Fyctia
Mise à l'abri
Marianne aimerait tellement croire le gendarme face à lui mais elle ne peut pas s’empêcher d’avoir de gros doutes
— Durablement en sécurité, dit-elle, je ne sais pas, j’ai l’impression que mon père peut apparaitre d’un moment à l’autre puisqu’il sait que nous ne sommes plus à la maison. Il ne va pas falloir qu’il réfléchisse longtemps pour deviner où on se trouve.
— Il ne faut pas y penser. Je vais appeler votre oncle et il ne va pas tarder à venir vous chercher tous les trois. Il doit déjà être au courant de votre fuite.
— Oui, ma mère l’a eu au téléphone pendant notre fuite et il s’est dit prêt à nous accueillir. Donc il est déjà au courant.
Reposez vous mais, ensuite, il faudra que votre mère revienne ici pour porter plainte pour violences conjugales. À part, bien sûr, si elle le fait déjà auprès de ma collègue et je pense que c’est le cas.
L’adjudant Bolivot devine bien. Au même moment, Clotilde Jonquier de Frissac née Pellegrin est en train de dénoncer les mauvais traitements dont elle a été la victime de la part de celui qui est son époux depuis dix-sept ans et père de ses deux enfants à la brigadière Tramont.
— Pouvez vous me dire quand ces mauvais traitements de votre mari ont commencé ?
— Lionel a commencé à être de plus en plus agressif il y a trois ou quatre ans, mais, jusqu’à il y a un mois c’était supportable. Quand je sentais qu’il s’énervait trop je m’en allais au cinéma ou chez une amie et, quand je revenais quelques heures plus tard il était calmé. Il y avait des parfois coups mais il les regrettait toujours Il s’excusait et m’offrait même des cadeaux pour se faire pardonner. De plus en plus beaux d’ailleurs au fil du temps.
— Je comprend, il essayait de vous endormir avec des vêtements et des bijoux.
— C’est exactement ça. Mais, depuis le début du confinement, c’est absolument invivable. Les scènes de violence sont devenues quotidiennes et il n’y a plus eu d’échappatoire. C’est comme s’il profitait du fait que les mesures sanitaires me retiennent prisonnière.
— Qu’est ce qu’il vous reproche au juste ?
— Ce qui revient le plus souvent est que je le trompe. Lionel a toujours été jaloux et possessif. Lorsque j’étais professeur d’histoire médiévale à l’université de Lyon il n’aimait pas la manière dont les étudiants agissaient avec moi. Il les qualifiait de jeunes mâles en rut. Il faut dire que, lorsque j’ai commencé à donner des cours il y a une petite vingtaine d’années, je n’étais pas beaucoup plus vieille que certains de mes élèves. Certains me faisaient clairement comprendre qu’ils fantasmaient sur moi. Pour lui faire plaisir et le rassurer j’ai décidé, après mon deuxième congé maternité de démissionner pour reprendre une boutique de vêtements féminins dans le centre de Lyon. Je ne travaillais qu’avec des femmes, les clients étaient, à 95%, des clientes et, pourtant, sa jalousie est devenue violente alors que, jusqu’alors, elle ne l’était pas.
— En somme il aurait voulu vous voir sagement à la maison à l’attendre pendant que lui était dehors toute la journée.
— Il me l’a souvent proposé. J’aurais même eu une vie oisive puisque du personnel de maison aurait pu faire le ménage, la cuisine et se serait occupé des enfants mais ça ne me convenait pas du tout.
— Votre mari est donc fortuné ?
— Sa fortune s’élève à environ deux cent millions d’euros. Il dirige une très grosse entreprise de recyclage des métaux après avoir transformé la sidérurgie dont il avait hérité. Vous devez connaitre l’entreprise Frissac, elle est à lui. Donc il s’est encore enrichi après avoir touché un très gros héritage. Il est tout l’inverse des hommes violents tels qu’on se les représente. Et pourtant, sans ma fille, je serai sans doute bientôt morte. C’est elle qui a su préserver son petit frère et m’a convaincu de fuir hier au soir.
La brigadière se rapproche ensuite du petit Valentin qui a du mal à dire un seul mot. Il se contente de répéter Pourquoi ? cherchant à comprendre la terrible situation. Le choc de ce qu’il a vu et entendu ces derniers jours, la surprise du départ précipité couplé à la fatigue, tout cela le rend léthargique et la jeune gendarme n’insiste pas. Son collègue et elle en savent assez pour ne pas importuner le petit garçon qui, du haut de ses sept ans, en a bien assez vu pour ce soir.
Stanislas arrive bientôt à la gendarmerie pour récupérer sa sœur et ses neveux et Clotilde fonce dans ses bras pour s’y sentir rassurée et protégée. Plus jeune de dix-neuf ans, elle a toujours vu son frère ainé comme une bouée de sauvetage sur laquelle elle pourrait compter dans les moments les plus durs. Et ce moment là est certainement le plus insupportable de sa vie. À présent c’est fini, les gendarmes ont été miraculeusement compréhensifs et elle se trouve dans ce village du sud de la France, à des centaines de kilomètres de son ex époux violent. Ses merveilleux enfants sont, eux aussi, en sécurité. Du moins pour le moment.
Stanislas parcourt quelques kilomètres en voiture dans la lueur de l’aube qui commence à poindre sur les coups de sept heures du matin avant de parvenir chez lui. Marianne et Valentin retrouvent cette maison qui, habituellement, est celle de leurs vacances d’été mais l’atmosphère n’est pas du tout à la fête et aux retrouvailles. D’ailleurs le cousin et les deux cousines ne sont pas là puisqu’ils ne passent pas le confinement avec leurs parents. Un petit repas les attend, préparé par Viviane, la femme de Stanislas et, après avoir repris des forces, Clotilde et Valentin se sentent épuisés et ne tardent pas à monter se coucher. Le bras de la mère de famille est encore douloureux mais va beaucoup mieux et son frère a pris le temps de s’occuper des nombreuses plaies au visage. Dans quelques jours on ne verra certainement plus rien
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Alsid Kaluende
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Il y a 3 jours
Paul Malem
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Gottesmann Pascal
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