Alice5474! Au Bord du Vide Le lendemain

Le lendemain

La lumière du matin se glissait par les fenêtres, timide et glacée, comme si elle hésitait à pénétrer dans la pièce, se heurtant aux rideaux lourds de ma chambre. Une lumière pâle, d’une froideur douce qui n’apportait aucune chaleur. J’étais allongée sur le dos, fixant le plafond, mais mes pensées se débattaient déjà dans un tourbillon. Tout semblait encore si flou. Le souvenir de la veille s’accrochait à ma peau, comme une trace indélébile. Isaac. Ses mots. Ses gestes. Cette manière étrange de me capturer, comme un filet qu’il aurait jeté sans que je m’en rende compte, m’enserrant un peu plus à chaque moment.


Il fallait que je me raisonne, que je me secoue. Mais, pour la première fois depuis longtemps, j'avais eu l'impression d'être vue, réellement vue, comme une personne entière et non juste une ombre fugace. Et c’était ce qui me terrifiait. Parce que voir une personne de cette manière, c’est aussi la rendre vulnérable. Et j’avais appris à mes dépens qu’on ne doit jamais se montrer vulnérable. Pas avec lui. Pas avec personne.


Je sentis la morsure du froid sur mes bras nus, les draps en désordre autour de moi, comme un rappel que j’étais seule. De nouveau seule. Mais pourquoi cette étrange sensation persistait-elle, cette impression que quelque chose, quelque part, m’échappait ?


Un bruit à l'extérieur me fit sursauter, puis un second, un peu plus fort. Le vent. Rien d'autre. Pourtant, un malaise inexplicable s'était insinué en moi, comme si la pièce était trop petite pour contenir mes pensées. Celles-ci tournaient en boucle, se heurtant les unes contre les autres, chaque image de lui se superposant à la suivante, chaque mot devenant un écho, comme une vague menaçant de me submerger.


Isaac. Il était... différent. Oui, je le savais. Un peu trop. Un sourire trop parfait, des yeux qui brillaient d'une lueur que je n'avais pas encore su déchiffrer. Un vide derrière cette façade, un secret qu’il portait avec lui, comme une ombre attachée à sa peau. J'avais vu ce changement dans son regard lorsqu'il avait parlé de sa famille. Un éclat sombre, un brusque recul, une distance qu’il avait mise entre nous sans même s’en rendre compte. Il n’était pas comme les autres, pas juste un homme charmant qui aurait voulu me séduire. Non, il y avait quelque chose d’encore plus insidieux. Une autre intention. Une intention que je n'arrivais pas à saisir, mais que je ressentais dans mes tripes.


Je me levai lentement, me dirigeant vers la fenêtre. Le monde dehors semblait aussi figé que moi, tout aussi incertain. Les rues étaient vides, les immeubles se dressaient comme des ombres silencieuses, et le vent hurlait dans les coins des ruelles, créant des murmures à peine audibles, comme des secrets chuchotés par des voix invisibles. Il n'y avait rien d'exceptionnel dans ce matin de printemps, et pourtant, il y avait ce quelque chose. Ce sentiment que tout allait basculer, et que ce n'était qu'une question de temps.


Je n'avais pas oublié la fin de la soirée, cette chaleur qui m’avait envahie quand il m’avait attirée contre lui. Sa voix, sa présence, comme une vague qui m’avait submergée sans que je m’y attende. . Isaac, avec sa tranquillité et son regard pénétrant, m’avait fait perdre pied. Il savait ce qu'il faisait. Il savait comment manipuler. Et moi, idiotement, je m'étais laissée faire.


Le bruit de la porte d'entrée me fit sursauter. Un coup sec. Rapide. Un instant, je pensais que ce pouvait être un colis ou un voisin. Mais non, une petite voix familière se fit entendre presque immédiatement.


— Salut, Alex.


Je me figeai. Isaac. À cette heure-là. Sans prévenir. Je n'avais pas eu de message de sa part, et voilà qu’il se tenait là, sur le seuil de ma porte, avec un sac de papier kraft dans les mains. Un sac qui sentait bon, ce qui me fit tiquer avant même que mes pensées ne se forment clairement.


— Salut, Isaac… Qu’est-ce que tu fais ici ?


Je ne pus m'empêcher de froncer légèrement les sourcils, même si ma voix ne trahissait qu’une surprise polie. Il avait cette façon décontractée de se présenter, comme si rien d'anormal ne se passait, alors que, bien évidemment, tout était étrange dans cette situation.


— Je pensais qu’on pourrait prendre le petit-déjeuner ensemble, me dit-il en hochant le sac. Je t'ai ramené des croissants. Et du café, bien sûr.


Je le regardai, incapable de dissimuler une certaine confusion. Ce n'était pas le genre de visite qu’on attendait à huit heures du matin, surtout pas après la soirée d'hier. Je pris une grande inspiration, essayant de garder mon calme.


— Tu… tu n’as pas prévenu, Isaac. Ça… me surprend un peu.


Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres. Il n’avait pas l’air gêné par le moindre instant de ma surprise. Il avança doucement, me dépassant sans attendre que je lui ouvre pleinement la porte, déposant le sac de croissants sur ma table de cuisine.


— Je sais, je suis un peu imprévisible, mais je pensais que tu apprécierais un petit moment ensemble. Rien de trop compliqué. Juste un petit-déjeuner. Tu veux bien ?


Je n’eus pas le temps de réagir avant qu'il ne s’installe à table, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Comme si nous nous retrouvions après une journée ordinaire, et non après une soirée marquée par un baiser qui avait tout chamboulé. Il semblait ne rien vouloir dire sur ce qui s'était passé entre nous la veille, ce qui me laissait une drôle d’impression. Était-il simplement là pour effacer l’intensité de ce moment, pour tout banaliser ?


Tu as bien choisi l'heure, dis-je en attrapant un croissant. Je n'avais pas prévu de déjeuner si tôt. Mais… je ne vais pas refuser un croissant.


Il me fixait maintenant, un regard étrange, à la fois doux et insistant, comme si chaque mouvement de mes lèvres le fascinait. Un frisson parcourut ma peau, et je me surpris à détourner les yeux, cherchant quelque chose à faire, n'importe quoi pour éviter cette tension silencieuse qui s'était installée entre nous.


— Tu sais, Alex, commença-t-il d’une voix plus basse, comme s’il pesait chaque mot, je pense que parfois… il faut savoir saisir les moments. Pas juste les regarder passer.


Je ne savais pas ce qu'il voulait dire par là. Pas tout de suite. Mais son ton, presque murmurant, me donna une drôle de sensation. Il se leva lentement, sans un bruit, s'approchant de moi d’un pas assuré. Chaque mouvement, chaque geste semblait calculé, comme une danse qu'il maîtrisait parfaitement.


Je sentais mon cœur s'accélérer, une chaleur étrange m'envahir. Puis, sans que je puisse réagir, il posa une main délicatement sur mon visage, m’obligeant à le regarder. Ses yeux brillaient, et je n'avais plus de force pour détourner le regard.


— Tu sais, hier… ce baiser… c’était pas juste un baiser, murmura-t-il, se penchant vers moi.



Tu as aimé ce chapitre ?

0

0 commentaire

Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.