Fyctia

Helena

Sur le trajet qui relie nos appartements, payés par nos parents, et l’université, nous parlons un peu des sorties que nous pourrons réaliser à Austin. Moi qui suis une ancienne fêtarde, je me retrouve à réapprendre à vivre. Maxine est ma meilleure amie depuis toute mon existence. Nos pères sont collègues depuis leur enfance, de ce fait, ils n’ont pas hésité à nous lier d’amitié. Elle a été d’un grand soutien, alors que Trevor m’abandonnait sans motif dans mon combat. Elle a séché bon nombre de mes larmes lorsqu’il a rejeté mes appels et n’ouvrait jamais mes messages. Elle a toujours ignoré la raison et bien qu’elle le croisait à l’université, il refusait de répondre à quiconque sur ses agissements. Je ne remercierai jamais assez Max de m’avoir aidé à garder la tête hors de l’eau, même quand je baissais les bras sur ma capacité à remarcher. Elle est ma fichue étoile en plein jour.

Le trajet ne dépasse pas le quart d’heure. Mon amie possède une voiture et quand bien même, je lui informe de mon envie de monter à bord, elle conteste. Maxine est persuadée que j’ai créé en moi un traumatisme suite à l’accident, alors que je n’en conserve aucun souvenir. Après tout, c’est une bonne chose, cela m’évite de me priver d’un transport rapide. Elle aura beau me faire croire qu’elle aime marcher, je la connais parfaitement pour détecter le moindre mensonge qui s’extirpe de ses lèvres fines. Son haussement de sourcil droit me le confirme à chaque fois.

Ma crise d’angoisse n’était en rien un facteur de mon passé.

Arrivées dans le hall de l’établissement, je m'imprègne à nouveau de la décoration. Le plafond vitré laisse entrer le soleil qui éclaire la superficie d’un blanc de neige. Plusieurs escaliers ouverts mènent aux différents étages. C’est comme y mettre un pied pour la première fois, tandis que j’y ai déjà passé deux années, bien que la troisième ait dû se contenter de mon absence. Plusieurs élèves me lancent des regards un peu trop surpris. Ils paraissent tous avoir vu un fantôme alors que je n’ai pas été déclarée morte une seule fois. De plus, l’accident s’est déroulé loin d’ici.

— Est-ce que tu peux m’accompagner à la salle de science afin que je dépose mon dossier d’inscription.

— Mais qu’est-ce que tu me racontes toi ?! clame-t-elle un brin trop fort. T’es une putain d’intello, meuf. On pourrait carrément te donner les examens, que tu les réussirais haut la main. Je ne sais même pas pourquoi tu t’embêtes à venir en cours.

Je peine à retenir ce rire qui s’extrait de ma gorge.

— N’importe quoi, répliqué-je en lui flanquant un coup de coude. J’aime juste pouvoir me surpasser.

Bien qu’elle râle quelques secondes, elle capitule comme à chaque fois.

Lorsque nous arrivons enfin dans la salle située à l’étage, nous sommes accueillies par des centaines de gadgets fabriqués par les anciens élèves qui participent au cours pour une quatrième année consécutive. Deux immenses robots, à l'allure humaine, patientent dans les recoins de la pièce. Une majeure partie des membres sont déjà sur place et bavardent entre eux. J'aperçois en face de l'entrée celle qui me paraît être la cheffe. D'un pas décidé, je me dirige droit vers elle. Vêtue d'une blouse pastel, elle ne semble pas ressentir ma présence. Ce n'est qu’au moment de me racler la gorge qu'elle finit par relever la tête, tout en manquant de faire tomber le crayon qui tient ses cheveux dans un chignon négligé. Elle décale une petite mèche brune qui lui barre la route puis m'offre son plus beau sourire.

— Bonjour, je suis la nouvelle élève. Enfin… plutôt membre. Mon adhésion a été confirmée avant cet été, du coup, je viens vous donner mon papier d'inscription.

J'ouvre mon sac et en extirpe le fameux dossier que je lui tends. Elle s'en saisit, le parcourt un instant de ses yeux noisette avant que ses sourcils ne se froncent. Son attention se reporte à nouveau sur moi, puis elle me répond :

— Pardonne-moi, mais ton inscription a été annulée, il y a un peu plus d'un mois.

— Comment ça, annulée ?

Maxine pouffe sans indiscrétion sur ma gauche. Je la regarde fixement parce que ce qu’elle m'annonce n’est pas drôle du tout. Je me suis démenée dans le but de reprendre les cours et de faire partie de cette expérience.

— C'est ton frère qui s'en est occupé.

— Quel frère ?! m’étonné-je un peu trop fort. Aux dernières nouvelles, je n'ai aucun frère.

Celle qui se tient devant moi commence à bégayer. Elle tente de trouver les mots adéquats à la situation, mais peine à s'en sortir. Se comprenant dans une impasse, elle interpelle un garçon affalé dans un siège. Il relève subitement la tête de sa tablette, replace sa monture ronde sur le bout de son nez, et attend que son interlocutrice lui déclare sa demande.

— Tu pourrais me dire comment s'appelle le frère d’Helena, tu sais, celui qui est venu annuler l'inscription ?

Ce petit blondinet au visage parsemé de taches de rousseur, similaires aux miens, lève les yeux vers le plafond dans le but de réfléchir ; du moins c'est ce que je suppose.

— Trevor.

Ne pouvant pas se contenir, ma meilleure amie repart de plus belle dans son fou rire.

— Alors là ! C'est clairement lunaire ce truc.

Quelque chose m'échappe. Comment peut-on me trouver un lien de parenté avec Trevor ? Les gens sont bien au courant de l'accident, mais ignorent totalement la relation que j'ai avec lui ? Ce n'est donc pas normal. Ce n'est pas comme si nous étions des inconnus pendant tous les trimestres durant lesquelles nous avons traîné ensemble. Je ne me considère pas comme quelqu'un de populaire, mais Trevor l’est. Les étudiants sont très loquaces, il est donc inconcevable que personne n’ait mentionné l'amitié que j'avais avec lui. Et comment a-t-il pu savoir que je m'inscrivais à ce cours ? Je n'en ai jamais parlé à personne, si ce n'est mes parents, Bianca, ou bien…

— Bordel, Maxine ! Ne me dis pas que tu l'as dit à Dori ?