Gottesmann Pascal Bien sous tous rapports Ambiance apaisée

Ambiance apaisée


À Lisognan, Marianne, qui a réussi à s’endormir sur les coups de neuf heures du matin, se réveille un peu après deux heures de l’après-midi. L’adolescente profite pleinement du havre de tranquillité qui lui est offert. Elle ne craint plus d’entendre à tous moments les cris et les gifles. Imaginer son oncle Stan s’en prendre à sa tante Viviane ou à sa mère lui parait tout simplement absurde.


S’éveiller dans une atmosphère apaisée et sécurisante est un luxe auquel elle n’avait plus gouté depuis un bon mois. La maison semble déserte quand elle s’aventure en dehors de sa chambre. En ce qui concerne Stanislas, ce n’est pas étonnant. Si la pandémie a mis la plupart des gens au chômage forcé, ce n’est pas le cas des médecins qui sont plus occupés que jamais, particulièrement les généralistes, premiers sur le front. Le docteur Pellegrin a en charge des nouveaux cas de Covid qui apparaissent tous les jours. Heureusement que ses soins sont bons et que, parmi les patients atteints du virus dont il s’occupe, peu ont été hospitalisés et, à l’heure actuelle, aucun n’est encore décédé. Il n’en demeure pas moins que Stanislas aimerait que cette situation prenne fin le plus vite possible parce qu’elle n’est pas vivable. Pour se protéger ainsi que sa femme, il a fait un autotest sur sa sœur et ses neveux au moment de leur arrivée chez lui et ils se sont tous les trois révélés négatifs.


En se rendant dans le salon, Marianne trouve Valentin en train de lire une BD qui, au vu de son aspect défraichi, doit remonter à l’enfance de Blanche, l’ainée des trois cousins, c’est à dire il y a une trentaine d’années. Le petit garçon sourit en voyant sa sœur et l’invite à s’asseoir à côté de lui pour qu’ils profitent ensemble de la lecture d’Astérix et les bretons.


— Tata Viviane est dans son bureau où elle fait un cours en distanciel avec ses élèves. Moi aussi j’aurais du voir la maitresse et les copains sur l’ordinateur cet après-midi.


— Tu sais Valentin, il y a très peu de chances qu’on retourne bientôt chez nous. Quand on sera déconfinés, t’iras dans une nouvelle école proche d’ici. Moi aussi, j’irai dans un nouveau lycée, et nous serons tous les deux obligés de nous faire de nouveaux copains.


— Mais c’est pas juste ça. Si papa a été méchant, c’est à lui de devoir vivre loin de la maison, pas à nous.


— C’est logique mais, malheureusement, c’est pas comme ça que ça marche chez les adultes. Au fait, t’as vu maman ?


— Non, elle dort toujours.


— Il faut qu’elle se repose. La situation n’a pas été facile pour nous mais, pour elle, ça a été encore beaucoup plus dur. On peut être fiers d’elle parce qu’il lui a fallu du courage pour tenir le coup.


— Tu crois que j’ai attendu pour être fier de maman ? Je l’ai toujours été et je l’aime plus que tout. Mais où est ce qu’on va vivre maintenant ? Ici ?


— Ça en prend le chemin, du moins pour le moment. À Lisognan, maman se trouve à des centaines de kilomètres des claques de papa et je suis certaine qu’il n’a pas le bras assez long pour les lui donner. Ça te pose problème ?


— Non, quitte à être loin de la maison autant rester avec tonton Stan et tata Viviane. T’as été trop forte cette nuit. J’aurais aimé pouvoir faire comme toi.


— Dis moi petit frère, juste une précision qui me parait importante. Sauf en cas d’extrême urgence comme ça a été le cas cette nuit, il n’est pas question que tu prennes le volant à tout juste 16 ans. J’ai été un très très mauvais exemple.


— Depuis hier soir tu réponds à papa, tu dis à maman de quitter la maison, tu conduis. T’es une rebelle et j’adore ça. J’en avais assez qu’on me dise toujours combien t’étais sage à mon âge.


