serahminneha Blame Her Prologue

Prologue


- Seo Rin -

On dit que le silence est une absence.

Moi, je crois que c’est un luxe.


Il y a des matins où j’arrive à le maintenir intact. À l’étirer comme un fil invisible entre moi et le monde. Aujourd’hui, par exemple, personne ne m’a encore touchée du regard. Et j’aime ça.


Parfois, je me demande à quoi je ressemblerais si je disparaissais. Pas mourir, non. Juste… ne plus être là. Fondre dans le silence. Devenir un angle mort. Un oubli doux.


Je crois que j’existerais mieux comme ça.


Je suis là.

Assise au fond de la salle, dos droit, main posée sur mon cahier. Ma table est toujours la même. Celle au bord de la fenêtre, lumière naturelle, angle parfait.

Mes affaires sont alignées, sans effort. Cahier ouvert, stylo posé. Je suis déjà prête. Je le suis toujours.


Quelqu’un entre. Je sais qui c’est sans tourner la tête.


— C’est officiel. T’es un esprit. Tu te matérialises avant tout le monde, tu parles à personne, tu manges même pas. T’es un fantôme, Missy.


Yun Ha.


Il balance son sac par terre, s’assied à l’envers sur la chaise, bras croisés sur le dossier. Il m’observe. Comme tous les matins. Comme si j’étais un tableau dont il cherche à comprendre les ombres. Je garde les yeux sur mon cahier.


— Tu m’ignores, Missy ? Vraiment ? T’as vraiment pas de cœur.


« Missy » Je déteste ce surnom. Je le tolère parce que c’est lui. Parce qu’il le dit avec ce demi-sourire, ce ton moqueur, ce fond de tendresse qu’il cache mal.


Je lève enfin les yeux. Il me regarde avec cette expression qu’il pense maîtriser. Un mélange de défi et de lumière. Il est insupportablement solaire.


Ses cheveux sont en bataille, sa cravate mal nouée. Il a un bout de graphite sur le bout du nez, comme toujours quand il dessine. Yun Ha est un désordre ambulant. Mais un désordre réconfortant.


— Une journée sans ton sourire, c’est une journée foutue. T’as pas le droit de faire ça à mon karma.


Je ne dis rien. Mais mes lèvres esquissent un coin de sourire. À peine. Assez pour qu’il s’en empare comme une victoire.


— Un. Il m’en reste deux.


Il veut me décrocher du silence. Trois sourires. Deux rires. C’est la mission quotidienne qu’il s’est imposée. Il ne me l’a jamais dit, mais je le sais, je l’ai compris.

C’est un idiot, mais un idiot adorable.


Je pourrais le lui donner. Je pourrais tout lui donner. Mais je ne suis pas sûre de savoir comment.


Il me regarde de côté. Je le fixe un instant.


— T’as dormi où cette nuit ?


— Pourquoi tu me demandes ça ?


— Parce que je suis venu chez toi hier soir… Mais t’étais pas là.


— J’étais chez Ye Jin. J’ai pas à tout te dire, tu sais. 


Il me regarde un instant, absolument pas convaincu, il sort son téléphone de sa poche et compose un numéro. Le téléphone sonne, une fois, deux fois. La voix de Ye Jin résonne dans le téléphone.


— Qu’est-ce que tu veux, Yun Ha ?


— C’était sympa la petite soirée chez toi hier soir ?


Je deviens toute rouge, Yun Ha sait toujours quand je mens, et je le hais. Mais je connais Ye jin, elle me couvrira.


— Qu’est-ce que tu racontes encore ? Tu crois que je fais des soirées alors que les examens approchent, t’es un grand malade.


Merci Ye Jin ! Comment j’ai pu croire que cette idiote, sans cervelle me couvrirait. Et grâce à elle, je dois faire face au regard désapprobateur de Yun Ha et une foutu leçon de moralité sur le fait que mentir, c’est mal, super.


Le reste de la classe commence à entrer. Les chaises grincent, les sacs claquent, les voix s’élèvent. Certains me disent bonjour, je ne réponds pas. Ils pensent tous que je suis brisée. Mais ce serait trop simple. Je ne suis pas cassée. Je suis construite comme ça.


La lumière change, tout comme le lieu. Je passe d’une salle de classe à une salle trop blanche, trop chaotique. Quatre murs lépreux, sol cimenté, une table métallique, deux chaises bancales. Et une odeur,… Quelque chose entre l’humidité, le sang séché et l’urine ancienne.


Je suis assise. Immobile, le dos droit, les mains posées sur mes genoux, comme à l’école…. Comme toujours.


En face de moi, l’homme tremble. Une quarantaine d’années. Il ne me regarde pas. Il tremble. Ses lèvres sont fendues. Ses ongles noirs. Il a perdu une chaussure. Sa chemise est ouverte, collée à sa peau en plaques. Ses bras sont couverts d’ecchymoses et de marques que je ne nommerai pas. Ses yeux sont fous. Ou vides. Ou les deux.


Il était porté disparu depuis vingt-deux jours.

Sa photo est collée sur les murs de la ville, un sourire figé. Un pull bordeaux, aujourd’hui, il ne ressemble plus à ça. Il était marié. Père de deux enfants, mais il est là, devant moi au lieu d’être avec sa famille.


Et je suis seule avec lui.


Il me regarde, d’un coup, comme si quelque chose dans son cerveau venait de reconnecter.


— Ne me fais pas de mal… S’il te plaît… Je veux juste rentrer…


Je ne réponds pas. Je n’ai pas eu le temps de le faire. La porte s’ouvre violemment. Des voix. Des hommes. Des armes. Des cris. On m’arrache de ma chaise, on me plaque contre le mur. Le sol tangue. Quelqu’un hurle “, c’est elle ! ” Le survivant convulse, s’étrangle, s’effondre en larmes.


Je garde le silence, mes cheveux collent à mes tempes. Je n’ai pas pleuré.

— Nom ?


— Hwang Seo Rin.


— Que faisiez-vous là ?


— Je ne sais pas.


— Vous connaissiez cet homme ?


— Non.


— Depuis combien de temps étiez-vous enfermée ?


— Je ne suis pas enfermée. J’étais là. C’est tout.


Ils me regardent comme une anomalie. Ils ne comprennent pas. Moi non plus.


Ils demandent un alibi. Je n’en ai pas.


Ils me demandent pourquoi je ne me défends pas. Je ne réponds pas non plus.


Ils pensent que je suis coupable. Et je ne fais rien pour les en dissuader.


— « Pourquoi tu souris ? »


Je ne savais pas que je souriais.


Je baisse les yeux. Ma chemise est tachée. Mes mains aussi. Je ne me souviens de rien. Ou peut-être que si.

Je ne suis pas cassée. Je suis construite comme ça. Mais il y a des jours où je me demande : et si on m’avait construite pour détruire ?


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3 commentaires

Astrid.D

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Il y a 8 jours

Oh quel début très très intriguant ! J’aime bien l’ambiance scolaire et tes premiers paragraphes sont très percutant je m’accroche déjà à ton personnage ! 😊

NohGoa

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Il y a 8 jours

Hop, plus que quatre jours pour nous mettre la suite !

MarwanS

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Il y a 8 jours

Salut, petit coup de pouce pour le concours, n'hésitez pas à venir découvrir VATICANO, Bonne continuation pour le concours 😉
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