Fyctia
Deux mois plus tôt
Marianne met presque une demi-heure à raconter tous les évènements de la soirée et sent que Stanislas et Viviane sont de plus en plus accablés en apprenant les mésaventures qui sont arrivées aux trois membres de leur famille lors de ces dernières semaines.
— Ma sœur, ma pauvre petite sœur dit l’oncle de Marianne en sanglotant. J’aurais du la protéger, c’était mon boulot de grand frère. Et je ne parle même pas de Valentin et de toi.
— Tu n’as pas à t’en vouloir Stanislas, répond Viviane, tu pouvais pas savoir. Clotilde nous avait rien dit et faisait son possible pour nous faire croire que tout se passait bien.
— J’ai pourtant eu des échos inquiétants en février. Si j’avais mis Clotilde et ses enfants à l’abris avant le début du confinement ça lui aurait évité de passer un long mois en enfer. C’était déjà grave avant la promiscuité du confinement mais ça restait gérable.
— C’est Jacinthe qui t’a parlé ? demande Marianne.
Jacinthe est la fille cadette de Stanislas et Viviane et la plus jeune de leurs trois enfants après Blanche et Loïc. Faisait ses études à Lyon, elle venait, en voisine, déjeuner à peu près une fois par mois chez les Jonquier de Frissac le dimanche midi. Quand elle était venue début février, Jacinthe avait été la témoin d’une scène particulièrement tendue dont l’adolescente se souvient très bien.
— T’as deviné Marianne, répond Stanislas, Jacinthe a dit que ton père en colère était tout bonnement méconnaissable.
— On peut le dire, quand on ne connait que le Lionel Jonquier de Frissac en public, mon géniteur devient vraiment un tout autre homme quand il perd ses nerfs.
— Et je peux savoir ce qu’a raconté ma fille ? intervient Vivianne qui semble un peu perdue.
En racontant la scène à sa tante, Marianne remonte à ce repas de midi du dimanche 9 février 2020. Époque où l’on pensait encore qu’on pourrait échapper au coronavirus qui était presque circonscrit à la Chine et où la vie était encore normale. L’adolescente se rend même compte que, à l’époque, Diego était toujours son amoureux. Bref, la Marianne d’il y a seulement deux mois lui semble être devenue une étrangère avec une toute autre vie que la sienne. Une vie différente, et tellement plus heureuse.
Ce 9 février, Jacinthe était donc à table et parlait avec passion de ses études de droit pour devenir avocate d’affaire, de son chéri, Bastien, avec qui elle filait le parfait amour depuis deux ans et des centaines de projets qu’on peut avoir à une petite vingtaine d’années.
— Et toi Valentin, demanda t’elle à son petit cousin, qu’est ce que t’aimerais faire plus tard ?
— Comme maman, répondit alors le garçon avec enthousiasme. Je veux vendre des vêtements aux dames pour qu’elles soient les belles possibles.
— C’est magnifique mon chéri, réagit Clotilde avec enthousiasme. Je suis tellement contente que tu veuilles faire le même métier que moi.
— Oui, mais comme je suis un garçon, je vendrais aussi pour les messieurs. Eux aussi doivent être beaux.
— Et tu ne préfèrerais pas diriger des usines comme moi ? intervint Lionel.
— Ah ben non, réagit le petit. J’aime pas les usines, il y fait trop chaud et puis il y a du bruit. C’est plus rigolo de travailler dans une boutique. On voit des gens toute la journée, pas des machines.
— Mais alors, dit Lionel, qui est ce qui reprendrait l’entreprise ?
— Ben…Marianne. De toute façon elle est plus intelligente que moi. Et puis c’est la plus grande.
— Merci du compliment petit frère mais, moi, je veux devenir pédiatre. Tu sais, comme le méchant médecin que t’es obligé d’aller voir plusieurs fois par an et qui te fait des piqures.
— Quelle horreur, si tu fais ça je t’aime plus.
Cette réaction a provoqué un immense éclat de rire tout autour de la table mais Lionel ne digérait visiblement pas que les boutiques de vêtements soient à ce point préférées à aux usines par son fils. Il sentit ce rejet brutal comme une insulte et en voulut personnellement à Clotilde. Après tout c’était entièrement de sa faute. Depuis qu’il était tout petit, elle emmenait régulièrement son fils dans ses boutiques où il était adoré et chouchouté par toutes les vendeuses. Encore une fois, sa femme s’était montrée manipulatrice et il comptait bien changer la situation, sinon elle allait faire de leur fils son portrait craché.
— Je pense que tu es un peu trop allé aux magasins et pas assez dans les usines Valentin, dit le père de famille d’un ton n’appelant aucune réplique. Dorénavant, les mercredi et samedi, tu viendras avec moi et je te ferais tout découvrir comme ton grand-père l’a fait quand j’étais petit. C’est comme ça que tu apprendras à aimer l’industrie.
— Pourquoi vouloir le forcer s’il préfère les magasins aux usines ? intervint Jacinthe.
— Peut être pour lui faire comprendre qu’il faut avoir de l’ambition dans la vie. Après tout, un homme n’a pas sa place dans une boutique qui ne vend que pour les femmes. Sept ans est l’âge de raison et il est temps, pour Valentin, d’entrer dans le monde des hommes.
— T’as peur que ton fils devienne un efféminé ? t’es clairement pas à la page tonton. Maintenant les hommes n’ont plus à être de gros machos sûrs d’eux, et heureusement d’ailleurs. Bastien est un mec sensible et c’est pour ça que je l’aime.
— Et puis il est encore petit, osa Clotilde. Je suis sûre qu’à son âge tu ne rêvais pas de reprendre l’entreprise.
— Non, mais je voulais être explorateur ce que je trouve plus ambitieux que de vendre des fringues à longueur de journée.
— Dis tout de suite devant tout le monde que mon métier ne vaut rien, réagit la mère de famille vexée. Je dirige quand même une cinquantaine d’employées sur deux boutiques et ai réussi à redresser un magasin qui était proche de mettre la clé sous la porte.
Clotilde sût immédiatement qu’elle avait énervé son mari et la réaction de Lionel ne tarda pas. Il donna un violent coup de poing sur la table et se leva furieux après avoir claqué la porte. Jacinthe, qui connaissait son oncle depuis ses quatre ans n’arrivait plus à le reconnaitre et regarda Marianne avec de grands yeux étonnés.
— Ça arrive souvent que ton père réagisse comme ça ?
— De plus en plus régulièrement quand ça ne va pas comme il veut, répondit l’adolescente d’une voix blanche. Il lui arrive même d’être brutal.
— De…frapper ta mère.
— Une petite gifle de temps en temps mais rien de grave je t’assure. Surtout n’en parle pas à ton père sinon il reprendrait immédiatement le rôle du grand frère protecteur qu’il aime tant et Lionel déteste ça. Ils ne s’entendaient pas très bien pendant les premières années à cause de cette attitude.
Mais Jacinthe n’avait pas écouté sa tante et, étant sûre de bien faire, elle avait prévenu son père qui eut du mal à croire ce qu’il entendait. Deux mois plus tard, le point de non retour a été malheureusement atteint forçant Clotilde à s’enfuir avec ses enfants
14 commentaires
La Plume d'Ellen
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Il y a 16 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 16 jours
Leo Degal
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Il y a un mois
Gottesmann Pascal
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Il y a un mois
Eva Boh & Le Mas de Gaïa
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
Dystopia_Girl
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Il y a 2 mois