Gottesmann Pascal Bien sous tous rapports Défaite humiliante

Défaite humiliante


À des centaines de kilomètres de là, dans sa vaste demeure bien vide à présent, Lionel fait les cent pas et ne peut pas accepter ce qui est arrivé pendant la nuit. Il a l’impression de s’être fait flouer, rouler dans la farine et se retient pour ne pas tout détruire.


Les armoires sont grandement vidées, la Mercedes a disparu et sa femme a quitté le domicile avec ses enfants. Que Clotilde embarque Marianne avec elle ne lui pose pas de problème, de toute façon sa fille est devenue bien pire que son épouse. Une espèce de peste insolente et incontrôlable avec qui toute communication est devenue impossible. Mais les deux femmes n’avaient pas le droit de prendre Valentin avec elles. Son fils reste à lui et il compte bien l’élever comme bon lui semble. Cet incident est la preuve ultime que, sous ses airs de sainte nitouche à qui on donnerait le bon Dieu sans confession, Clotilde reste une garce manipulatrice et dangereuse. Mais ça, ça fait des années qu’il s’en est rendu compte et c’est même pour ça qu’il a commencé à la frapper. Depuis, il continue.


Pourtant, lorsqu’il avait fait sa connaissance en l’an 2000, alors qu’elle était âgée de 21 ans et lui de 25 c’était sa douceur et sa modestie, en plus de sa beauté incroyable, qui avaient su le charmer immédiatement. Cette rencontre inespérée avait illuminé la vie de Lionel en ce début de nouveau millénaire. Il sentait que cette jeune femme ne serait pas comme Agnès, sa première petite amie avec qui il était restée trois ans avant qu’ils ne se séparent. Agnès était une virago qui voulait constamment porter la culotte et cherchait l’affrontement. Car, pour Lionel, une chose est certaine, c’est à l’homme de prendre les décisions et à la femme d’accepter et d’obéir. Puisque la société a évolué, la femme a, à présent, le droit d’être l’égale de l’homme dans l’espace public mais certainement pas au sein du foyer.


Le père de famille a vécu son enfance et son adolescence au cours des années 80 mais c’était comme s’il avait été élevé trente ou quarante ans plus tôt. Les Jonquier de Frissac s’étaient montrés particulièrement fermés aux évolutions brutales de la société ayant fait suite à mai 68. Ils avaient élevé leur deux garçons, ainsi que leur fille, d’une manière extrêmement stricte et rigide. Il fallait vouvoyer ses parents, se tenir parfaitement bien à table, toujours montrer le plus grand respect pour les adultes et exceller dans toutes les matières à l’école.


Bien entendu, sa mère demeurait au foyer pendant que le père allait gagner sa vie au dehors. Au moins, avec ce système, on savait qui était le chef et l’anarchie était évitée. Même s’il estime savoir vivre avec son temps et pense avoir des idées un peu plus modernes que celles de son père, l’éducation reçue par Lionel l’a profondément marqué. Il a toujours mis un point d’honneur à prouver qu’il était le maitre chez lui. Le chef d’entreprise qu’il demeure dans l’espace privé entend bien prendre des décisions pour sa femme et ses enfants comme pour ses employés.


Clotilde, avec son caractère paisible et sa foi profonde qui lui avait fait vouloir devenir religieuse pendant l’adolescence avant de préférer rester dans le monde pour travailler, fonder une famille et avoir des enfants, lui paraissait la future épouse idéale. Et, pendant une quinzaine d’années il avait été aveuglé, pensant effectivement faire la loi dans leur couple. Même quand il l’avait incitée à renoncer à son poste de professeur d’université qui la passionnait parce qu’il ne supportait pas de voir son épouse chérie reluquée par des hordes de jeunes adultes en rut, elle avait accepté. Il faut dire qu’une grande partie de ces mâles étaient, effectivement, plus intéressés par son visage d’ange ou ses courbes voluptueuses que par les souverains mérovingiens ou carolingiens qu’elle évoquait dans ses cours d’histoire médiévale.


