine expérience professionnelle mais pas dans le poste qu’il visait. C’est peut-être pour cela qu’il avait, involontairement, oublié d’en parler pendant le repas.

Il y avait quatre candidats devant lui à l’université ? Peu importe.

Liam songea qu’il possédait une carte imparable qu’il pourrait abattre au moment opportun.

Il sourit en imaginant la tête de Gaetano Barisciani. Non, il ne verrait rien venir !

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Liam serait-il un petit cachotier ???

Qu'a-t-il oublié de mentionner au conservateur ?

Car oui, il dispose d'un atout certain. Et comme je suis gentille ( si si je suis trèèèèès gentille moi !), vous le découvrirez dans le prochain chapitre !

On dit merci qui ???????