Fyctia

Trevor

L'alarme qui se déclenche, d'un son strident que je n'aime toujours pas, me stipule qu'il est l'heure que je déguerpisse d'ici. Les invités ne vont pas tarder à se pointer et il est hors de question que je reste dans les parages quand ça se produira.

La prochaine course est prévue dans des tunnels secrets d’Austin. Peu de personnes ont vent de l’indication sur leur existence et ce n’est pas plus mal. C’est ainsi que les organisateurs arrivent à mettre en place le circuit, bien que des raccourcis soient tous aussi permis. Je connais les lieux comme ma poche. L’année dernière, j’ai participé à toutes celles programmées et je n’en ai perdu aucune. Malheureusement, suite à des vaincus qui n’ont pas apprécié la défaite, les flics ont été informés de ce plaisir illégal avec lequel nous aimons jouer. Beaucoup ont été arrêtés durant la descente. Heureusement pour moi, j’avais déjà filé pour rejoindre mon plan cul.

Nous sommes donc passés de dix courses, à juste trois par an. Ce n’est pas grand-chose, sachant que la récompense finale est de cinq mille dollars, ce qui totalise quinze mille au bout du compte. Je suis également présent à celles au Mexique quand j’y séjourne pour la fête traditionnelle ; novembre ne m’échappera pas. Le prix est plus élevé et je compte beaucoup sur celle-ci. Bien que celle d’Austin soit largement suffisante, je ne dois pas oublier que mon véhicule mérite un entretien digne d’un roi. Il doit être en parfait état pour parvenir à temps devant la ligne d’arrivée. L’endroit est gardé secret jusqu’à la dernière heure pour éviter que la police ne soit tenue au courant pour nous retrouver. Les personnes derrière tout ça se sont assurées que chaque pilote soit tracé via le dark web pour être certain qu’il n’y ait aucune taupe. Même nos copilotes et public ne sont pas épargnés. Tout est passé au crible fin.

Si je venais à me faire coincer, je pourrais dire adieu à mon université. Mes parents seraient contraints de rembourser une grosse somme pour me sortir de là. Ils ont largement de quoi faire, mais cela leur foutrait un trou bien trop important dans leur compte. Bonne chance à moi pour dégoter un travail après un tel merdier. Ce serait inconcevable. Le prix de la course me sert à payer une partie du loyer de la maison, ma scolarité et tout ce qui va avec. Je garde le surplus de l'argent que mes parents m'envoient eux-mêmes – pensant m’aider avec mes études – pour les dépenser dans celles de Dori. Parce que je sais que, lorsqu'il obtiendra sa fameuse bourse de fin d'année, qui le projettera dans l'espoir de devenir une star de la NBA, il n'hésitera pas une seule seconde à les rembourser. Le restant est maintenu sur un compte secret en cas d'urgence nécessaire pour eux, ou si abuela en a besoin pour payer les frais médicaux d’abuelo. Lui qui est très malade en ce moment, je dois également veiller sur lui, même à distance. En tout cas, si mes parents apprenaient cela, je ne donnerais pas cher de ma peau.

Je boucle le bouton de mon jean, enfile mon t-shirt gris à manches courtes, mes baskets de la même teinte, puis je jette un rapide coup d'œil dans le miroir mural qui est décoré de diverses photos du groupe et de la fraternité. Je recoiffe ma tignasse assez foncée en dégageant quelques mèches rebelles qui dévalent mon front, pour les replacer vers le dos. Je rejoins ensuite le rez-de-chaussée déjà meublé de canapés supplémentaires. Il en faut bien assez pour accueillir tout le monde, même si ça m'est égal que certains gardent leur cul debout.

Mes pas me guident vers l'arrière de la maison depuis laquelle les gars s'affairent à la dernière touche de préparation. Depuis la terrasse, j'observe Chad et Omar installer le fût de bière sur la pelouse à côté de la piscine. D'autres membres de la fraternité se pressent à disposer plusieurs transats près du cabanon, au fond à droite. Je ne donne pas plus de deux heures pour qu'un couple se chauffe dessus. C'est bien la première fois que je rate la première soirée de l'année. J'en suis l'organisateur et pourtant, j'ai d’autres priorités ; mais ce n'est que partie remise. Et puis j'ai l'intention de revenir assez tard, alors d'une certaine manière, je serai présent ; même à moitié.

Plusieurs spots d’éclairage sont disposés sur l'herbe ainsi que sur la terrasse afin de projeter des couleurs lumineuses et chaudes durant la soirée. La piscine est remplie d'une multitude de bouées et d'un filet pour que nos invités puissent jouer au volley-ball. Sur ma gauche, une dizaine de fauteuils ainsi qu'une table de poker, mais également un baby-foot, sont placés. À l'opposé, un bouffemoila a été monté pour les plus téméraires d'entre eux. Le jeu est simple : nous installons une personne sur le dos, les gorgeons d'alcool fort, puis nous la traînons jusqu'à l'autre bout où une paire de seins d’une des adhérentes des Theta Zeta Mu attendra. Il aura droit à un bisou magique sur l'un des tétons qu'il désirera. Chaque membre qui passe cette épreuve, fini d'entrer bourré. D'autres qui tiennent bien assez l’ivresse, mais dans une limite raisonnable, réitèrent la manœuvre deux ou trois fois derrière. Après ça, on est calmé.

— Tu peux y aller les yeux fermés, déclare Dori, depuis le seuil de la baie vitrée. Helena a confirmé sa présence pour la fête.

— Tu lui as demandé ?

Il secoue la tête.

— C’est Maxine qui s’en est occupée. Elle m’a certifié, encore hier, qu’elle serait là et puis, dans tous les cas, si elle apprenait l’existence de cette course, ça ne serait pas de ma faute.

Si elle a vent de cette course, elle me coupe la tête.