Mais, au bout d’un certain nombre d’années, Lionel s’est rendu compte que, si Clotilde prenait soin de ne jamais s’opposer frontalement à lui elle agissait de manière beaucoup plus subtile. Elle parvenait tout simplement à le convaincre et savait l’amener à penser comme elle. C’est ce qui a expliqué un certain nombre de décisions prises contre ses convictions, principalement concernant l’éducation des enfants.


Il se souvenait très bien de la plus importante. Lorsque Marianne a eu six ans et qu’il était temps, pour elle, d’aller à l’école primaire, il voulait l’inscrire à Saint Éloi, ça lui paraissait même naturel. Cet établissement privé catholique très prestigieux dans lequel il avait fait tout ses études du primaire au lycée accueille du cours préparatoire à la terminale, tous les enfants de la bonne société de la région. Malgré sa foi profonde, Clotilde préférait mettre sa fille, au moins au primaire, dans un établissement public pour lui permettre de se mêler des enfants d’origines et de classes sociales divers. Elle a été entendue et, quelques années plus tard, au moment d’entrer au collège, leur fille avait voulu suivre ses copains et copines de classe qui partaient tous au collège public.


Tu acceptes que ta fille s’ouvre aux autres et, dix ans plus tard elle débarque à la maison en disant « Papa, maman, je vous présente Diego, mon amoureux » se dit Lionel en faisant un raccourci rapide mais qui, selon lui, s’impose complètement. Comment une Jonquier de Frissac, dont les ancêtres avaient été intimes des rois de France, a t’elle pu se retrouver mêlée à des enfants de secrétaires, femmes de ménage, de chauffeur-livreurs ou de boulangers, voire de chômeurs. À cause de Clotilde, tout s’est mis à tourner à l’envers dans sa famille. D’ailleurs il avait été beaucoup plus ferme en ce qui concerne Valentin et que Clotilde le veuille ou non, son fils avait été inscrit à Saint Éloi où il se trouve d’ailleurs très bien.


Lionel a d’abord admiré cette capacité de persuasion que pouvait avoir sa femme. Et encore plus son pouvoir d’arriver, toujours en douceur et sans perdre le sourire, à se faire obéir de ses enfants comme des femmes qu’elle emploie dans ses magasins. Il a même essayé de l’imiter un temps mais s’est vite rendu compte qu’il arrivait seulement à passer pour un faux jeton. Sa femme posséde donc un véritable pouvoir, et un pouvoir dangereux. S’en étant rendu compte, Lionel ne l’a plus accepté et, lorsque Clotilde tentait, avec sa diplomatie habituelle, de lui faire entendre un avis différent du sien, il a refusé de l’écouter. Bientôt, les coups ont fait leur apparition comme si l’enchainement était logique.

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16 commentaires

SOLANE

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Il y a un mois

On peut penser que c'est un peu caricatural, mais en fait non : malheureusement, c'est bien trop souvent la réalité... (on a un "contrôlant-violent" qui devient fou dès que tout ne se fait pas comme il le veut)

Gottesmann Pascal

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Il y a un mois

Oui, ce genre d'hommes existent malheureusement. Il peut aussi y avoir des femmes où la violence est moins physique mais plus psychologique.

Leo Degal

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Il y a un mois

Quel terrible portrait 😵

Gottesmann Pascal

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Il y a un mois

Mon méchant dans toute sa splendeur.

Marie Andree

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Il y a 2 mois

Je retrouve tes personnages avec plaisir (enfin, tous sauf Lionel, tu imagines bien). 👌

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Lionel on aime le détester comme tous les bons méchants.

Eva Boh & Le Mas de Gaïa

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Il y a 2 mois

Quelle ordure 🤮. Tout ça parce qu'il. ne sait pas gagner le respect, juste l'imposer.

Gottesmann Pascal

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Il y a 2 mois

Comme tu dis, sa femme est mieux que lui et il ne peut pas l'accepter.
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