Fyctia
La tempête (3)
Malheureusement, dans l’après-midi, et comme annoncé par les prévisions météorologiques, la neige se mit à tomber à gros flocons. Le vent monta et un véritable blizzard envahit toute la principauté. Les températures chutèrent brutalement. Après un début d’hier clément, la transition était particulièrement violente.
En une petite heure, la capitale d’Andalia fut recouverte d’un fin manteau blanc. Si les véhicules pouvaient encore circuler facilement en ville, Liam savait que le pire était à venir. Comme tout le monde à Charnia, il avait écouté les derniers bulletins météorologiques. La vague de froid qui s’apprêtait à envahir la région était, selon les prévisionnistes, la pire que la principauté avait connue depuis plus de cent ans.
De la fenêtre de la cuisine où il préparait le repas du soir, il observait avec appréhension la couche de poudreuse qui ne cessait de croître dans la petite cour à l’arrière du foyer.
Trois familles nombreuses, venues de Roumanie, demandèrent l’asile. Plusieurs enfants étaient malades et l’une des mères était enceinte de huit mois. Avec cette arrivée, le foyer était complet. Liam terminait son diner lorsque deux hommes firent leur entrée dans la salle commune. Ils toussaient, ils étaient très pâles et semblaient épuisés.
Le jeune homme savait qu’il n’y avait plus assez de lits disponibles et que l’un d’eux serait contraint de dormir dehors.
En ramenant son assiette à la cuisine, il décida de céder sa place. Il n’était pas malade et il était en bonne santé. Même si passer la nuit à l’extérieur l’angoissait, il refusait de se comporter de manière égoïste. De toute façon, il ne pourrait jamais profiter de son lit dans le dortoir pendant qu’un homme mal en point errerait dans les rues de Charnia.
Il en informa Danika qui le remercia d’un air désolé. Elle remit au jeune homme une grosse couverture d’hiver très chaude ainsi qu’un plaid polaire.
Liam se rendit au sous-sol pour prendre dans son sac plusieurs vêtements et se changea dans les toilettes.
Par-dessus son jeans, il enfila un pantalon de training devenu un peu trop large à cause des privations qu’il avait enduré ces dernières semaines. Il revêtit plusieurs t-shirts à manches longues, deux gros pulls et un sweat à capuche. Il fouilla dans ses affaires pour dénicher deux paires de gants, un gros bonnet de laine, un tour de cou et une grande écharpe en polaire.
Il se félicita d’avoir anticipé cette situation.
Il enveloppa ses pieds de trois paires de chaussettes dont une spéciale pour la randonnée. Il troqua ses boots pour des chaussures très chaudes et imperméables à la neige. Il prit ensuite une grosse doudoune qu’il avait pour habitude de revêtir lorsqu’il partait au ski.
Ainsi paré, Liam espérait pouvoir tenir jusqu’au petit matin. Il n’avait pas le choix, de toute façon.
Par précaution, il demanda à Danika de garder son smartphone et n’emporta avec lui que ses papiers d’identité ainsi que quelques pièces de monnaie.
Le froid glacial l’accueillit dès sa sortie du foyer et lui arracher une grimace. Un bref instant, Liam faillit renoncer à ses bonnes résolutions. Il se retourna brièvement vers le bâtiment qu’il venait de quitter mais il se rappela ensuite l’air hagard des deux derniers arrivants. Non, il n’avait pas le droit d’en envoyer un à la rue. Il parcourut les environs du regard, à la recherche d’un abri. La seule chose à laquelle il n’avait pas réfléchi avant de sortir.
Le jeune homme se rendit alors à la gare et se réfugia dans le vaste hall des départs. Même si la température n’y était pas très agréable, il était à l’intérieur et au sec. Un luxe appréciable dans sa situation.
Dehors, la tempête annoncée faisait rage. Le vent puissant soulevait des tourbillons de neige et les quelque rares passants ployaient sous la force des rafales.
Une annonce retentissait à intervalle régulier dans la gare, prévenant des retards et annulations de nombreux trains. Malgré les avertissements parus dans la presse et les reportages de l’unique chaîne d’information d’Andalia, plusieurs voyageurs se retrouvèrent coincés à la gare parce qu’ils n’avaient pas pris la peine de se renseigner au préalable.
Assis dans un coin à l’abri des regards, Liam pria de toutes ses forces pour qu’il ne soit pas contraint de quitter les lieux. Avec un peu de chance, les autorités se montreraient clémentes. Les circonstances étaient quand même particulières.
Malheureusement, vers minuit trente, un agent de sécurité le repéra et lui demanda de partir. Il lui expliqua que les bâtiments fermaient jusqu’ à cinq heures du matin pour éviter les fréquentes dégradations causées par les sans-abris. La tempête n’y changeait rien.
Dépité, le jeune homme prit son courage à deux mains et sortit. La neige tombait dru.
Pour une fois, Liam ne s’extasia pas devant la multitude de flocons qui voletaient dans les airs. Pourtant, il adorait partir aux sports d’hiver. Il appréciait les longues balades dans la poudreuse et les courses de traineau avec ses amis.
Cette nuit néanmoins l’or blanc serait son ennemi.
Hésitant, le jeune homme finit par se diriger sur le côté de la gare où il trouva un renfoncement qui lui permettait de se mettre à l’abri du vent. Il préféra rester debout pour préserver ses vêtements de l’humidité. S’assoir dans la neige était exclu. Appuyé contre le mur, Liam somnola pendant une heure tout en serrant sa couverture contre son corps. Il refusait de céder au sommeil pour de bon par crainte de ne pas se réveiller.
Ce serait si simple pourtant. Il n’aurait plus aucun problème. Il ne devrait plus se casser la tête à chercher du boulot, à compter son argent pour ne pas être à sec. Il éviterait les regards emplit de pitié des employés du foyer.
Oui, ce serait tellement plus facile. Il n’avait qu’à fermer les yeux et ne plus les ouvrir.
Le jeune homme s’adressa mentalement une gifle. Il n’avait pas le droit de renoncer. Andréa, Danika, Agnès, toutes ces personnes qui lui avaient tendu la main pour l’aider à remonter la peinte, il ne pouvait pas les décevoir.
Ce n’était pas non plus dans son caractère de baisser les bras. Comment parviendrait-il à convaincre Gaetano Barisciani de l’engager, s’il le rencontrait un jour, s’il était prêt à abandonner à la moindre difficulté.
Liam serra les dents. Ce n’était pas quelques ridicules flocons de neige qui allaient l’empêcher d’atteindre son rêve. Hors de question.
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Passez la nuit dehors dans de telles conditions, on ne peut pas dire qu'il a de la chance notre pauvre Liam ( oui je sais méchante auteure sadique !)
4 commentaires
Cirkannah
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Il y a un an
Gottesmann Pascal
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Il y a un an
Emma Eichen
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Il y a un an
Jensen Mila
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Il y a un an