Alice5474! Au Bord du Vide Chapitre 22

Chapitre 22

23 aout 2026, Ile des canaries, Lanzarote, 12h23


Le calme. La plage, étendue de sable noir, l'eau bleue turquoise s'étendant à l'infini. Tout cela se déroulait devant mes yeux bruns, presque irréels, comme une scène figée. Il y avait quelque chose de presque surnaturel dans cet endroit, quelque chose qui m'envahissait dès les premières minutes après avoir quitté l'aéroport. J'avais ressenti un coup de cœur instantané pour cette île, comme si elle me retenait, me murmurait qu’ici, le temps n’avait pas de prise.


Deux semaines. Deux semaines loin de tout. Loin des mois étouffants, loin de cette vie frénétique où chaque instant semblait une course contre la montre. Avec ma famille, c’était la promesse d’une évasion, d’une paix fragile, presque naïve. J’aurais voulu que l’avion ne redécolle jamais, que ce séjour dure encore des semaines, des mois. Que le monde extérieur disparaisse. Mais alors, l’image d’Isaac s’imposa dans mon esprit. Il était là, toujours là, comme une ombre constante dans ma réalité. Le matin, ses messages vocaux s’infiltraient dans le calme de la matinée. L’après-midi, il était présent, son studio, son univers, qui semblait me suivre partout. Et le soir, nos rendez-vous, presque trop parfaits, comme une lueur dans l’obscurité de mon quotidien. Il m'avait envoûtée, et je m'étais laissée emporter par sa voix, son rire, cette sensation d’être enfin à ma place.


Mais quelque chose clochait. Un malaise sourd, indéfinissable, qui persistait dans les recoins de mon esprit. Il était là, Isaac, mais je sentais aussi une présence invisible, un poids que je n’arrivais pas à identifier. Il occupait tout l’espace, dans ma vie, dans ma tête, autour de mes amis d’enfance quand je rentrais en Lorraine, auprès de ma famille, qui l’avait adopté si facilement, ma mère surtout, qui l'appréciait tellement.


Pourtant, au fond, quelque chose me dérangeait. Une intuition sourde, un pressentiment qui, comme une ombre, se glissait dans chaque moment, m’effleurait et disparaissait. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander… qu’est-ce qui m'échappait ? Est-ce que tout cela était aussi parfait qu'il n'y paraissait ? Ou étais-je en train de m’égarer, happée dans une toile qu’il avait tissée autour de moi sans que je m’en aperçoive ?


Isaac : "L'île est belle ? Envoie-moi une photo !"


Je laisse mes yeux glisser sur son message, un frisson imperceptible me traversant. Il était là, dans mon téléphone, sa voix muette mais omniprésente. Je relève la tête, fixant l’horizon, l’immensité de cette mer bleue qui semble engloutir toute idée de retour, de réalité. La plage étend son sable noir sous le soleil, presque irréel. C’est ce que je lui montre, ce qu’il voulait voir. Je prends une photo, la nature figée dans l’objectif, puis je lui envoie, la sensation de m’ancrer dans ce moment d’évasion, loin de tout.


Isaac : "Profite bien, même si tu me manques au studio !"

Moi : "Tu l’avoues ? Whaou, c’est que vraiment, tu es sincère... Et tu vas faire quoi pour cette semaine ?"


Je souris à ma propre réponse. C’est stupide, un petit jeu, une conversation banale entre nous. Mais derrière mes mots, une curiosité mordante.

Isaac : "Sortir, me défouler !"

Moi: Super!


Je décide de couper mon portable avant de voir sa réponse, comme si, d’un simple geste, je pouvais couper les fils invisibles qui me relient à lui.


01 septembre 2026, Appartement d'Alex, 22h30


Je viens tout juste d'ouvrir la porte de mon appartement après un périple aérien interminable. La tempête qui a bloqué l’avion pendant cinq jours m'a laissée piégée sur cette île. Cinq jours de plus, cinq jours que je n’avais pas prévus, mais qui m’ont permis de m’éloigner encore un peu plus de tout.

Mais en entrant, une sensation étrange me prend. Un malaise. Comme si le temps s’était figé et qu’il me fallait m’adapter à ce retour, à cette réalité qui m’engloutit à chaque seconde. La porte se referme derrière moi avec un claquement sourd, presque anormal. J’ouvre les fenêtres, l’air frais me frappe le visage, nettoyant ma tête de tout ce qui a pu se passer. Un peu de calme, un peu de fraîcheur. Mais en levant les yeux, je vois un corbeau, immobile, ses yeux noirs rivés sur moi, accroché à la barrière du balcon. Un frisson glacé parcourt ma colonne vertébrale.

Je sursaute. Ce n’est qu’un corbeau. Mais il me fixe, d’une manière trop insistante, presque menaçante. "Tu te fais des frayeurs, Alex", je ris pour dissiper l’angoisse, mais la vérité est que ce n’est pas qu’un corbeau.

Je détourne les yeux et continue à ranger mes affaires, mais l'inconfort ne me quitte pas. Je me dirige vers ma chambre, la silhouette de mon appartement se dessine comme un écho. Mais quelque chose a changé. Une sensation ténue, imperceptible, mais présente. Je m’arrête, le cœur battant. Le bruit de mes pas résonne dans le silence. Rien.


Je me dirige vers la salle de bain, une étrange sensation d'urgence me guidant. Peut-être que c’est juste la fatigue, ou peut-être cette angoisse persistante qui me colle à la peau, mais dès que j'ouvre la porte, mes yeux se fixent sur un détail qui me glace le sang.


Une rose. Elle est accrochée à la glace, parfaitement placée, comme si elle attendait que je la voie. Je m'arrête net, le cœur battant. Je ne l’ai pas posée là. Je n'ai jamais posé de rose dans cette salle de bain. Elle aurait dû être fanée depuis longtemps si c’était la mienne. Mais non. Elle est fraîche. Trop fraîche. Chaque pétale semble vivant, presque menaçant.


Je me rapproche lentement, comme si m'approcher de cette rose pouvait changer quelque chose, trouver une explication, un indice qui me rassure. Mais il n'y a rien. Juste cette rose, figée dans son immobilité inquiétante.


Je balaie la pièce du regard, chaque coin, chaque recoin. Rien. Pas de traces de quelqu’un d’autre, aucune marque de passage. Pourtant, l'évidence me frappe. Quelqu’un est entré ici, dans mon appartement, pendant que je n'étais pas là.

Je tente de rationaliser, de me dire que je suis simplement fatiguée, que je cherche des raisons là où il n’y en a pas. Mais un malaise persiste, un nœud dans ma gorge. Je secoue la tête, me forçant à oublier cette pensée.


Mais alors, comme pour me ramener à la réalité de manière brutale, mon portable vibre sur le comptoir. Je prends le téléphone en vitesse, mes mains tremblantes. Une alerte info. Je l'ouvre sans vraiment y penser.


“Une autre femme retrouvée morte. Le tueur est toujours en fuite.”


Mon cœur s'arrête. L'information me frappe comme une claque en pleine figure. Je reste là, pétrifiée, le téléphone toujours dans ma main. La rose. L'appartement. Ce sentiment d'être observée. Tout s'assemble dans ma tête, et tout à coup, une vérité glaciale me traverse l'esprit. Il n'était peut-être pas aussi loin que je le pensais.



Tu as aimé ce chapitre ?

0

0 commentaire

Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.