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News de Provence
Devant sa petite maison du centre de Lisognan, l’adjudant Bolivot, qui avait arrêté la voiture à cinq heures du matin, se repose après sa nuit de garde. Il reprend le service demain matin. En cette période de confinement, il profite du beau temps sur sa terrasse en lisant un bon polar, son péché mignon depuis l’adolescence qui l’a fait hésiter, au moment de choisir une vocation, entre la police et la gendarmerie. Soudain son portable sonne et il voit que c’est la brigadière Tramont, sa jeune collègue qui avait interrogé Clotilde et Valentin, qui l’appelle.
— Salut Mélissa. Comment ça va depuis tout à l’heure ?
— C’est la merde Michel. T’as lu News de Provence ?
— Pas depuis hier soir pendant un moment creux au boulot. Qu’est ce qu’elle a encore publié la Grangier ?
Émilie Grangier est, depuis bientôt cinq ans, la bête noire de toute la brigade. Cette jeune femme qui a lancé un site internet s’occupant de l’actualité locale, n’hésite pas à harceler les gendarmes pour avoir des faits divers croustillants à présenter à ses lecteurs. Plus c’est horrible et montre les mauvais côtés de l’âme humaine, plus elle est contente. Bolivot compare régulièrement la journaliste sans scrupules à une sorte de vautour qui plane au dessus des morts et se repait du malheur des autres. Sans considération aucune pour les victimes, elle se réjouit des faits divers sordides qui sont les plus vendeurs. Quant à la présomption d’innocence c’est une notion qui lui semble étrangère.
— Je ne te dis rien mais je te promet que tu vas bondir comme je l’ai fait. Tu me rappelle ensuite.
Son ordinateur portable étant à portée de main, Bolivot ne tarde pas à découvrir à découvrir l’article en une du site d’infos
Au volant pour ses 16 ans
Ce matin, à cinq heures, la gendarmerie de Lisognan a intercepté une voiture suspecte car immatriculée dans le département pour Rhône. C’était pourtant une bonne idée de rouler de nuit pour éviter de se faire prendre en train de ne pas respecter les règles du confinement mais, heureusement, l’adjudant Bolivot veillait au grain.
Quelle ne fut pas la surprise du gendarme de constater que la conductrice paraissait très jeune, pas encore en âge d’avoir le permis de conduire. Les apparences peuvent être trompeuses mais, en vérifiant les papiers, le gendarme constate que l’adolescente vient tout juste de fêter son seizième anniversaire.
Marianne de Jonquier de Frissac, la jeune femme, conduisait sa mère, et son jeune frère chez le frère de la mère de famille et oncle des enfants, le docteur P, bien connu des habitants de la commune.
Après être allés chez les gendarmes, les trois occupants de la voiture ont simplement eu à payer les 135 euros d’amende comme s’ils s’étaient promenés autour de chez eux sans attestation.
L’adjudant Bolivot a certainement été impressionné par le charisme aristocratique de la mère et de ses enfants parce que, si la jeune conductrice ne s’était pas appelée Jonquier de Frissac, son comportement irresponsable lui aurait valu des poursuites judiciaires. C’est ce qui serait arrivé à n’importe quelle personne sans particule adoptant un comportement similaire.
Encore une fois les élites du pays prouvent qu’elles se fichent des règles qui semblent ne s’appliquer qu’à la plèbe. Comme le disait si bien La Fontaine il y a bientôt quatre siècles, Selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cours vous diront blanc ou noir.
— MAIS JE VAIS LUI FAIRE BOUFFER SON ORDI À CETTE FOUILLE MERDE.
Les hurlement du gendarme attirent son épouse qui se trouvait à quelques mètres en train de jardiner.
— Qu’est ce qui t’arrive Michel ? Ça t’arrive jamais de t’énerver comme ça.
— Lis un peu cet article, tu vas comprendre.
— Ah ouais, constate l’épouse, elle te fait clairement passer pour un con.
— Ça c’est accessoire, mais surtout elle présente cette pauvre mère de famille comme une privilégiée qui s’assoie sur les règles alors que la fuite était une question de vie ou de mort.
— T’es sûr de ne pas un peu exagérer.
— Tu me connais Nadine, tu sais que c’est pas mon habitude de faire des passe droits quand j’arrête les gens. Je te jure que j’ai pris peur quand j’ai vu la gueule de la mère de famille. On aurait dit qu’elle avait perdu un match de boxe après dix rounds. Elle avait du bleu et du violet sur le visage. Et si elle n’était pas au volant c’est parce qu’elle avait le bras en bouillie. Son mari le lui avait presque cassé.
— Une femme battue ?
— Persécutée depuis un mois d’après sa déposition que Mélissa a reçue. Alors, oui, il y a un aristocrate qui se croit au dessus des lois mais c’est clairement le mari. J’ai eu, en début d’après midi, les collègues de Rambunot, la commune dans la région de Lyon d’où viennent les fugitifs. Le père reconnaît les coups mais dit que c’est sa femme qui le poussait à bout.
— Ouais, en somme, elle l’a bien cherché. C’est ce que disent tous les mecs violents.
— En attendant j’en connais une autre qui cherche mes baffes mais je ne vais pas appeler la journaliste parce que, sinon, je vais perdre mes nerfs. Je rappelle Melissa.
Quelques secondes plus tard la brigadière Tramont décroche.
— Alors, je ne t’avais pas menti c’est quelque chose cet article.
— Je confirme, elle me met dans la merde. Et c’est rien comparé aux trois victimes.
— Mais, en attendant, elle a déjà 100 000 vues en quelques heures, ce qui environ vingt fois plus que la moyenne. L’article est diffusé partout sur le net et l’info commence à être relayée dans des médias nationaux.
— J’imagine que ça doit faire plaisir aux gens de taper sur les grands bourgeois en se basant que sur l’article. Moi le premier l’info m’aurait fait ricaner, si je n’avais pas connu tout le côté sordide. Mais comment cette peste de Grangier a eu accès aussi vite au dossier ?
— T’as pas ta petite idée ? Qui est de garde aujourd’hui ?
— Mathias, puisque je l’ai croisé ce matin en partant.
— Et de qui Mathias est il amoureux depuis trois ans qu’il est dans la brigade ?
— Je pensais que c’était de toi. Je vous ai même assez taquinés là dessus.
— Et bien tu t’es toujours gouré, on est simplement amis et il ne se passera jamais rien entre nous. Il n’est pas du tout mon genre et moi non plus. Je suis un peu trop brune et, surtout, trop naturelle à son gout. Il les préfère genre cagole blondes décolorées. Un peu comme Grangier quoi. Et pour lui faire plaisir, il lui a servi sur un plateau le fait divers de sa carrière.
— Mais quel petit con, il va m’entendre.
— T’en fais pas, il m’a déjà entendue, mais sa connerie mérite bien une deuxième engueulade. Quant à Grangier, elle a pas intérêt à remettre les pieds de sitôt à la gendarmerie sinon je vais la recevoir et toi aussi. Je te jure, plus ça va plus je la déteste celle là.
24 commentaires
Leo Degal
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Il y a un mois
Gottesmann Pascal
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Il y a un mois
Eva Boh & Le Mas de Gaïa
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
Oswine
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Il y a 2 mois
Marie Andree
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois