Fyctia
Mettre des mots
Marianne regarde son oncle avec des yeux ronds, ce qu’elle a envie de verbaliser n’est pas agréable dire ni à entendre mais elle se rend vite compte qu’il a raison. Elle ne peut pas se contenter de taper sur un punching ball en gardant tous les mots pour elle. Il est temps, pour l’adolescente, d’être entendue, même si son oncle sera le seul à l’écouter.
— Vas y, commence Stanislas, on peut commencer par cette journaliste malhonnête. Remet toi à taper sur le sac mais, en même temps, dis lui ce que tu as sur le cœur, comme si elle était en face de toi. Un coup, des mots et tu recommences. Alterne et fais le à ton rythme.
— Je vous faisais confiance…Je pensais que vous alliez rétablir la vérité…Mais tout ce qui vous intéresse…c’est le nombre de lecteurs…sur votre…site…de…merde…Vous êtes une hyène…Un vautour…qui se nourrit du malheur des autres…Je vous méprise.
Les paroles de Marianne sont ponctuées par les coups de poing violents et hargneux qui soulagent la jeune femme beaucoup plus efficacement que la simple boxe. Elle doit se rendre à l’évidence, son oncle avait cent fois raison en lui conseillant d’ajouter les mots.
— Bien, dit Stanislas, très bien ma grande. Est ce qu’il y en a d’autres à qui t’aimerais régler des comptes.
— Tous ceux qui m’ont attaquée sur les réseaux sociaux et m’on fait passer pour celle que je ne suis pas.
— T’es allée sur les réseaux sociaux ? T’aurais peut être pas du.
— J’ai été prévenue par mon ancien amoureux qu’on y parlait de moi et c’était absolument horrible.
— Et bien, qu’est ce que t’aimerais leur dire à tous ces inconnus qui se sont crus permis de te juger ?
— Vous ne me connaissez pas…Vous savez pas ce que j’ai vécu…Vous savez pas…ce que ma mère a enduré…Alors taisez vous…Je ne suis pas une bourgeoise prétentieuse…Et pour celui qui me connait…Je te crache à la gueule…sale pervers…Connard…Plus jamais tu me traite de pute.
— T’es tombé sur un message méchant d’un camarade de classe ?
— Camarade ? Il faut le dire vite mais effectivement ce sale mec était dans ma classe et on a eu quelques comptes à régler en novembre.
Marianne raconte alors à son oncle l’histoire du tag dégradant et et insultant puis comment elle avait giflé Enzo devant toute la classe avant de le dénoncer aux surveillants. Bref, entre elle et lui c’était devenu la guerre.
— Tu sais maintenant que la violence physique ne résout rien mais je ne peux pas te reprocher d’avoir vengé ton honneur. En plus tu l’as fait toi même et n’a pas demandé à un garçon de le faire pour toi.
— Qu’est ce que tu crois, je ne suis pas une petite chose fragile. Par contre, comme je suis loin de cet Enzo je compte sur Diego, mon ancien petit copain, pour lui passer l’envie de m’insulter sur les réseaux sociaux.
— Il reste une dernière personne a qui tu aurais certainement des choses à dire si elle était devant toi. Certainement la plus importante.
— C’est bien nécessaire que je pense à mon géniteur en ce moment ?
— Je sais que ça va te faire du mal mais c’est absolument indispensable. Allez ma grande, courage. Tu seras soulagée.
— Ça c’est pour m’avoir fait pleurer…Ça c’est pour ta gifle et les insultes que tu m’as dites…Ça c’est pour avoir traumatisé mon petit frère…Et ça…ça…ça…et ça…C’est pour avoir…tapé…sur maman….comme un fou…pendant plus d’un mois….Plus jamais…tu ne tapes….sur aucune femme…T’as compris…C’est pas….parce qu’on a pas…de couilles….qu’on est inférieures….Nos ovaires…font très bien l’affaire….Jamais….je ne serai…une victime.
Les coups pleuvent et, sous l’effet de la colère, Marianne fond en larmes. Stanislas aimerait prendre sa nièce dans ses bras mais voyant des malades toute la journée il se doit, plus qu’aucun autre, de respecter les gestes barrières.
— C’est bien ma grande, dit-il de sa voix la plus douce. Tu as été forte et courageuse. Ces larmes te font du bien. Il faut vraiment que tu évacues tout ça.
— T’as raison tonton, ça m’a fait un bien fou. Après avoir autant tapé, pleuré, crié, je dois être affreuse mais je m’en fiche.
Stanislas accompagne Marianne deux étages plus bas, au salon, où le diner les attend. Il est, à présent, près de neuf heures du soir et, à leur arrivée, ils trouvent une Viviane qui tremble de colère.
— Vous avez bien fait de ne pas descendre plus tôt. Cette peste de journaliste était interviewée sur toutes les chaines de télé au moment du journal télé. Elle se pavanait en se prenant comme une grande reporter qui a découvert un scoop. Si on va sur les chaines d’infos, je suis sûre qu’on la verra encore.
— Surtout pas tata. Ce dont j’ai besoin en ce moment c’est de me détendre et d’oublier toute cette histoire.
— Dans ce cas je sais ce qu’il te faut, dit Clotilde, après le repas tu prend un bon bain et puis séance de coiffure comme quand tu étais petite. Ça te va ?
Marianne sourit immédiatement d’autant plus que Valentin fait son apparition, visiblement ravi de revoir sa grande sœur. Rien n’est mieux que la chaleur familiale pour remonter le moral de Marianne. La chaleur familiale et une grande assiette de bœuf en sauce et de purée maison comme Viviane sait si bien les faire.
Après être restée longtemps dans l’eau chaude, Marianne se rend dans la chambre de sa mère qui l’attend avec son doux sourire apaisant.
— Viens ici ma poupée. Je suis fière de toi ma grande fille. Tu vas devenir une femme extraordinaire, capable d’accomplir des miracles.
Pendant que le peigne court sur sa longue chevelure blonde, Marianne, les yeux mi clos, écoute sa mère lui dire des compliments à l’oreille. À ce moment elle oublie tout, son père, Grangier, les imbéciles des réseaux sociaux, plus rien n’existe. Bientôt, c’est Valentin qui vient compléter le cercle familial pour un moment de tendresse. Pour laisser leur mère se reposer sa sœur le raccompagne ensuite dans sa chambre avant de rejoindre la sienne. Marianne se regarde alors dans la glace et se trouve beaucoup moins moche que ce qu’elle craignait. La séance de détente lui a visiblement fait du bien. Surtout, elle se sent forte et prête à se défendre contre tous ceux qui voudront l’attaquer.
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Leo Degal
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Gottesmann Pascal
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Eva Boh & Le Mas de Gaïa
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Gottesmann Pascal
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Marie Andree
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Gottesmann Pascal
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Oswine
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Il y a 2 mois