— Mais j’étais un ange à ton âge, et, à 9 ans, il a fallu que je devienne parfaite pour toujours donner le bon exemple à mon petit frère.


— Et même cette nuit tu l’as donné, dit la voix de Viviane qui vient d’entrer dans le salon sans être remarquée. Valentin va se souvenir toute sa vie qu’il faut se défendre quand on est attaqué et que, lorsqu’on sent ses proches en danger, il est toujours prudent de les mettre à l’abris.


— Merci tata. Ça me touche que tu dises ça.


— Et, toi aussi, j’espère que tu as compris une leçon. N’attend pas qu’un homme te casse quotidiennement la figure pour t’en aller. Dès que ça devient un peu régulier tu fais tes valises. Même le premier coup devrait être inacceptable.


— Moi ? répond Marianne, d’un ton farouche. Dès le déconfinement je m’inscris à un cours d’art martial pour apprendre à me défendre et, si un mec ose me taper dessus…et bien je rend les coups.


— T’es en colère dis moi, réagit Viviane.


— On le serait à moins. En plus mon géniteur a toujours réussi à passer, en public, pour un homme respectable. Résultat, ma meilleure copine ne m’a pas crue quand je lui ai raconté ce qui s’est passé cette nuit ce matin avant de m’endormir. « Ton père a pas pu faire ça à ta mère, il a tellement de classe ». Espèce de petite…


—…Garde pour toi ce que tu penses de ton amie Marianne. Je n’acceptais pas les grossièretés sous mon toit quand j’avais les enfants à la maison et je ne les accepte toujours pas. Le tarif était d’un euro par gros mot et les amendes pouvaient rapidement devenir salées parce que ça doublait si on en disait plusieurs à la suite.


— On peut utiliser les insultes du capitaine Haddock ? demande Valentin qui, en plus d’Astérix, est dans sa grande période Tintin. Bachi Bouzouk ! Analphabète ! Ectoplasme ! Moule à gaufre ! Iconoclaste !


Marianne et Viviane éclatent de rire et c’est sur cette franche gaieté que Clotilde fait son apparition. Elle fait l’effort de sourire pour rassurer ses enfants mais semble soucieuse.


— Lionel a été convoqué ce matin par les gendarmes.


— Il t’a appelé ? demande Marianne.


— Non, il m’a envoyé un SMS. Mais je ne compte pas y répondre.


— Il t’insulte et te menace.


— Au contraire, il essaie de négocier. Il veut que je retire ma plainte et, en échange, promet de ne pas faire pression pour qu’on retourne habiter avec lui.


— Bien évidemment, s’exclame Viviane, si ça se sait son image va être sérieusement écornée et il peut même dire adieu au fauteuil de maire dont il rêve. Et bien tu sais quoi Clotilde tu vas assumer ce que tu fais et lui répondre qu’il n’est pas question que tu retires quoi que ce soit. Non mais pour qui il se prend ce…ce stupide coloquinte. Mille sabords.


— Il a aussi porté plainte contre moi. Pour enlèvement d’enfants. Il ne supporte pas que je lui ai enlevé Valentin. Comme si j’allais partir sans mon fils.


— Laisser mon petit frère seul avec lui pour qu’il soit élevé comme un macho, s’exclame Marianne d’une voix plus aigue qu’à l’ordinaire ? Il aurait plus manqué que ça. Je t’en aurai empêché maman.

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7 commentaires

Leo Degal

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Il y a un mois

Espèce de coloquinte ! 😂 Pauvres coloquintes. Elles y perdent au change !

Marie Andree

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Il y a 2 mois

Valentin est adorable 💕

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Oh...merci pour lui.

Eva Boh & Le Mas de Gaïa

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Il y a 2 mois

J'ai bien aimé les insultes du capitaine Haddock :)

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Ça fait un peu sourire au milieu de l'histoire.
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