Fyctia
Chapitre cinq 3/3
Helena
Les murs du tunnel défilent, le bout ne vient jamais. Il semble interminable. Je ne connais pas le circuit, j'ignore donc s'il y a plusieurs tours à réaliser, mais si c'est le cas, l'avons-nous tous franchi une seule fois ? Je n'ai pas vu de spectateurs, toutefois, si je me concentre assez bien, j'arrive à entendre au loin des cris. Je suppose par ailleurs que le plafond est ouvert comme un balcon pour qu'il soit accessible au public. Salvador Dali revient à la charge alors qu'il avait été devancé. Il se rapproche dangereusement, néanmoins, Trevor a le réflexe de s'écarter. Il feint à son tour une collision entre les deux véhicules et celui-ci exprime, ce qui me paraît être, de la peur au vu de ses traits tendus, ainsi que de son teint qui blêmit. Il effectue un coup de frein avant de tenter de rejoindre l'autre côté.
— Fait chier ce mec, crache Trevor.
— Je pensais que c'était toi le champion des courses, et que tu avais une intention de gagner ? Alors qu'est-ce que tu nous fais là ?
Il soupire.
— Je te signale que tu es avec moi, Helena, et que ce n'était pas du tout censé se passer comme ça. Je fais simplement attention.
— Eh bien dis donc, ris-je avec ironie. Pour m'abandonner à l'hôpital alors que je suis dans le coma, il n'y a pas de souci. Mais une fois que je suis dans ta voiture, monsieur se dégonfle ! C'est drôle quand même.
Je perçois les veines de ses avant-bras qui ressortent. Il crispe encore plus ses phalanges, tandis que sa respiration est saccadée. Je l'ai mis en colère. Cette fois-ci, il paraît totalement déconnecté, il ne fait plus attention à rien. Il accélère alors que je pousse un cri de surprise. Il esquive tout ce qui se trouve sur son chemin, devançant bien assez son adversaire, puis il prend les virages bien plus dangereusement que le premier. Ses sourcils sont froncés, son regard est sombre. Sa mâchoire, pourvue d’une fine moustache et d’un duvet sur le menton, se contracte. Même la veine qui parsème son cou décoré de tatouages qui forme des spirales similaires à son bras, et qui comporte aussi des symboles de la mythologie grecque, ressort beaucoup trop. Il oublie complètement que je suis avec lui, ce qui me pousse à regretter d'être monté à bord.
Alors que la tension s'accroît, que l'adrénaline se multiplie, et que la route se succède, je vois enfin la ligne d'arrivée. Il l'a franchie à une vitesse bien trop rapide, juste avant de freiner d'un coup sec. Je m'agrippe au cuir de son siège ainsi qu’à la poignée de la portière de plus belle, puis ferme les yeux jusqu'à ce que je ne me sente plus partir de force en avant. Je relâche toute cette terreur et laisse tout de même dévaler une larme au coin de mes cils afin d'extérioriser ce cauchemar qui est né dans le creux de ma poitrine. Seul le bruit de la foule parvient jusqu’à mes tympans.
À défaut de ne pas l'avoir fait perdre, je suis toujours vivante. On est vivant.
— Bien joué champion ! s’exclame la voix d’un homme.
J'ouvre les paupières pour découvrir un individu au crâne chauve. À travers une épaisse barbe foncée, il me sourit. Sa dentition qu'il accepte de me montrer est décorée de plusieurs dents ambrées se mêlant avec le reste. Les paumes posées sur la portière depuis laquelle la fenêtre est abaissée, il me toise.
— Tiens, une magnifique, heu… blondibrune ?
Tout le monde me considère comme blonde, malgré les racines naturelles qui se transforment en brun. Je suis née avec une spécificité qui fait que tout le reste de mes cheveux est un mélange de blond doré à du polaire. Personne ne me fait jamais la réflexion, ou du moins, jusqu'à ce soir.
