Fyctia
Bon anniversaire
Marianne, de son côté, sait pertinemment qu’elle n’arrivera pas à dormir, du moins pas tout de suite. Il lui faut faire redescendre la pression après tout ce qui s’est passé pendant la soirée puis la nuit. Viviane se rapproche de sa nièce et allonge le bras pour l’inviter à s’y blottir, l’adolescente apprécie le geste d’affection et, comme si elle éprouvait un besoin d’évacuer, se met à pleurer pendant plusieurs minutes.
— Tu as été admirable Marianne, dit Stanislas. Tu as su prendre les choses en main et protéger ta mère alors que, en temps normal, ça aurait été à elle de le faire.
— Tu ne te rend pas compte de ce qu’elle vit depuis un mois. C’était absolument affreux. Je me demande comment elle a fait pour supporter tout ça. Et, hier soir soir, ça a été le pompon. Même moi j’ai pris des coups de la part de mon géniteur.
— Ton géniteur ? répète Viviane frappée par la violence de la phrase.
— Tu voudrais quand même pas que je continue de l’appeler papa après ce qu’il a fait. Où alors je pourrais l’appeler Sécuteur parce que c’est le père Secuteur
Le jeu de mot inattendu fait sourire mais l’ambiance reste toujours aussi morose.
— Mais tu pourrais nous raconter ce qui s’est passé ? demande Stanislas. Enfin si tu t’en sens la force.
— C’est une bonne idée tonton. Ça va me permettre d’exorciser un peu tout ce qui m’est arrivé.
Il est à présent temps, pour Marianne, de se replonger dans la soirée abominable qui s’est déroulée quelques heures plus tôt. Elle aurait pourtant dû être la plus joyeuse et festive du confinement.
Sur les coups de neuf heures du soir toute la famille Jonquier de Frissac se trouve autour de la table et le repas touche à sa fin. Malgré les restrictions sanitaires, Clotilde a tenu à marquer le coup et à fêter dignement les 16 ans de sa fille même s’il n’y a pas d’invités et ni mêmede cadeaux qui attendront le déconfinement. Après les verrines apéritives et les spaghettis bolognaise, plat préféré de Marianne, vient le tour d’un superbe gâteau au chocolat maison accompagné de sa crème anglaise. La bouteille de champagne trône également sur la table, presque vidée en cette fin de repas et largement consommée par le père de famille. L’adolescente est méfiante parce que, sous l’effet de l’alcool, son père est nettement plus agressif qu’à l’habitude.
— C’est une très bonne chose ce confinement, tu ne trouves pas Clotilde ? dit Lionel d’un ton satisfait. Comme ça je sais toujours où tu es, et ce que tu fais. Tu ne rentres plus à pas d’heure plusieurs fois par semaine en prétextant un inventaire qui s’est éternisé après la fermeture de la boutique ou une invitation à boire un verre de la part d’une de tes employées. J’imagine que ton jeune amant te manque terriblement, avec ses dix ans de moins.
— Je ne te répond même plus, répond Clotilde d’un ton sec. Tu sais très bien que je n’ai rien à me reprocher et que ce n’est pas ton cas.
Effectivement Lionel, dans les premières années de la relation, avait gardé des habitudes de séducteur. Bien que fou amoureux de Clotilde, il n’avait pas pu s’empêcher de faire quelques accrocs. Elle avait fini par l’apprendre et avait eu du mal à lui pardonner. Quand ils ont commencé à évoquer l’idée d’un enfant elle lui a fait jurer de rester fidèle et, depuis, il a tenu parole. Par contre, plus de quinze ans plus tard, Lionel n’est pas décidé à faire amende honorable.
— C’est facile de jouer les saintes nitouches mais je sais ce que tu es. Une femme facile, une salope qui allume tout le monde. C’est pas étonnant puisque c’est le cas de toutes tes employées et des trois quart de vos clientes. Je suis au courant que tout Lyon appelle ton magasin La boutique des putes. Il faut bien qu’il y ait une raison.
— Ça suffit papa, intervient Marianne d’une voix aigüe. Arrête de t’en prendre à maman, c’est insupportable. En plus c’est complètement faux ce que tu racontes. T’es en train de gâcher mon anniversaire.
C’est la première fois que l’adolescente prend aussi clairement parti pour sa mère mais, au bout d’un moment, elle ne peut plus faire autrement. D’autant plus qu’elle sait qu’elle parle également au nom de Valentin qui est au bord des larmes.
— Ferme là petite pisseuse réagit Lionel en perdant son sang froid. Toi aussi le confinement te fait du bien. Il te permet de ne plus fréquenter la racaille avec qui tu fricotais au lycée.
— Tu n’insultes pas Diego. De toute façon lui et moi c’est fini. Il m’a quittée deux jours après être venu ici parce que tu avais été odieux avec lui.
— Ça c’est la meilleure, explose Lionel. Je n’aurais plus le droit d’être mécontent en voyant un gitan tout juste descendu de sa caravane bécoter ma fille sous mon propre toit. Même s’il est deuxième de la classe juste derrière toi ça reste un garçon que je ne veux pas voir en ta compagnie. Tu auras droit de vivre comme tu l’entendras et de voir qui tu voudras quand tu seras adulte mais, en attendant, il va falloir m’écouter.
— Tu dis à longueur d’interview que tu es moderne et ouvert d’esprit, surtout depuis que tu veux devenir maire de Rambunot. En fait, t’es bourré de préjugés. Tu n’aurais accepté Diego que s’il avait été le fils de l’ambassadeur d’Espagne. Je suis bien contente de ne pas te ressembler.
— Non mais je vais te coller une paire de baffes pour te faire comprendre. T’es comme ta mère, une garce manipulatrice. Tu veux peut être devenir pédiatre mais, si tu commences à trainer avec les garçons dès le début du lycée tu ne va être bonne qu’à écarter les cuisses. Tu vas pas continuer à me faire honte longtemps.
Marianne est habituée à se faire traiter de fille facile au lycée, surtout par les mecs dont elle a refusé les avances. Ce qui prouve d’ailleurs qu’elle n’en est pas une. Depuis le début de l’année elle est victime de toutes les rumeurs, y compris propagées par ses camarades féminines. La belle blonde qui fait se retourner tous les garçons dans la cour ne peut être qu’une pute sinon ce ne serait pas juste. En novembre, elle a même découvert un tag dans les couloirs qui disait qu’elle suçait dans les toilettes pour 10 €. Elle est allé voir le responsable dont elle avait reconnu l’écriture pour qu’il le lui avoue en face. Elle ensuite l’a forcé à s’excuser par la manière forte avant de se plaindre. Ce n’est qu’après qu’elle est est allée se plaindre aux surveillants. Mais, lorsque l’insulte vient de son propre père, Marianne trouve ça encore plus inadmissible. Elle se lève violemment, faisant même tomber la chaise et ses yeux bleu ciel deviennent gris orageux sous l’effet de la colère.
— Et bien vas-y fais toi plaisir, répond elle en se levant, frappe moi. Tabasse ta fille après avoir tabassé ta femme pendant des semaines. De toute façon c’est en train de devenir ta seule façon de communiquer avec les femmes de ta famille.
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Alsid Kaluende
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Il y a 3 jours
La Plume d'Ellen
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Il y a 17 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 17 jours
SOLANE
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Gottesmann Pascal
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Leo Degal
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Oswine
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Il y a 2 mois
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois
Oswine
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Il y a 2 mois