serahminneha Blame Her Chapitre 4 - partie A

Chapitre 4 - partie A

— Seo Rin —


Je me réveille dans mon lit. Je ne me souviens pas comment j’y suis arrivée. Je cligne des yeux. Ma chambre est calme. Impeccable. Comme je l’ai laissée… ou presque.


Je porte mon pyjama. Celui à col blanc et tissu satiné, toujours plié dans le deuxième tiroir. Mes vêtements de la veille ne sont pas jetés au sol. Non. Ils ont été posés, pliés, alignés sur ma chaise, comme une offrande. Mon oreiller a été replacé. Mes draps remontés. Et sur ma table de nuit, un détail nouveau : une petite bouteille d’eau qui n’était pas là quand je suis sorti hier soir.


Il est entré, m’a déshabillée, changé, bordé et à même pensé à mon hydratation. Ça devrait me dégoûter.


Mais non… Je souris.


Parce que tout ça… en dit plus sur lui que des centaines de mots. Hier soir, il aurait pu me laisser dans une ruelle, ou me laisser ligotée, humiliée, exposée. Mais il ne l’a pas fait.


Il a pris soin de moi.


Pas par bonté. Pas par culpabilité. Par rituel. Par nécessité. Il m’a couverte comme on protège un trésor. Comme un trophée, peut-être… pire : comme une égale.


Il pense qu’on est pareils ? Il croit que c’est une romance noire entre deux bêtes blessées ? Il pense qu’il me traque ? Mais ce qu’il ne comprend pas, c’est qu’il ne m’a pas choisie. Il m’a réveillée.


Et maintenant… le jeu a vraiment commencé.


J’ai une petite pensée pour les victimes de dommage collatéral…. “Victime”. Je ris, à voix basse. Ce mot est une plaisanterie. Le mot déchets est plus approprié, en ce qui les concerne. Mais peu importe à quel point ils sont inutiles. Ce n’est pas à moi ni à lui de juger s’ils méritent de vivre. Ce choix appartient à Dieu uniquement. Moi, je serai seulement la variable incontrôlable que Dieu met sur la route de ce monstre pour le détruire.


Tu penses qu’on est pareils ? Tu penses que tu me connais ? Tu crois que tu vas me briser ? Tu ne fais que préparer ta propre exécution, parce que je suis ton châtiment Divin.


Je me redresse. Mes muscles sont lourds, mon crâne bourdonne, mais mon esprit est limpide. Tranchant. Le seul mystère maintenant… c’est pourquoi moi.


Et combien de temps, il faudra pour que je te trouve.


Et te fasse regretter d’avoir osé me réveiller.


Je me lève. Mon corps obéit sans protester. Ma tête, elle, pulse encore légèrement, comme si la migraine d’hier cherchait un moyen de s’incruster à nouveau. Mais je l’ignore. C’est ce que je fais de mieux. Ignorer ce qui dérange, effacer ce qui dépasse.


Dans la salle de bain, la lumière crue découpe mes traits sans indulgence. Mon reflet ne me juge pas. Il attend. Il sait que chaque matin commence ici, dans ce face-à-face silencieux entre ce que je suis et ce que je montre. L’eau coule. Température calibrée. Ni trop chaude, ni trop tiède. Juste assez pour réveiller l’épiderme sans troubler l’illusion. Je me lave comme on nettoie une arme.


Puis le maquillage. Léger, contrôlé. L’illusion de la fraîcheur, du naturel, du contrôle absolu. Je dompte mes cils. Je fige mes sourcils. Je peins ma bouche d’un ton à peine plus vivant que moi. Je ne suis pas jolie. Je suis parfaite. Et c’est bien pire. Mes cheveux obéissent. Raie centrale. Plaqués. Lissés. Une mèche rebelle me résiste, mais elle cède vite. Comme tout le reste.


Je descends. La maison est toujours trop calme, trop grande, trop propre. Une cage dorée, sans barreaux visibles, mais où l’air est lourd de simulacre. Trois personnes dans une maison conçue pour huit. Des pièces qu’on n’utilise jamais. Des portes qu’on n’ouvre plus. Une chaleur synthétique.


Le petit-déjeuner m’attend. Comme toujours.


Je profite de chaque seconde de solitude comme d’un luxe rare. Mais je sais que ça ne durera pas. Ils finissent toujours par me trouver. Toujours par vouloir “partager un moment”, “renforcer les liens”, “rattraper le temps”.


Imbéciles.


Ils croient que c’est ça, une famille ? Des soirées raclette et des félicitations pour un 19,3 sur 20 ? Ils vivent dans une série télé. Une comédie douce. Une illusion propre. Mais moi, je vois clair dans leur petit théâtre. Je les imagine parfois, tous les deux, dans une pièce sombre, à signer des papiers, la voix tremblante, les mains moites. “Adopter un enfant. Une bonne action. On se rachète, n’est-ce pas ? ” Qu’ont-ils fait ? Quel monstre ont-ils été pour se croire assez bons pour me réparer ?


Je mâche lentement. Tout est parfaitement dosé. Ça me dégoûte presque. Cette perfection artificielle.


Et puis… elle entre. Madame Hwang. Celle que je suis censée appeler “maman”.


En peignoir. Les cheveux en bataille. Le teint sans maquillage. Les yeux encore lourds de sommeil. Elle cligne deux fois, me cherche du regard, puis me sourit, surprise.


— Oh ! Tu es déjà debout. J’ai failli rater ma chance de te voir ce matin.


Elle s’assoit en face de moi, un peu trop vite, un peu trop enthousiaste. Elle tente une conversation. Une vraie. Avec ses cernes et son haleine du matin.


Et malgré moi… je souris.



C’est idiot. Ce n’est même pas ce qu’elle dit. C’est juste cette image. Cette femme, encore à moitié endormie, pleine de bonne volonté mal dégrossie, avec son sourire bancal et ses cheveux en l’air. Elle a l’air… humaine. Fragile. Presque attendrissante.


Elle s’en rend compte. Son visage s’illumine.


— Oh, un sourire ! Tu sais que ça me fait trop plaisir quand je te vois comme ça ? Tu devrais sourire plus souvent. Tu es si belle quand tu souris…


Et là, le sourire meurt.


Elle ne sait pas ce qu’elle vient de dire. Mais moi, je le sais. Ce mot, ce foutu mot « belle ». Il sonne faux dans sa bouche. Il sonne comme une insulte. Comme une tentative de me décorer, de m’adoucir, de me rendre plus présentable.


Une seconde. Juste une. J’ai failli répondre. Lui dire merci, peut-être. Un mot tendre. Mais le réflexe est plus fort que moi : je me tais.


Je me lève.


Trop vite. Elle reste là, figée, le peignoir mal noué, la bouche entrouverte, comme si elle allait encore ajouter quelque chose. Je ne lui en laisse pas le temps.


Je préfère les détester. C’est plus simple. Plus logique…. Plus sûr.


Si je commençais à les voir autrement, alors, il faudrait que je regarde en face ce que mes parents biologiques ont fait. Et ça, je ne suis pas prête.


Pas encore.


Le lycée, comme chaque matin, déborde de voix.

Des chaussures grincent sur le linoléum trop propre. Des sacs claquent contre les casiers. Des rires résonnent, aigus, toujours un peu trop forts pour être sincères.


Moi, je traverse ce chaos sans le voir. Mes pas sont lents, précis. Mon uniforme est impeccable. Ma migraine… Plus sourde qu’à l’accoutumée, pour l’instant.


Je sens sa présence avant même de la confirmer.


La pleurnicharde.


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