Fyctia
La toile
16 mars 2026, Bureau de l'entreprise, 10h30
Je tentais de continuer comme si de rien n’était. Mais la vérité, c’était que tout en moi criait le contraire. Non, je ne me considérais pas en couple, mais pourtant, chaque geste, chaque parole, chaque rencontre semblait me l’imposer. Les messages incessants, les murmures discrets dans les couloirs de l’entreprise lorsque lui n’était pas sur le tournage, ces baisers furtifs qui ne laissaient aucune place au doute. Et ces rendez-vous… à Paris, la nuit, quand tout le reste du monde s’éteignait. J’étais déjà bien trop accroché à lui, bien trop impliquée, sans même le vouloir. Je savais que je perdais pied. Doucement, mon univers tournait autour de lui, comme une orbite inéluctable. Mais plus je m’approchais, plus il se fragmentait. Lui, qui semblait si désinvolte, si détaché de tout ce qui avait de l’importance. Il voulait que je vive dans un monde où sa présence était la seule chose qui comptait… du moins, c’est ce que je croyais. Mais plus je m’y engageais, plus le doute s’immisçait dans mon esprit. Peut-être qu’il n’était pas celui que je pensais. Peut-être que je n’étais qu’un pion dans un jeu dont je ne comprenais pas encore les règles.
- Alice, les policiers sont là ! me dit ma collègue en frappant à la vitre de mon bureau, la tête penchée.
Je sursautai. Les policiers… Mon cœur rata un battement. D’un coup, tout sembla se figer. Depuis des semaines, les meurtres avaient diminué. Non, plus exactement, ils avaient disparu. Pas de nouvelles victimes, pas d’indications supplémentaires depuis janvier. Rien. Et voilà que les policiers faisaient une apparition. J’essayais de ne pas y penser, mais mon instinct me soufflait que ce n’était pas anodin. Je me levai de ma chaise, cherchant des réponses à travers la vitre. Deux agents, dont l’enquêteur qui m’avait questionnée lors de la dernière enquête, étaient en discussion avec l’un des responsables RH.
- Tu penses que le meurtrier est quelqu’un d’ici ? demanda ma collègue, chuchotant presque, le regard inquiet. Je pensais à Hugo, il est vraiment bizarre.
- Hugo ? Le responsable commercial. J’avais toujours trouvé ses manières un peu étranges, mais de là à l’impliquer dans une histoire de meurtres… C’était bien trop gros. C’est parce qu’il adore les séries criminelles que tu penses ça ?
Elle haussait les épaules, un air de mystère dans les yeux.
- Bah oui… Il est tellement accro à "Esprits criminels" qu’il a fêté ses 30 ans sur ce thème. Elle éclata de rire, mais je sentis que son regard était aussi incertain que le mien.
- Hein ? Sérieusement ? fis-je en rigolant.
Puis, l’un des policiers, l’officier, tourna la tête. Je crois qu’il m’avait remarquée bien avant que je ne m’en rende compte. Ses yeux s’accrochèrent aux miens, et, dans un silence trop lourd, je le vis se redresser, son regard devenant plus perçant, plus attentif. Il fit un signe discret à son collègue, et, dans un mouvement fluide, il se dirigea vers moi. Mon cœur battait plus vite, sans raison précise, mais je savais que quelque chose n’allait pas. Ma collègue, elle, n’attendit pas. Elle s’éclipsa en un éclair, disparaissant dans la foule de l’open space sans un mot.
- Mademoiselle ? Comment allez-vous ? me demanda-t-il d’une voix étrange, trop cordiale.
- Bien, et vous ? demandai-je, en tentant de maintenir une calme façade.
- Pareil. Puis-je prendre de votre temps ? Nous avons de nouveaux éléments dans l'enquête. Sa voix était délibérée, son regard ne me quittait pas.
Un frisson me parcourut. Je savais qu'il y avait quelque chose sous-entendu dans cette conversation, un sous-texte que je n'arrivais pas encore à saisir.
- Je ne suis pas d'une grande aide, vous savez, mais bien sûr. J'étais surprise par la froideur de mes mots.
Je sentais la pression s’intensifier. Je voulais qu’il parte. Mais il n’était pas là pour simplement échanger des banalités. L’officier continua, comme si chaque mot pesait plus lourd que le précédent.
- Cela doit être étrange… Les deux victimes étaient à votre poste avant votre arrivée. Il marqua une pause, observant ma réaction.
Je me tendis, chaque fibre de mon corps en alerte. Les mots semblaient avoir une résonance différente, presque menaçante. Ma gorge se serra.
- Pardon ? dis-je, ma voix perçant la barrière de ma stupéfaction. Mon esprit tentait de faire sens de ce qu’il venait de dire, mais je n’arrivais pas à comprendre.
Il ne sembla pas surpris par mon étonnement. Au contraire, il poursuivit, son ton toujours aussi plat.
- Oui, Amanda était en stage, mais à votre poste. Dans votre bureau. Elle s’occupait de classer, ranger, aider… Il s’interrompit un instant, et j’eus l’impression qu’il pesait chaque mot avant de continuer. Et l’autre victime également.
Un vertige m'envahit, mon esprit se bloqua.
- Ça veut dire que c’est forcément une personne d’ici ? dis-je, ma voix tremblante trahissant ma panique. Les mots s’échappaient de ma bouche avant même que je puisse les retenir, un souffle rapide et effrayé qui résonnait dans ma tête, me hurlant que quelque chose d’horrible se tramait.
L’officier sembla prendre son temps avant de répondre, comme s’il mesurait chaque mot avant de le lâcher dans le silence pesant.
- Il se pourrait bien ou pas. Sa voix était calme, presque trop calme. Il y avait quelque chose dans sa manière de parler qui me glacait. Comme s’il savait déjà tout, comme s’il voyait à travers moi.
Je me sentais soudainement nue, vulnérable. Le sol sous mes pieds se dérobait lentement, un vertige m'envahissant à mesure que je comprenais l'ampleur de ce qu'il sous-entendait.
- Il y a également autre chose… Il marqua une pause, ses yeux ne quittant pas les miens. Je pouvais sentir l'étreinte de ses mots à venir, comme une corde qui se resserrait autour de ma gorge. Elles se sont toutes succédé à votre poste. Pas forcément dans un ordre précis.
Un frisson glacial parcourut mon dos. Toutes. À mon poste.
Je m’efforçai de garder mon calme, mais il était déjà trop tard. Un doute insondable venait de se glisser dans mes pensées, et j'avais du mal à le chasser. Ce que l'officier venait de dire... Cela ne pouvait pas être une simple coïncidence. Ce n'était pas possible. Amanda, l'autre victime… Et moi, maintenant. Tout semblait lié. Et la pensée qui me glacait le sang, c’était que je pouvais être la prochaine.
Je fermai les yeux un instant, tentant de reprendre mon souffle. Non, ce n’est pas possible… Mais l'inquiétude grandissait, chaque battement de mon cœur martelant cette vérité qui me paralysait : j'étais peut-être au centre de quelque chose de bien plus dangereux que je ne l’avais imaginé.
- Mademoiselle, nous ne faisons que des constats et répertorions seulement des faits. Il n'y a rien, à l'heure actuelle, qui présage autre chose. Rassurez-vous. me dit-il, sa voix calme, mais avec une touche de froideur qui me fit frissonner.
4 commentaires
Mapetiteplume
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Il y a 20 jours
Alice5474!
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Il y a 20 jours
Virginie Roekens
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Il y a 20 jours
Alice5474!
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Il y a 20 jours