Fyctia
Chapitre quatre 3/3
Trevor
— Bonjour et bienvenue pour la course d'Austin. Les règles sont simples, si vous êtes conducteur, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi, commence-t-il à narrer comme un robot depuis sa chaise en métal. Vous avez le droit de prendre un raccourci, faire des queues de poisson, mais vous n'avez aucun droit de toucher la voiture des autres participants. Si vous êtes dans le public, on vous demande de rester derrière la ligne de sécurité et de seulement gueuler pour encourager les compétiteurs. Je ne vous détaille pas les règles pour les copilotes, étant donné que vous êtes un homme et que de ce fait, vous n'y aviez pas le droit. Maintenant, ma question est simple : chauffeur ou public ?
Ce rouquin enchaîne ses paroles avec un grand manque d'enthousiasme, c'est décevant.
— Chauffard, dis-je en lui déposant un billet de cent dollars sur sa table en plastique.
Il soupire.
— Très bien, voici votre numéro.
Il fait glisser un papier vers moi.
— Merci de vous placer sur la zone lorsqu'on vous en informera.
Je m'en saisis et m'empresse de faire demi-tour. Bien que je puisse comprendre l'ennui qu'il ressent lorsqu'on lui exige de répéter encore et encore les mêmes règles, il pourrait toutefois réaliser l'effort de lâcher un petit sourire. Ça ne lui ferait pas de mal. Après tout, c’est avec notre aide qu'ils empochent un gros butin, bien que le Grand Prix que nous décrochions est assez chiffré. Le coût d’entrée est trop élevé pour qu’ils ne puissent pas vivre décemment après. Qu'ils se sentent redevables de gagner du pognon grâce aux personnes présentes.
La plupart des véhicules que je croise sont tunés de façon bien trop exagérée. Avoir une voiture aussi classe qu'une femme qui confond un pot de peinture avec de l'art, ne suffit en rien sur la conduite. C'est comme acheter le plus beau skin dans la boutique d'un jeu vidéo et d'être une brèle sur son shoot. L'habit ne fait pas le moine.
Je croise le chemin de Mitch, l'un des gars qui arrive exprès du Canada pour compétitionner et qui retourne toujours chez lui avec une défaite. Mais je pense néanmoins qu'ils participent seulement pour l'ambiance et les femmes, parce que même les loosers concluent à la fin.
Ulrich, un Norvégien qui réside une fois par an au Texas, pour être présent durant la course, est également là. Bien qu'il ait manqué de gagner à plusieurs reprises, il termine constamment troisième, pour son plus grand malheur. Cependant, comme Mitch, tant qu'il peut finir avec une petite Américaine, cela ne le dérange pas. Il vient d'une famille bien assez friquée pour se permettre de claquer, je ne sais combien dans le transport de sa voiture et l'avion, en plus de donner cent dollars à l’un des organisateurs.
Je n'ai jamais eu d'ennemi là-dedans. Tout le monde tente d'être fair-play et l’on se félicite tout de même ; même les perdants reçoivent les bravos des gagnants. C'est ainsi que l'on passe de très bons moments. Alors oui, il y a des traîtres qui finissent par balancer notre plaisir illégal, mais la majeure partie du temps, ce sont des nouveaux qui pensent qu'il suffit de savoir piloter dans leur campagne pour être parfait sur les circuits. Ça ne marche toutefois pas comme ça, ce serait beaucoup trop simple sinon.
— Hé champion ! s’écrit la voix d’un homme.
Je me retourne et découvre l'un des responsables de l'événement qui se précipite dans ma direction. La tête fraîchement rasée comme toujours, il me lance un fin sourire à travers sa longue barbe.
— Alors, t'es prêt à les mettre à l’amende ?
Je ris.
— Comme toujours, gringo.
J'ai croisé cet homme au tout début de mes venues, puis à force de se saluer par politesse, on a fini par sympathiser. Bien sûr, notre relation ne dépasse jamais la frontière entre la course et la vie personnelle. On ne connaît que notre âge, et en ce qui concerne nos prénoms, on s'abstient de se le donner. Si jamais une arrestation devait se produire, et qu'ils nous torturaient, aucun de nous ne pourrait se balancer. Il a donc décidé de me baptiser champion parce que j'en suis un jusqu'à présent, tandis que gringo est l'appellation que l'on utilise au Mexique pour une personne blanche d’Amérique. C'est exactement ce qu'il est.
— Je suis content qu'il y ait pas mal de public aujourd'hui, ajouté-je.
Il expire de soulagement en balayant l'horizon.
— Tu sais qu'il y a un nouveau participant ?
— Ah ? J'espère qu'il n'ira pas nous balancer quand il perdra.
Cette fois-ci, c'est lui qui rit.
— Je n’en ai aucune idée, mais il a déjà participé à d'autres courses. Certaines ont été gagnées, d'autres non.
D'un signe de tête, il me désigne une voiture parmi la foule. Il est vrai que je ne l'avais pas vu, comparé aux divers participants qui se placent beaucoup en avant. Ses vitres presque teintées le cachent assez pour que je ne puisse pas distinguer les traits de son visage. Ils semblent attendre le départ sans se soucier du reste.
— En tout cas, j'ai mis une grosse somme sur toi, champion ! Alors merci de ne pas me décevoir.
J'étire un sourire en coin.
Une voix résonne dans les haut-parleurs placés au plafond. Elle indique qu'il va être l'heure pour nos pilotes de se positionner sur la ligne d’arrivée. Nos copilotes doivent nous rejoindre une fois parés. Pour ma part, je sais seulement qu'elle s'appelle Bridget et qu'elle doit avoir environ mon âge ; ou peut-être plus. Jette un coup d'œil sur mon ticket et je me rends compte que je suis le numéro trois. Je ne perds pas de temps pour rejoindre mon véhicule qui poireaute patiemment. Je démarre, puis lorsque mon chiffre est annoncé, j'avance. Je n'ai jamais été aussi excité qu'aujourd'hui. La dernière fois que ça s’est produit, je venais de remporter ma première victoire. Je n'oublierai jamais la fierté d’Helena qui se dévoilait dans ses yeux.
Putain.
J'ai attendu durant tout l'été que ce jour arrive. J'ai besoin de la remporter pour pouvoir célébrer ça dignement pour la première fête que les Alpha Delta Psi organisent à la maison. Une soirée réussie et un Grand Prix de gagner, qu'est-ce que je pourrais demander de mieux ?
De mon rétroviseur, je vois les autres se stationner, tandis que les demoiselles prennent place à leur côté. Tout à coup, ma portière du côté passager s’ouvre. La personne prend position et au moment où je tourne la tête pour croiser son regard, je tombe sur deux iris grisés. Une vague glaciale s'échoue soudainement contre ma colonne vertébrale.
— Helena ?
5 commentaires
Chloé Hazel
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Il y a 3 mois
Lexa Kane
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Il y a 4 mois