Gottesmann Pascal Bien sous tous rapports La conséquence de ses actes

La conséquence de ses actes


Quelques heures plus tard, à neuf heures et demie du matin, Enzo dort encore profondément. Comme d’habitude depuis le début du confinement, il s’est couché beaucoup trop tard. Sauf que, hier soir, ce n’était pas pour jouer en ligne mais pour connaitre son heure de gloire sur les réseaux sociaux. Voir son premier message liké par des centaines d’inconnus avait été sa joie de l’après-midi mais le succès de sa vidéo postée dans la soirée a été un véritable triomphe.


Personne n’était d’ailleurs au courant que l’agression avait été filmée, ni Marianne, ni ses parents, ni les responsables du lycée. Lorsque Enzo s’est endormi, vers trois heures du matin, la vidéo avait été supprimée du site, il fallait s’y attendre. Mais si la elle avait été supprimée aussi vite, ça veut dire que Marianne l’avait vue, et certainement lu les commentaires, avant de se plaindre auprès des responsables réseau social. Enzo s’est donc endormi en imaginant sa victime bien réveillée et pleurant dans son lit. Elle fait moins la fière la petite princesse de mes couilles, s’était-il alors dit.


Soudain, l’adolescent est réveillé par les tambourinements de son père à la porte de sa chambre.


— Enzo réveille toi tout de suite, la police est là et veut te voir.


Les flics veulent le voir ? Enzo n’a pas besoin de faire un effort d’imagination démesuré pour savoir ce qu’ils lui veulent. Jamais il n’aurait pensé que son geste aurait pu avoir de telles conséquences. Tout au plus avait il pensé être banni temporairement du réseau social. Il pense d’abord effacer la vidéo de son téléphone et de son ordinateur mais se rend compte que c’est ridicule, la police pourrait en retrouver la trace presque immédiatement. C’est la tête basse qu’il va dans le salon où l’attendent ses parents ainsi que Léa, sa sœur de trois ans son ainée. Étudiante à Paris, elle est venue passer le confinement en famille.


Les parents d’Enzo, qui accompagnent leur fils au commissariat, tombent des nues quand ils découvrent ce qu’il avait fait la veille au soir. Ils ne peuvent pas croire que le fils qu’ils ont élevés ait été capable de se comporter comme le pire des cyber harceleurs. L’adolescent apprend qu’il pourra y avoir des poursuites judiciaires, même s’il est mineur, et le retour se fait dans une atmosphère particulièrement pesante.


De retour chez lui, Enzo s’enferme dans sa chambre pour ne pas avoir à entendre les reproches de ses parents. Il a bien eu assez honte devant les policiers. Dans le salon, Léa apprend avec consternation les agissements de son petit frère.


— Enzo un harceleur ? Mais je n’aurais jamais cru ça de lui. Quand est ce que ça s’est passé enfin ?


— La scène violente filmée a eu lieu fin décembre, dit le père, juste avant les vacances de Noël. Enzo a, ensuite, eu un conseil de discipline début janvier avec une semaine d’exclusion du lycée à la clé.


— Mais pourquoi vous m’en avez pas parlé quand on s’est vus pour les fêtes ? lâche la sœur ainée.


— On a préféré te le cacher, avoue la mère. On te voit que tous les trois mois alors on n’allait pas te faire subir une mauvaise atmosphère pour les réunions de famille. Mais on n'en pensait pas moins.


La mère de famille se met soudain à pleurer, désespérée de ne pas avoir appris à son fils à respecter les filles. Visiblement, ni elle ni son mari n’arrivent à trouver les mots adéquats pour parler à l’adolescent et c’est Léa qui se lève d’un air décidé.


— Puisque personne ne se sent de parler à Enzo, c’est moi qui vais lui dire deux mots. Et il va m’entendre le frangin. Je considère même que c’est mon boulot de grande sœur.


L’adolescent entend bientôt toquer à sa porte avec violence et reconnait la voix de sa sœur. Il est sûr qu’il l’a déçue et ça lui fait du mal parce qu’elle a toujours été un modèle pour lui. Les reproches de Léa lui feront certainement plus de mal que ceux des parents mais il faut qu’il passe par là. Lorsqu’il ouvre la porte il remarque que le regard de sa sœur, si chaleureux d’habitude, a des éclats de fureur qu’il ne lui a jamais connu.


— Vas y maintenant, fais toi plaisir. Fais moi tomber avant de me jeter le contenu de la poubelle de la cuisine dessus et de m’insulter.


— Mais Léa, tu sais bien que je te ferai jamais ça à toi. Tu es ma sœur.


