Fyctia
Chapitre deux 1/3
Helena
Mon téléphone sonne pour la énième fois, depuis la pièce principale. Assise sur la chaise de mon petit balcon, j’observe cette buse à queue rousse qui survole le ciel avec une telle liberté. Parfois, j’aimerais me trouver à sa place pour contempler le monde d’en haut. La seule chose dont je me soucierais, c'est de la proie que je mangerais pour mon festin.
Depuis que j’ai quitté la maison, après une bonne année de réadaptation, j’ai l’impression d’expérimenter une nouvelle vie. Pendant mes premières nuits le mois dernier, je suis partie dans d’importantes crises d’angoisse qui m'ont valu un séjour à l’hôpital, car Maxine n’a pas réussi à débarquer à temps. Elle réside juste de l’autre côté de mon palier et c’est une chose qui n’était pas optionnelle au moment de mon aménagement. Même si je ne me souviens absolument pas de l’accident, je me rappelle très bien des longues semaines de combat pour que je puisse remarcher à nouveau. J’ai eu une chance de cocu lorsque je m’en suis sortie. Les médecins n’ont cessé de clamer que je ne me réveillerai jamais, mais je l’ai fait. Je suis revenue de loin avec la volonté de vivre. La surprotection de mes parents m’a étouffée au quotidien. Bien que j’aie eu le choix entre prendre le train matin et soir, ou opter pour mon indépendance, je refuse d’assumer ce fardeau à l’âge de vingt-deux ans.
La sonnerie de mon portable émet à nouveau, sauf que cette fois-ci, l’appel s'enchaîne. Je me force alors à quitter mon transat pour me diriger vers le salon qui fait également office de chambre ; toutefois séparée par un morceau de cloison. Je me saisis de l’appareil sur la table basse et découvre que c’est Bianca qui tente de me rejoindre en visio. Je décroche donc, convaincue qu’elle n’abandonnera pas.
— Hé bah dis donc ! s’emporte-t-elle. J’ai cru que tu étais morte paupiette. Plus jamais ! C’est clair ?
Je soupire en prenant place sur l’une des chaises qui entoure ma petite table ronde sur la gauche.
— Je prenais un bain de soleil, Bianca. Mon teint en a grandement besoin.
— Peu importe, réplique-t-elle en balayant mes paroles de la main. Comment sens-tu ta première journée à l’université ?
Étendue sur le canapé, elle se redresse pour s'asseoir, ce qui produit un bruit de froissement assez désagréable.
— Je pense que ça devrait aller, souris-je. J’ai pris un nouveau cours de science pour occuper mes après-midi, et j’ai hâte de retrouver les gars. Enfin… sauf un en particulier.
Elle rit si fort, que ses dents du bonheur apparaissent. Elle replace ses longues bouclettes noires dans une pince, avant de reprendre la parole.
— Franchement, je ne peux te souhaiter que du courage et surtout, tu as juste à dégainer ton téléphone pour que je vienne à ta rescousse.
— Du courage… je vais en avoir bien besoin avec ton cousin.
Elle tourne un instant le regard par-dessus la caméra avant de revenir vers moi.
— S’il te fait chier, je débarque avec abuela qui se fera un malin plaisir à lui tirer les oreilles. OK ?
Je ne peux m’empêcher de me marrer devant ce petit bout de femme qui se trouve bien trop loin de moi. Bianca n’a jamais quitté le Mexique, et bien qu’elle rêve d’expérimenter le rêve new-yorkais, elle se doit de s’occuper de sa famille, mais notamment d’économiser. Malgré tous les CV qu’elle envoie dans d’importantes entreprises, personne ne veut d’elle ; alors qu’elle est bien trop intelligente. Je la connais depuis que je suis gosse. J'ai grandi en vivant mes vacances à ses côtés, car mes parents sont amis avec ceux de Trevor, et de ce fait, nous étions constamment invités à bronzer à Saltillo, dans l'État de Coahuila. Je ne compte plus le nombre d’étés où nous avons réalisé des duels de culture générale pour déterminer qui possédait le plus gros cerveau avec elle.
Spoiler alerte, c'est moi.
Je ramène mes jambes près de ma poitrine, les pieds calés sur l’assise, puis déclare :
— Tu te rends compte que t’es toujours là pour moi, alors qu’on vit à des kilomètres l’une de l’autre ?
— C’est normal, Helena. Tu sais que je…
La notification d’un message apparaît, et mon attention divague pour ne pas changer. Je me penche pour lire ce qu’il en est et découvre que Maxine exige ma présence dans le hall d’ici cinq minutes chrono.
— … Puis forcément, tu n’as rien écouté, mais je t’aime quand même.
— Merde, Bianca… Je suis tellement navrée.
Je me redresse et attable mes coudes.
— C’est juste que ma meilleure amie m’attend pour y aller.
Elle me sourit en quittant son canapé.
— Ne t’en fais pas, réplique-t-elle, en se déplaçant dans la maison. Abuelo me réclame pour que je le dépose à sa partie de domino chez Juan.
— Juan ?
Elle secoue la tête en détournant le téléphone.
— Holà chica ! s’exclame sa grand-mère dans une mine recouverte de farine.
Je la salue en retour d’un signe de main.
— Bon, tiens-moi au courant des avancées, paupiette. Je t’adore.
Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’elle raccroche déjà. Cette fille n’est pas croyable. Je me dépêche d’enfiler la première paire de tennis qui me tombe sous la main, choppe mon sac bandoulière en faux cuir, mes clés, puis quitte mon appartement. Au même moment, ma jolie rousse débarque dans le couloir.
— Pile à l’heure, Max, m’amusé-je en attachant ma chevelure en chignon.
— Ouep. Tu es passée à peu d’une remontrance.
D’un signe de main, elle m’invite à descendre la première. Je la remercie dans une révérence et dévale les marches.
4 commentaires
Chloé Hazel
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Il y a 3 mois
Amelie.indecise
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Il y a 4 mois
Lexa Kane
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Il y a 4 mois
Ashley_Parker
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Il y a 4 mois