Alice5474! Au Bord du Vide Retour en arrière #2

Retour en arrière #2

01 mars 2021


Après Louis, il y eut Charlie. Le deuxième homme, celui qui semblait être une sorte de perfection incarnée dans la brume de ma vie. J'étais jeune, naïve, à l'époque, je croyais encore aux hommes parfaits, aux rencontres qui changent tout, à la magie des instants fugaces. Je me souviens de lui comme d’un rêve éphémère, mais tellement vivant. Il avait cette façon de marcher, chaque pas semblait effleurer la terre, comme s’il dansait avec la nature. Il adorait la forêt, se perdre dans ses mystères à l’aube du crépuscule, quand la lumière est douce et les ombres s’étirent. Et moi, je riais de son humour, un rire innocent, sincère, comme si tout était encore possible. Il me faisait sentir que mon humour, que je pensais parfois trop maladroit, était un trésor. Oui, il riait de mes blagues simples, comme si elles étaient les plus drôles du monde. Il était parfait, tu comprends, vraiment parfait.


Je l’ai rencontré par hasard. Enfin, ce genre de hasard qui n’en est pas vraiment un. C’était un matin comme un autre, un cours de sociologie que je traînais les pieds pour suivre. J’avais ce regard perdu dans l’écran de mon portable, mes pensées déconnectées du monde réel, et je l’ai bousculé. C’est presque la seule chose dont je me souvienne, ce visage qu’il a esquissé quand il m’a regardée. D’abord fermé, presque agacé, et puis, en un instant, un éclat d’admiration, une lueur qui m’a fait me sentir un peu plus vivante, un peu plus... moi.


Deux semaines après, c’était un soir d’automne, une bière dans un bar étudiant. La lumière tamisée et cette conversation qui ne finissait jamais. On riait, c’était léger, si naturel, comme si nous nous connaissions depuis des vies entières, comme si la distance entre deux âmes n’était qu’une illusion. Un mois plus tard, je me souviens du goût de ses lèvres, du baiser volé, comme une évidence dans cette soirée partagée, où le monde extérieur n’avait plus de prise sur nous. C’était si facile, comme si rien ne pouvait nous séparer. Mais tout était trop parfait. Trop parfait pour être vrai. Comme un tableau trop lisse, sans aucune imperfection.


15 février 2023


Je me souviens encore de ces cartons éparpillés partout, dans chaque recoin de notre premier appartement. Il y en avait des dizaines, comme des fragments d’un futur incertain. Je me tenais à Charlie, comme si je craignais qu’il me glisse entre les doigts, même si au fond de moi, je savais que plus le temps passait, plus mes pensées se mélangeaient, se contredisaient, et plus je me sentais emportée par des vagues de doute. Ces doutes qui se faufilaient en pleine nuit, me réveillant, me frappant sans prévenir.


Mais malgré tout, je l’aimais. Il était différent de Louis, de tous ces garçons que mes amies avaient essayé de me présenter. À ce moment-là de ma vie, je croyais que c'était lui, que c'était avec lui que tout prendrait sens. Nous avions franchi ce pas immense, celui de vivre ensemble. Enfin. Tout semblait encore si beau, si prometteur... J’avais cette naïveté, celle de penser que rien ne pourrait jamais altérer cette période, ce bonheur fragile, cette bulle dans laquelle nous vivions.


15 juillet 2023


Ce jour-là, mes larmes ne cessaient de couler. J'étais enfin diplômée, j'avais réussi, j'avais concrétisé ce rêve d'enfant, ce métier que j'avais toujours voulu, celui qui allait, je croyais, tout changer. La soirée avait été un mélange d'émotions, partagée avec mes amis de l'école. C'était aussi nos adieux, ces adieux qui marquaient le début de nouvelles vies, de nouvelles routes qui se séparaient. Certaines allaient loin, d'autres plus près, mais toutes, nous allions désormais emprunter des chemins différents.


Je me souviens d’avoir franchi la porte de notre appartement avec Charlie. Mais là, tout a basculé. Ce soir-là, je n’ai pas été accueillie par le Charlie que j'avais aimé, celui qui me faisait rire, celui que je croyais connaître. Non. Ce soir-là, c’était une autre réalité qui m’a frappée. Une réalité bien plus violente. Il ne m’a pas tendu la main, il ne m’a pas souri. Il m’a giflée. Encore une fois. Comme un rituel auquel je n’arrivais plus à échapper. Et cette fois, je crois que c’était une fois de trop. Une douleur qui allait bien au-delà de la simple humiliation, bien au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer. C'était comme si tout ce que j'avais cru savoir sur lui, sur nous, s’effondrait d’un coup.


25 novembre 2023


Plus le temps passait, plus je me demandais pourquoi je restais là, pourquoi je continuais à être avec lui, à accepter cette violence. Pourquoi je me laissais faire. Je n’avais pas de réponses. Je me disais que je l’aimais, mais en même temps, je savais au fond que ce n’était pas de l’amour, pas de l’amour pur, pas celui que j'avais rêvé.


Je n’arrivais pas à partir. C’était plus fort que moi. Chaque pensée était une lutte, un chaos permanent. Je vivais dans un tourbillon où les secondes étaient des heures de souffrance. Et la violence de Charlie, elle était là, constante, chaque jour, chaque minute. Elle me frappait sans relâche, je n'avais même plus la force de la repousser. Heureusement, j'avais trouvé un travail. Un échappatoire, une bulle d'air, même si elle était fragile, éphémère. Mais je savais que ce n’était qu’une illusion. Un répit temporaire. Dès que je rentrais, tout redevenait pareil. Je n’étais qu’une fleur qui se noyait lentement sous le torrent qu'il représentait.


13 octobre 2024


J’étais partie. J’avais enfin quitté cet enfer. Dans tout ce chaos, il m’avait laissée aussi, pour une autre. Il avait transféré sa rage sur elle, une autre jeune femme qu’il briserait probablement de la même façon, sans le moindre remords. Mais moi, j'avais pris ma décision. Je ne pouvais plus rester là, dans cette ville, sous son ombre, dans la poussière de ce passé brisé. J'avais fui.


Je m’étais dirigée vers la capitale, un endroit où il ne pourrait jamais me retrouver, où ses griffes ne pourraient plus me déchirer. Là-bas, je me donnais enfin la chance de me reconstruire, d’être moi-même, loin de ses mensonges et de sa violence. Je me disais que, jamais plus un homme ne pourrait me faire souffrir de cette manière. C'était terminé, je refusais de vivre dans cette peur, dans cette souffrance. Jamais plus. L’amour, je l’avais laissé derrière moi. Il n’existait pas, ou du moins, il n'existait pas pour moi.


J’avais laissé derrière moi un travail, ma famille, tout ce qui était familier et confortable. J'avais tout abandonné pour recommencer ailleurs, pour tout effacer et me redéfinir. Je n’avais plus rien à perdre, si ce n’est cette vie que j’avais vécue jusqu’ici, qui ne m’appartenait plus. Je n'avais qu'une seule chose en tête : me reconstruire. Et puis, après cela, je partirais encore plus loin. Je me l’étais promis. Une nouvelle vie m’attendait ailleurs, et j'étais prête à l'embrasser, coûte que coûte.

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1 commentaire

Astrid.D

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Il y a 18 jours

☺️
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