Gottesmann Pascal Bien sous tous rapports L'arrestation

L'arrestation

Le mercredi 15 avril 2020 sur les coups de cinq heures du matin, un gendarme de la commune de Lisognan, une paisible bourgade rurale située à une vingtaine de kilomètres au nord d’Aix en Provence, appréhende une voiture qui semble lui suspecte par les temps qui courent. Celles et ceux qui ne respectent pas le confinement sont activement traqués depuis le début du confinement et la Mercedes est immatriculée dans le département du Rhône.


— Gendarmerie nationale, adjudant Bolivot. Alors Monsieur Brun, on voulait rejoindre le Bar de la marine ? plaisante le vieux gendarme qui connait par cœur la célèbre trilogie marseillaise la regardant depuis son enfance.


Il fait référence au personnage lyonnais perdu au milieu des marseillais dans l’œuvre de Pagnol. Mais, en guise de Monsieur Brun il découvre au volant une adolescente blonde qui a l’air trop jeune pour avoir son permis. À ses côtés se trouve une femme, certainement sa mère tant les deux se ressemblent, qui l’air d’avoir perdu un combat de boxe avec son visage amoché par les contusions. Elle se tient le bras, visiblement douloureux. C’est peut être à cause de cette blessure que la mère a laissé le volant à sa fille. À l’arrière, le gendarme peut également apercevoir le troisième passager, un garçon de sept ou huit ans qui doit être le fils de la passagère et le petit frère de la conductrice.


— Terminus tout le monde descend et me suit à la gendarmerie, déclare l’homme en uniforme.


Les deux femmes se regardent et semblent être dans un profond désarroi.


— Pas de chance maman, on se fait arrêter à moins de deux kilomètres de notre destination, dit la conductrice.


— C’est pas grave ma chérie, répond la mère. Tu peux être fière de toi et t’as été courageuse. Sans toi on serait encore entre les griffes de ton père.


— T’es la plus forte Marianne, renchérit le garçon à l’arrière.


Peu après, les trois occupants du véhicule se trouvent dans les locaux de la gendarmerie. Vu l’heure et le contexte sanitaire ceux ci sont presque déserts et le gendarme qui les a arrêtés commence à interroger la fille. Pour la mère, qui parait clairement être une femme battue, et le garçon, il préfère appeler sa collègue, la brigadière Tramont, qui, elle aussi, est de garde. De plus de trente ans sa cadette, la jeune femme sera moins impressionnante que lui pour le bambin. Quant à la mère, le soutien aux femmes battues est devenue la spécialité de la jeune gendarme.


— Nom prénom, date et lieu de naissance, lieu de résidence, demande l’adjudant à la jeune conductrice après l’avoir invitée à s’asseoir.


Marianne aimerait bien se vieillir de quelques années mais elle sait que le gendarme va avoir accès à sa carte d’identité qui prouvera son âge.


— Jonquier de Frissac Marianne, née à Lyon le 14 avril 2004, résidant à Rambunot, une petite ville à une trentaine de kilomètres à l’est de Lyon. Département du Rhône.


— Vous avez voulu faire une virée en voiture pour fêter vos 16 ans ? Il y a des attitudes plus responsables mademoiselle. C’est une chance que vous n’ayez eu aucun accident. D’autant plus que, pour venir ici, vous avez fait plus de 300 km sur l’autoroute


— Disons que ma soirée d’anniversaire a été assez mouvementée et que, pour l’équilibre émotionnel de mon petit frère et, surtout, la survie de ma mère il fallait partir au plus vite. Si j’étais au volant c’est parce que ma mère n’était pas en état de le prendre. Non seulement elle est choquée mais son bras est blessé.


— Et vous n’avez pas pensé à porter plainte près de chez vous ?


— Il fallait d’abord qu’on se mette à l’abris avant sinon on avait tous les risques de se retrouver à nouveau avec mon père et ça aurait pu être fatal pour ma mère. La destination de Lisognan nous a paru être la meilleure puisque mon père ne pouvait plus nous atteindre. Nous voulions rejoindre mon oncle, le frère ainé de ma mère. C’est le docteur Stanislas Pellegrin. Je suppose que vous le connaissez.


— Qui ne connait pas le docteur Pellegrin par ici. C’est l’une des principales figures locales et il a soigné absolument tout le monde. Je comprends maintenant pourquoi vous avez dit que je vous arrêtais à moins de deux kilomètres du but.


— Oui, c’était une sorte de miracle que nous n’ayons pas été arrêtés jusque là mais je me dis le miracle ne pouvait pas être éternel. Donc il fallait bien que nous nous croisions un policier ou un gendarme, surtout avec le confinement en cours. On a même prévu de quoi payer l’amende mais je suppose que, avec moi au volant elle risque d’être un peu plus salée.


— C’est le moins que vous puissiez dire. Conduite d’un mineur sans permis, en cas de récidive, c’est 15 000 € d’amende et même un an de prison. Vous aurez l’amende de 135 € pour non respect du confinement parce que l’état de votre mère prouve que la situation était urgente. Votre père est au courant que vous avez quitté le domicile ?


— Il l’est. Il m’a envoyé des SMS il y a environ une heure ainsi qu’à ma mère. Elle mes les a lus et je peux vous les faire lire à présent.


Le gendarme prend le portable tendu par l’adolescente et peut lire les deux messages inscrits.


À 4 h 15

Espèce de petite trainée, ta mère et toi avez intérêt à revenir tout de suite à la maison et ramener mon fils. Vous avez pas le droit de l’embrigader.


À 4 h 37

Ta mère et toi pensez peut être que vous avez gagné et que vous vous êtes débarrassées de moi, mais vous vous trompez. Je vous retrouverai et je me vengerai.


— Les messages sur le portable de ma mère sont nettement plus crus, continue Marianne. Elle s’y fait pénétrer dans toutes les positions imaginables par un amant imaginaire et il menace de lui refaire le portrait quand il la retrouvera. Devenue méconnaissable elle ne pourrait plus allumer tout le monde. Il voudrait que ma mère soit belle seulement pour lui.


— J’imagine le topo mais je vous promet ma collègue ne va pas le rater. Les hommes violents c’est sa grande spécialité. D’ailleurs je désapprouve l’insulte du premier message, ce n’est pas une façon de parler à sa grande fille.


— Hier soir, pour la première fois il m’a mis une paire de gifle violente. Pas une simple punition pour un enfant désobéissant, deux véritables coups. Tout ça parce que je prenais le parti de ma mère contre lui. J’aurais du le faire beaucoup plus tôt Il s’est ensuite déchainé sur elle encore plus violemment que d’habitude. Le résultat, vous l’avez vu sur son visage.


— Vous n’avez pas de voisins qui pourraient témoigner des violences ? Qui auraient vu quelque chose ?


— Je suis presque certaine que non malheureusement. Le voisin le plus proche de chez nous se trouve à plus de 300 mètres. Et, en public, mon père a toujours su se contenir. C’est avec nous qu’il n’était plus le même homme


— Ça arrive souvent dans ce genre de situations mais ne vous en faites pas mademoiselle, vous êtes en sécurité ici. Votre mère et votre petit frère aussi.


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64 commentaires

Alsid Kaluende

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Il y a 3 jours

Like de fin de concours 🙂

La Plume d'Ellen

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Il y a 17 jours

J'avais déjà suivi cette histoire et l'avais adorée. C'est pourquoi je reviens lire cette version avec grand plaisir. Je me suis permis d'annoter deux petites choses au début du chapitre mais sinon, tout est très bien. J'enchaine donc avec plaisir.

Gottesmann Pascal

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Il y a 17 jours

Merci beaucoup Ellen, heureux que mon histoire te plaise

Ava D.SKY

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Il y a 19 jours

Je trouve que le comportement de Marianne et sa manière de répondre avec maturité sont tout à fait réalistes. Dans une telle situation, on n'agit pas comme une adolescente évoluant dans un contexte familial serein, mais plutôt comme une adulte devant assumer des responsabilités qui ne correspondent pas à son âge. C'est triste, mais tu emmènes le lecteur dans le vif du sujet. C'est un début percutant. Bravo pour ça ;)

Gottesmann Pascal

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Il y a 19 jours

Merci beaucoup, heureux que mon début de plaise ainsi que mon héroïne. Effectivement, Marianne va devoir assumer "la charge de l'adulte" pendant cette histoire.

Paul Malem

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Il y a un mois

Salut frelot, j'ai lu ton début et le sujet est fort. Le problème c'est que je trouve que tu t'y attaque de manière superficielle, la gosse s'exprime comme un adulte de 40 ans, rien à redire sur le style particulièrement malgré quelques coquilles le truc c'est que je le trouve bien longuet, avec un manque cruel de panache. Je laisse un like pour la force

Gottesmann Pascal

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Il y a un mois

Oui. Je sais que le début gagnerait à être plus dynamique. Ça l'est par la suite. Quant à Marianne, elle est mûre pour son âge mais doit rester une ado

SOLANE

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Il y a un mois

Quelle tristesse, cette horrible situation !

Gottesmann Pascal

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Il y a un mois

Oui, les pauvres.

MAISIAM SEMES

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Il y a 2 mois

Un papounet exemplaire comme on les aime !
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