Fyctia
Chapitre 3 : Samia (2/3)
Les vêtements s’amoncellent sur le lit, des talons jonchent le sol, et le parfum sucré du maquillage flotte dans l’air. Mais je ne suis plus là. Mon esprit divague, happé par un souvenir lointain.
C’était mon treizième anniversaire. Le salon familial débordait de rires et de conversations animées entre les femmes et les enfants. Ma mère avait préparé un énorme plateau de gâteaux au miel, accompagnés de makrouts dorés, de cornes de gazelle et de chebakias collantes de miel. Les verres de thé à la menthe circulaient, entrecoupés de jus de fruits frais et de sirop d’orgeat, tandis que les plus jeunes sirotaient du lait parfumé à la fleur d’oranger.
Chez nous, la religion s’invitait dans le quotidien sans jamais l’étouffer. Mon père priait à la mosquée, ma mère ne portait pas le voile par choix, et moi, je grandissais dans cet équilibre fragile entre foi et modernité. Ici, les traditions cohabitaient avec une liberté préservée : les prières du vendredi comptaient autant que l’éducation. Fille ou garçon, il n’y avait pas de distinction. Mes parents nous poussaient, mes quatre frères et moi, à rêver grand.
Je revois les femmes, assises en cercle, échangeant anecdotes et rires, tandis que les hommes discutaient à part, regroupés dans un coin du salon. Et puis, il y avait lui. Mon cousin éloigné, Farid.
Son grand-père, en apparence un sage respecté, n’avait pourtant rien d’un homme honorable. Dès son arrivée aux États-Unis, il avait bâti un empire criminel dans l’ombre, une mafia LE CROISSANT DE SANG qui tissait sa toile bien au-delà des frontières du pays. Farid portait cet héritage comme une couronne invisible, persuadé que le pouvoir et l’impunité lui étaient dus.
Il n’avait que quelques années de plus que moi, mais dans ses regards en coin et ses sourires appuyés, il y avait quelque chose de dérangeant. Peut-être cette lueur, cette avidité que j’avais du mal à nommer, mais que mon instinct refusait d’ignorer. Certains hommes ne voyaient pas Samia. Ils voyaient une blonde aux yeux bleu transparent , une rareté à enfermer sous clé. Pas une personne, mais un trophée. Farid ne faisait pas exception.
- Treize ans, hein ? Bientôt une femme, avait-il soufflé en s’approchant trop près.
J’avais ri nerveusement, un rire creux, mécanique, cherchant du regard une échappatoire.
- Et si tu devenais ma femme un jour ? Ça éviterait à ton père de chercher un bon parti.
C’était dit sur le ton de la plaisanterie, mais il n’y avait rien de drôle. Un frisson désagréable rampait sur ma peau. Je savais que dans certaines familles, ce genre de choses arrivait. Pas chez nous. Mes parents parlaient d’avenir, d’études, d’émancipation. Ils rêvaient d’un monde où leurs enfants choisiraient leur propre chemin, où les filles ne seraient jamais des marchandises.
Pourtant, en entendant ces mots, un frisson m’avait glacé la colonne vertébrale.
Un appel de ma mère m’avait sauvée. Mais cette impression d’être piégée, observée, ne m’avait jamais quittée.
J’aurais dû comprendre ce jour-là. Les hommes comme lui n’ont pas besoin de chaînes pour enfermer une femme. Ils n’ont besoin que de patience, de pouvoir et d’opportunités.
Quand un homme veut quelque chose, il finit toujours par trouver un moyen de l’obtenir.
Deux semaines plus tard, j’en serais la preuve vivante.
Moi aussi, j’avais cru être libre, intouchable, protégée par les miens.
Jusqu’à ce qu’on me vole.
Qu’on m’arrache à mon monde.
Qu’on m’enferme dans une nuit sans fin.
Ce jour-là, j’avais cessé d’être une enfant.
Ce jour-là, j’avais compris que les monstres ne se cachent pas sous le lit.
Ils vous sourient en plein jour.
- Mia ? Tout va bien ?
La voix de Nadine est douce, inquiète. Je cligne des yeux, chassant les ombres du passé. La lumière artificielle de la pièce me ramène au présent. Les vêtements éparpillés, les talons sur le sol, l’odeur sucrée du maquillage. Pas de chebakias, pas de parents aimants, pas de Farid.
Je prends une inspiration tremblante.
- Oui… Oui, ça va.
Mais mon ton me trahit. Nadine plisse les yeux, les bras croisés sur sa poitrine, l’air sceptique.
- Tu es restée figée au moins cinq minutes, Mia.
Elle me fixe comme si elle cherchait à deviner ce qui tourne dans ma tête. Comme toujours, elle voit trop bien. Trop profond.
- Je réfléchissais, c’est tout.
- Réfléchir, hein ? Dit celle qui avait l’air de s’être envolée à des kilomètres d’ici.
Son regard se radoucit, mais je capte cette lueur d’inquiétude qu’elle essaie de masquer.
Pour que les enfants n'entendent pas notre conversation, Nadine, Madison, Holly et moi, nous nous enfermons dans la salle de bain.
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2 commentaires
Vana Aim
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Il y a 2 mois
Renée Vignal
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Il y a 2 mois