Fyctia
Allié contre son grès
À des centaines de kilomètres de là, Lionel passe, lui aussi, une excellente soirée. Pour un peu il enverrait des fleurs à cette journaliste, et pas seulement parce qu’il la trouve terriblement sensuelle. Grâce à elle, la plainte portée contre lui n’est pas près de l’inquiéter. Plus il entend Marianne traitée partout de criminelle inconsciente plus il jubile. Et son bonheur est décuplé quand sa fille est présentée comme bourgeoise hautaine. C’est pourtant lui qui n’a pas arrêté de lui répéter qu’elle n’avait pas assez conscience de son statut social lorsqu’il la voyait entourée de copains issus de classes beaucoup plus populaire. Il a reçu quantité d’appels de soutiens venants de ses amis, de membres du conseil d’administration de son entreprise et même d’employés. Des hommes en majorité, mais aussi plusieurs femmes qui tenaient à le soutenir. Tous étaient estomaqués par la réaction insensée de son épouse et de sa fille et espéraient que cette situation revienne le plus vite possible à la normale.
Le seul son de cloche différent était venu d’un de ses amis les plus proches qui lui a dit qu’il fallait qu’il accepte la situation et même qu’il en profite. Tu as quarante huit ans, lui avait il dit, tu es bel homme, tu as l’argent, le pouvoir. À toi la belle vie et tant pis pour ta femme et ta fille si elles ne veulent plus te voir. Ce sont des idiotes. Certainement que cet ami l’imagine dans un an ou deux, ravi de son divorce et ayant séduit une femme plus jeune que lui de quinze ou vingt ans, attirée par son allure autant que par son argent.
Mais un tel scénario ne convient pas du tout à Lionel. Parce que, s’il est encore jeune et bel homme, sa femme a quatre ans de moins que lui et reste d’une beauté stupéfiante. Avec son intelligence en prime elle ne tarderait pas à trouver un homme selon ses gouts, c’est à dire totalement fasciné par elle et qui se laisserait manipuler en douceur. Un autre que lui toucherait avec adoration le corps de Clotilde et, surtout, deviendrait le beau-père de ses parents. Un beau-père présent au quotidien alors que le père deviendrait une figure de plus en plus lointaine que Valentin ne verrait que quelques fois par an. Son fils élevé et façonné par un autre homme que lui, Lionel trouve ça totalement inacceptable. Pour un peu il demanderait à Clotilde de partager les enfants. Il lui laisse Marianne et il récupère Valentin. Mais, en réfléchissant, il pense que même son fils refuserait d’être séparé de sa mère et de sa sœur qu’il adore.
Puisque les choses sont ainsi, la guerre est déclarée et en l’état des choses, il est clairement le vainqueur. Tout ce dont il rêve lui parait à portée de main dès la fin du confinement. Clotilde, ainsi que Valentin, auprès de lui et Marianne envoyée dans une pension rigide où elle serait cadrée bien comme il faut. Mais il faudrait, pour cela, que la mauvaise image des deux fugitives dure le plus longtemps possible. Le père de famille se doute que les médias se désintéresseront bientôt de cette histoire qui n’est finalement qu’un fait divers assez banal. Dans trois jours, plus personne ne parlera de Marianne et de Clotilde dans les médias et, dans une semaine, tout le monde les aura oublié. Mais ce scénario qui ne lui convient pas peut changer si Lionel fait appel à l’homme qu’il faut. Et il sait parfaitement à qui demander petit ce service.
Patrice Contrepoint est un ancien camarade de Saint Éloi et avec qui il a fait toutes les classes du CP à la seconde avant que Patrice ne choisisse la filière littéraire et Lionel la scientifique. Après avoir hésité avec une carrière de pianiste classique, pour laquelle il avait un nom prédestiné, Patrice a finalement choisi la voie du journalisme. Après avoir débuté dans des médias locaux il a vite fait carrière et est, à présent, directeur de l’information d’une chaine de télé appartenant à un grand groupe de média comprenant aussi deux stations de radios. Lionel regarde sa montre et voit qu’il est un peu moins de vingt et une heure il pense, sans être incorrect, pouvoir encore appeler son ancien camarade de classe.
— Jonquier de Frissac, dit Patrice en décrochant, j’entend tellement ton nom à longueur de journée avec ce qu’a fait ta fille que je ne suis pas étonné que tu m’appelles. J’allais d’ailleurs le faire demain.
Les anciens camarades de classe ont gardé pour habitude de s’appeler par le nom de famille qui était la manière utilisée par les enseignants pour les nommer. Les élèves en venaient à oublier leurs prénoms.
— Salut Contrepoint, effectivement ma fille, et dans une moindre mesure sa mère, font la une de l’actualité et ça ne donne pas une bonne image de ma famille.
— Ça c’est sûr. Mais tu peux me dire ce qui leur est passé par la tête ?
— C’est une situation très banale à la base. Un conflit avec ma femme plus une violente crise d’adolescence de ma fille, les deux se sont montées l’une l’autre contre moi et on a vu le résultat.
— Et, bien sûr, tu n’y es pour rien. Ton attitude ne les a pas contrainte à s’en aller.
— Mais non enfin, tu me connais depuis assez longtemps.
— Je croyais te connaitre Lionel mais j’ai eu au téléphone l’adjudant de gendarmerie qui a arrêté ta fille à Lisognan et il m’en a raconté des vertes et des pas mures à ton propos. Heureusement pour toi que le directeur de la chaine a estimé que c’était meilleur pour l’audience d’axer uniquement sur le délit sans en préciser les causes.
— Mais enfin Patrice, je t’assure que ce qui est appelé violences domestiques ne sont que quelques gifles comme on en donne tous.
— Pas moi, j’ai jamais frappé ma femme. Et, même si je ne les connais pas très bien, j’ai du mal à imaginer ta femme et ta fille en harpies te poussant à bout.
— C’est un stupide engrenage dont, moi aussi, je suis la victime. Mais, à présent, je suis en guerre contre elles deux et tu vas m’aider à la gagner.
— En continuant de les faire passer pendant des jours pour des bourgeoises inconscientes se croyant au dessus des lois ? Je me trompe ?
— C’est à peu près ça. Tel que tu le dis tu ne risques pas de m’aider.
— Et bien figure toi que si, mais contre mon grès. Je viens de recevoir une note de mon supérieur qui, ravit par les audiences quand on parle de « L’affaire Jonquier de Frissac » me demande d’enfoncer le clou pendant quelques temps. Il ne sait d’ailleurs pas que nous nous connaissons mais m’a demandé de t’appeler demain matin pour une interview exclusive. Si tu veux mon avis, tu ne mérites pas ce soutien et cette Émilie Grangier est la honte de notre profession.
21 commentaires
Leo Degal
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Il y a un mois
Gottesmann Pascal
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Il y a un mois
Eva Boh & Le Mas de Gaïa
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
petitemr
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
Marie Andree
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
La Plume d'Ellen
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois