Fyctia

Helena

Bien que j'aime l'université, je passe mon temps à traîner des pieds pour me rendre aux cours. Durant tout le discours des professeurs dans l'amphithéâtre, je ne peux m'empêcher de griffonner sur mes pages. J'ai toujours détesté l'école, c'est une véracité. Je ne la déteste pas parce que je suis nulle, ou que je ne comprends pas ce qu'ils veulent nous enseigner, loin de là. Ce qui fait d’eux des repoussoirs, c’est que mon esprit connaît à l’avance tous les cours auxquels j’assiste. Je n'ai jamais mis un pied avec cette madame Blake, professeur des économies, pourtant, c'est comme si j'avais déjà tout appris de ses paroles.

Maxine ne cesse de me rabâcher que mon cerveau est bien trop développé et qu’être à l'université ne sert purement à rien. Elle n'a pas tort. Mes parents me l'ont déclaré eux aussi : pourquoi t’entêtes-tu à étudier alors, que tu es un génie ? Peut-être parce que ce n'est pas le cas. Je connais pas mal de choses, mais si demain on venait à me questionner sur la conception d'un appareil, je dirais que je n’en ai strictement aucune idée. Je ne suis pas macGyver, rien ne sert de me demander de fabriquer un truc de malade pour que ça arrive. Ce que j'étudie à l'instant même, ce sont des informations que j'ai pu voir à la télé ou à travers des documentaires. Pendant que certaines jouaient aux barbies de leur jeune âge, moi, j'étais scotchée derrière un écran pour m'instruire. Il est donc normal que je paraisse très intelligente aujourd'hui, toutefois, ça ne veut pas dire que j'ai la science infuse.

Lorsque Omar et Chad m’ont conduite à ma première fête, j'ai cessé de me bourrer le crâne d'autant d'apprentissages, pour les échanger avec de l'alcool. Bien que ça ait déplu à Trevor, Dori et Maxine, ils ont finalement accepté de me laisser me lâcher. Ils devaient se dire que c'était peut-être mieux de me voir ainsi, que de me découvrir comme casanière et perchée sur les émissions du docteur Bloirte. Un présentateur qui doit bien manquer aux jeunes ampoules qui sont de ma génération. Sans oublier que les fois où je sortais, certaines étaient pour tenir compagnie à mon ancien meilleur ami durant ses courses. Les autres étaient évidemment pour ma meilleure amie.

Je donnerai tant pour revenir à cette bonne époque.

— Tu m’écoutes quand je te parle ? me chuchote Maxine à mes côtés, d’une sonorité la plus élevée possible.

— Absolument pas, souris-je, gênée. Tu disais ?

Elle fronce ses sourcils, dans un mouvement rapide de la tête, pour dégager une mèche rousse de son visage.

— Que j’allais te pendre par les pieds depuis ton balcon, si tu osais encore une seule fois m’ignorer !

Je pouffe en catimini pour ne pas attirer l'attention de l'enseignante. Je penche mon corps vers elle afin de pouvoir échanger le plus discrètement possible.

— Si tu me répètes ce que tu as dit, je te promets qu’on mangera des mac and cheese ce midi.

Elle lève rapidement un sourcil tout en me jetant un regard en coin. Son émeraude me scrute en m'invitant à développer davantage. Avec cette petite rousse, il faut plus que mon plat préféré que j'adore cuisiner, afin qu'elle me pardonne.

— Et si tu veux, ce soir, tu pourras faire ton super camembert au four.

Il y a environ trois ans de cela, ma meilleure amie s'est payée un voyage dans une ville française appelée Pontarlier. De ce dont je me souviens, c'est un endroit qui se situe non loin de la frontière suisse et qui ressemble grandement à une campagne. Ce qui l'a immédiatement attiré, c'est ce côté très nature avec des paysages à couper le souffle. Alors que beaucoup de personnes vont visiter Paris, la seule ville française connue par pas mal d'étrangers, elle en revanche, privilégie les petites communes qui lui apportent plein de tranquillité et de plénitude pour son champ visuel. Maxine a l’intention de devenir une grande journaliste, de ce fait, elle adore parcourir les endroits les moins connus dont elle pourrait parler un jour dans son propre journal.

Durant son dernier moment de détente, elle a rencontré un groupe d'habitants qui devait avoir son âge. Ils l'ont invité à prendre l'apéro chez eux – chose qu’elle a acceptée sans se méfier – puis, grâce à eux, son palais a découvert le camembert au four. Ça en est son plat favori à présent et elle ne perd jamais un seul instant pour le faire déguster aux autres. Ses parents font en sorte de lui envoyer du fromage de cette région même. Parce que dans notre pays, ce petit péché mignon n'a rien d'exceptionnel comparé à eux.

— Très bien, capitule-t-elle. Mais tu me laisses le préparer à ma sauce, c'est clair ?

J'acquiesce dans un large sourire. Ça ne vaudra peut-être jamais mes mac and cheese, je ne peux pas nier non plus que j'adore ça quand même. Le fromage, c'est la vie.

Elle se redresse sans plus attendre sur sa chaise, puis me déclare :

— J'étais en train de te demander si Chad n'avait pas un second ami, pour le rencard ?

Je fronce les sourcils, n'étant pas sûre de sa requête exacte.

— On va bien aller à la rencontre de son pote avec qui il t'arrange un coup ?

Je hoche rapidement la tête.

— Eh bien, je souhaiterais qu'il en propose un autre pour moi. Un double rencard !

Je jette un rapide regard derrière nous pour être certaine qu'il n'y a personne, avant de reporter mon attention sur elle ; mais il n'y a qu'un mur blanc et la porte de sortie.

— C'est à cause de Dori que tu veux faire ça ?

— Je. Quoi ? Heu… Non. Bien sûr que non ! bégaye-t-elle un peu trop fort.

Nous baissons en simultané la tête vers nos fiches pour éviter que madame Blake ne nous remarque pas. Les autres élèves non loin de nous ne cessent de nous toiser de leur expression mauvaise. L'université n'a débuté que depuis quelques semaines et les voilà déjà à fond dans les cours. Il n'y a pas de quoi chipoter parce qu'ils ont loupé une information ou deux. Dans tous les cas, cette enseignante ne perd pas un seul instant pour faire parvenir un récapitulatif des énoncés par mail. Alors, il n'y a aucune raison de nous fusiller de la sorte.

— Je t'aime plus que tout, Maxine, chuchoté-je. Mais si tu pouvais arrêter de me mentir, je t'en serais éternellement reconnaissante.