Fyctia
Interview télévisée
Quelques heures plus tard, Marianne, qui s’est reposée toute la matinée, descend voir sa mère et sa tante qui se trouvent dans le salon et rejoint Valentin qui est déjà en train de prendre son petit déjeuner.
— Vous ne devinerez jamais qui m’a appelé il y a un quart d’heure pour me présenter des excuses. Toute la famille d’Enzo et, principalement, sa grande sœur catastrophée qu’il puisse traiter les filles comme il l’a fait.
— Au moins, répond Viviane d’un ton sarcastique, les proches de ce crétin ne sont pas comme lui. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il ne soit pas trop tard pour le remettre sur le droit chemin.
— En tout cas, les paroles de sa sœur m’ont fait beaucoup de bien. Elle a immédiatement été solidaire avec moi alors qu’Enzo et elle ont une relation fusionnelle.
Marianne se rend compte que la télé est allumée alors que personne ne la regarde et qu’elle est branchée sur News TV.
— Vous attendez les nouvelles de midi, demande t’elle ?
— Oui, répond Clotilde d’une voix blanche on a hâte de savoir ce que notre adversaire va avoir à dire.
— Notre adversaire, tu veux dire mon géniteur ? demande l’adolescente.
— Drôle de façon d’appeler, papa, ne s’empêche pas de remarquer Valentin.
— Après ce qui se passe depuis deux jours, je peux comprendre ta sœur, dit Viviane d’un ton acerbe. Lionel doit être interviewé à midi, c’est à dire dans une vingtaine de minutes.
— C’est bien nécessaire de regarder ? demande Marianne.
— Je sais que ça va pas être agréable, répond sa tante, mais je préfère avoir les nouvelles directement plutôt que par cette peste de Grangier, les abrutis des réseaux sociaux ou les commères de Lisognan soignées par Stanislas.
— J’ai eu un appel du maire ce matin, ajoute Clotilde d’une voix blanche, il m’a dit qu’une pétition avait été lancée pour que nous quittions le village parce que, soi disant, nous mettons en péril la santé de ses habitants.
Choquée par ce qu’elle vient d’entendre, Marianne serre les poings de colère.
— Attend un peu avant de faire la boxeuse, dit Valentin en riant, t’as pas entendu ce que papa a à dire.
À ce moment, la musique annonçant le journal de la mi journée se fait entendre et, immédiatement, le silence se fait dans le salon. Tout le monde écoute le journaliste.
— Interview exclusive pour News TV, nous sommes en duplex avec Lionel Jonquier de Frissac dans sa maison de Rambunot, département du Rhône. Il est au cœur de l’actualité depuis maintenant deux jours suite au fait divers impliquant sa femme et sa fille. Lionel Jonquier de Frissac bonjour.
— Bonjour, répond le père de famille de sa voix grave et bien timbrée.
Marianne sent que Valentin est troublé de voir, sur l’écran de la télévision, le salon qui, trois jours auparavant, était encore le sien. Quant à son père, le petit ne sait pas s’il doit encore le considérer comme l’homme qu’il aime le plus au monde.
— Premièrement, et avant toutes choses demande le journaliste, dans quel état d’esprit vous sentez-vous face à cette épreuve.
— Je suis affligé par le départ de mes enfants qui me manquent. Mon épouse avait tout à fait le droit de me quitter et d’aller rejoindre son frère. Mais pas de me priver de leurs présences, ni de les embrigader.
— De les embrigader ? Vous utilisez un mot particulièrement fort.
— Et c’est pourtant le cas. Je sais que mon épouse me fait passer pour le méchant dans l’histoire. Un mari odieux et violent qu’il fallait qu’elle fuie à tout prix. Ma fille adolescente, en conflit avec moi, est ravie de croire cette version et soutient pleinement sa mère. Mais il y a mon fils, qui n’a que sept ans et a été emmené contre son gré pendant son sommeil.
— Auriez-vous pensé que votre épouse et votre fille puissent être capable d’un tel comportement ?
— Pour ma file, Marianne, cela ne m’étonne pas parce que ça fait longtemps que je sais qu’elle est une inconsciente et une tête brulée comme on peut l’être à 16 ans. Mais je pensais que Clotilde était une femme raisonnable qui aurait pu empêcher cette situation.
— Avez-vous eu l’occasion de communiquer avec les membres de votre famille depuis leur départ ?
— J’ai échangé des messages avec mon épouse avant-hier pour comprendre son départ mais elle n’a pas daigné y répondre. Quant à notre fille, je suis un homme pacifique qui déteste le conflit et n’ai donc pas tenté de la contacter. Mais je suis certain qu’ils me regardent tous les trois à l’heure qu’il est et j’aimerai faire passer un message à mon fils.
— Allez y, on vous écoute.
— Valentin, mon grand garçon, il faut que tu te souviennes que, si je me dispute avec maman et Marianne, je continue de t’aimer de tout mon cœur. Tu es mon fils, ce que j’ai de plus précieux à mes yeux, et tu me manques terriblement.
— Merci monsieur Jonquier de Frissac pour message très touchant. Et j’en profite pour rappeler à tous nos téléspectateurs de ne surtout pas imiter cette mère et sa fille. Pour la santé de tous, restez chez vous. Dernière question qui n’a pas trait à votre épouse et vos enfants. Où en êtes vous de votre campagne pour les élections municipales. Vous étiez arrivé en tête du premier tour qui a eu lieu le 15 mars en recueillant 32 % des voix.
— Cette épreuve inattendue s’est rajoutée à ma conquête de la mairie dont je rêvais depuis des années. Je suis né à Rambunot, mon grand-père, puis mon oncle en ont été les maires donc je souhaite marcher sur leurs traces en me mettant au service de la population. Je suis serein et les attaques dont je suis victime n’empêcheront pas la population de m’apporter sa confiance.
Le silence dans le salon de Lisognan est rompu par les sanglots de Valentin qui pleure à chaudes larmes alors que ça ne lui arrive jamais. Visiblement les paroles de que son père lui a adressées ont su toucher le garçon.
— Mon chéri, dit Clotilde, je trouve que papa a eu raison de te dire tout ça. C’est pas parce qu’on se dispute que tu n’as plus le droit de nous aimer tous les deux. Après le déconfinement tu pourras le voir, pendant les vacances par exemple.
— Je sais que papa a été très méchant avec Marianne et avec toi sanglote Valentin. Je ne devrais plus l’aimer.
— Et pourtant il reste ton père, le mien aussi bien que je ne veuille plus trop le reconnaitre, dit Marianne. Mais tu peux être sûr d’une chose petit frère, je ne t’en voudrais jamais parce que tu aimes papa.
— J’aimerai juste que tout ça s’arrête, qu’on entende plus parler de maman et de toi à la télé et sur internet.
— Moi aussi j’aimerai ça plus que tout mon chéri, dit Clotilde, mais, pour le moment, il va falloir être patient.
— Allez mon grand, dit Viviane d’une voix plus chaleureuse qu’à l’ordinaire. Je vais préparer le repas de midi. Est ce que t’es d’accord pour m’aider ?
Le petit oublie immédiatement son chagrin et accompagne immédiatement sa tante vers la cuisine.
— Rien ne lui fait plus plaisir que de mettre la main à la pâte, à force, on va en faire un cuistot, dit Marianne en souriant.
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Leo Degal
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Gottesmann Pascal
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Marie Andree
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Eva Boh & Le Mas de Gaïa
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Gottesmann Pascal
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