— Et tu penses être en droit d’insulter et d’humilier toutes les filles qui ne sont pas ta sœur ?


— Pas toutes les filles, seulement cette connasse de Marianne. Mais elle l’a cherché aussi.


— Ah bon, dit Léa en faisant mine de prendre un air intéressé. Eh bien je suis curieuse de savoir ce qu’elle a fait pour mériter ça.


— Au début de l’année je l’ai draguée, il faut dire que c’est la fille la plus canon du lycée. Mais elle a répondu qu’elle ne sortirait jamais avec une espèce de brute avec rien dans le cerveau.


— Elle t’a dit ça…alors que tu lui avais simplement fait des avances.


— Disons que j’ai un peu insisté. Un peu beaucoup même. Elle m’a insulté en octobre après que je l’ai embrassée par surprise.


— Et ma main dans ta gueule elle va partir par surprise celle là aussi. Non mais tu te rend pas compte.


— J’ai reçu la sienne devant toute la classe courant novembre. J’avais…


— …Tu avais quoi ? J’attend ?


— J’avais tagué sur un mur du collège qu’elle était une pute et suçait pour 10 € dans les toilettes. Et elle avait reconnu mon écriture. Ce qui s’est passé en décembre t’es déjà au courant. Mais si elle m’avait dit oui quand je lui ai proposé de prendre un verre en début d'année rien de tout ça ne serait arrivé.


— Non mais tu t’entend, tu te crois le centre du monde ou quoi ?


— C’était plutôt elle le centre du monde au lycée. La belle blonde aux yeux bleus, sympa, bonne élève, qui aurait même pu sortir avec un terminale si elle avait voulu. Et n’a rien trouvé mieux que de sortir avec ce gitan de merde


— Sexiste et raciste, de mieux en mieux.


— Plus personne n’osait rien dire à Marianne quand elle sortait avec ce connard Diego. À la moindre réflexion on savait qu’il allait la défendre. Et elle en profitait pour faire sa belle. Je l’ai remise à sa place alors que, à la base, j’en étais fou amoureux.


— Non Enzo, tu n’étais pas amoureux. Je te prie de croire que, quand on est amoureux, on fait rien de tout ça. T’avais juste envie de tirer un coup c’est tout. J’ai honte d’être ta sœur tu m’entends ?


— Dis pas ça s’il te plait.


— Qu’est ce que tu veux que je te dise ? Que c’est pas grave si mon frère traite les nanas comme de la merde.


— Pas toutes les nanas.


— Je sais, juste Marianne, mais c’est une de trop et ça suffit à te rendre ignoble. Et maintenant tu profites de ce qui lui est arrivé avec sa mère pour l’enfoncer. Tu n’est qu’un lâche c’est tout. Est ce que t’as le numéro de cette fille ?


— Je pourrais l’avoir par des potes. Pourquoi ?


— J’aimerai lui passer un coup de fil, pour m’excuser d’avoir un petit con comme frère. Les parents aussi vont s’excuser. Mais, toi, je doute qu’elle veuille t’entendre.

Tu as aimé ce chapitre ?

10

10 commentaires

Leo Degal

-

Il y a 15 jours

Il a un pois chiche dans la tête, ce garçon, pour ne pas imaginer les répercussions de ses actes ! Je compatis avec les parents : difficile de cadrer un ado, de nos jours, avec tout le lavage de cerveau qui circule sur les réseaux sociaux...

Gottesmann Pascal

-

Il y a 15 jours

Il ne sait pas du tout gérer la frustration. C'est pourtant quelque chose d'indispensable.

Eva Boh & Le Mas de Gaïa

-

Il y a 2 mois

La surprise des parents me semble un peu exagérée vu qu'ils savent qu'il est passé en conseil de discipline quelques mois plus tôt. La réaction de la sœur est plutôt rassurante. Vu qu'Enzo semble la respecter et l'admirer, elle aurait même pu faire un parallèle avec un autre type qui lui proposerait un verre et à qui elle dirait non pour qu'il comprenne sa débilité.

Gottesmann Pascal

-

Il y a 2 mois

Oui, les parents avaient juste espéré qu'il ait compris mais, visiblement ce n'est pas le cas. T'as raison pour le parallèle de la sœur.

Marie Andree

-

Il y a 2 mois

C'est bien que sa sœur le remette à sa place, comme la sœur de Lionel au final. J'aime bien ces contrastes dans ton histoire. 👌

Gottesmann Pascal

-

Il y a 2 mois

Oui, ce sont les femmes de l'entourage qui font rappeler qu'il faut respecter les femmes.

Astrid.D

-

Il y a 2 mois

🥰
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.