— Eh bien alors, ma jolie ? On a perdu sa langue, en plus de mouiller sa culotte ? se raille-t-il.
Je t’emmerde.
J'ignore pour qui est-ce qu’il se prend, mais s'il pense néanmoins que je me laisserai faire, il a tort. Si Prieto n’a pas été capable de me faire rebrousser chemin, ce n'est pas monsieur propre qui y arrivera. Alors que je m'apprête à répliquer, Trevor expire lourdement en contractant à nouveau ses poings.
— Mon prix, exige-t-il d’une voix plus grave que d’habitude.
Le malpoli lui tend son enveloppe avec un large rictus qui donne l'impression qu'il grimace.
— On se retrouve à la prochaine course, mon champion ?
À présent, il se détend enfin. Le visage illuminé, Trevor détourne son attention de la route pour la poser vers son collègue.
— Je ne voyais pas les choses différemment, gringo.
Monsieur propre se redresse et tapote le haut de la voiture pour lui signaler qu'il peut partir. J'observe depuis le rétroviseur, les autres participants franchirent cette ligne d'arrivée. Ils sont moins nombreux qu’au départ, mais j'ose espérer tout de même que personne n'a été blessé durant cette course.
* * *
Par chance, lorsque nous arrivons, un passage est déblayé pour nous faciliter l'entrée dans le garage de la maison. La musique bat son plein. Certaines personnes se mettent déjà à vomir sur la pelouse à l'avant, tandis que les basses font vibrer les murs. Il actionne le frein à main sans bouger de son siège. Je prends un instant pour observer ce visage qui paraît perdu à l’autre bout du monde, dans un lointain univers. Il est totalement déconnecté et il se bat avec des pensées que je n'arrive pas à déchiffrer, bien qu'il me soit simple de lire en lui. À ce moment même, je suis face à un mur. J'ai envie de lui hurler dessus, de l'insulter, de lui demander la raison qui l'a poussé à m'abandonner comme si je ne valais rien à ses yeux. J'ai aussi besoin de le secouer, qu'il reprenne ses esprits, qu'il me donne des explications. Parce que je les mérite bien assez, surtout après toute l'amitié que je lui ai offerte durant toutes ces années. J'ai toujours été là pour lui, je l'ai constamment soutenu sans jamais baisser les bras ; même à l’époque où les moments étaient durs. J'ai passé mon temps à le couvrir devant sa famille, lorsqu'ils avaient tous des doutes sur ses courses illégales. Il ne valait pas ma gentillesse. Je devrais être ignorante de sa personne, toutefois, je n'y arrive pas. J'ai envie de me venger avec le peu de manière que je puisse me permettre, car, je ne suis pas quelqu'un de méchante. Je n'ai rien d'une connasse.
Il finit enfin par bouger en replaçant sa capuche, ce qui m'extirpe de mes pensées, puis il ouvre la portière. Trevor est prêt à fuir loin d’ici, loin de ses responsabilités qui lui évitent de rendre des comptes qu’il me doit d’une certaine manière.
— Trevor, attends !
Il continue de me montrer son dos et ne détourne pas un seul instant son attention de la porte qui mène dans la cuisine.
— Tu as empoché ta course, mais j'ai gagné une bataille en te mettant des bâtons dans les roues. Je peux te jurer une chose, Trevor Prieto, j'ai bien l'intention d'être là à chacune d'elles. Et ce, jusqu'au jour où tu deviendras un perdant.
Il se lève de son siège en expirant lourdement.
— Si t'as salopé mon siège, t'as intérêt à nettoyer.
Puis, il s'éloigne.
Helena 1. Trevor 1.
8 commentaires
Chloé Hazel
-
Il y a 3 mois
Pjustine
-
Il y a 4 mois
Amara Kline
-
Il y a 4 mois
Amara Kline
-
Il y a 4 mois
Samantha Beltrami
-
Il y a 4 mois