Fyctia
Retour en arrière
10 juin 2019
Je l'ai vu. Il marchait lentement dans le couloir du lycée, presque comme une ombre parmi les autres élèves. Et pourtant, c'était lui. Dès que mes yeux se sont posés sur lui, une sensation étrange a envahi mon ventre, une certitude inexplicable, mais claire
Je crois que c’est à ce moment-là, lors de mon arrivée au lycée, que j’ai eu ce que certains appellent un « coup de foudre ». Cela s’était fait sans que je m’en rende vraiment compte, un enchevêtrement de petites scènes banales, et pourtant, si importantes. J’étais descendue à la cantine avec mon groupe d’amis, lui de son côté avec les siens. Et je l’avais aperçu, un matin parmi tant d’autres, encore un peu endormi, ses yeux embués par la fatigue. Mais déjà, il était là, avec sa coupe de cheveux soigneusement coiffée sur le côté, ce petit détail qui me fascinait, et cette touche de gel qui lui donnait cet air à la fois négligé et irrésistible. Il savait, je crois, qu'il plaisait. J'entendais parfois les rires étouffés des filles quand il passait près d'elles. Et pourtant, lui restait là, silencieux, presque distant, comme s’il n’en avait rien à faire. Comme s’il n'était pas du tout touché par l'attention qu'il suscitait. Ce détachement me troublait, mais d'une manière que je n’arrivais pas à expliquer.
Et puis, il y a eu cet instant, le moment où tout a basculé. Un incident si simple, mais tellement gênant. Une maladresse qui, à cet instant précis, me semblait presque… inéluctable. Je me suis retrouvée avec son plateau de pâtes renversé sur mon pantalon beige. La sauce tomate, rouge et épaisse, s’étalait lentement le long de ma cuisse. Une sensation de panique m’envahit, et je me suis retrouvée là, figée, avec une colère sourde montant en moi, bien qu’elle n'ait pas encore éclaté. Mon pantalon, tout neuf, venait de perdre son éclat, tout ça à cause d’un simple accident.
Je tentais de respirer, de rester calme, mais au fond de moi, la frustration bouillonnait. Et là, sa voix grave s’éleva, douce, presque gênée. Un ton sincère qui me fit presque fondre sur place.
- Je suis désolée, vraiment, me dit-il, son regard posé sur moi, plein de sincérité et d’inconfort.
- Pas grave , répondis-je, mais à l'intérieur, une vague de colère monta encore un peu plus.
Il s'agita alors, visiblement mal à l’aise, et se dirigea rapidement vers un cuisinier.
- Je vais demander des serviettes pour enlever le plus gros, dit-il précipitamment. Je n'avais même pas eu le temps de répondre qu'il était déjà loin.
Je restai là, debout, figée dans ce décor, sous le regard des autres. Certains ne pouvaient s'empêcher de rire, d’autres se retenaient. Je sentais la chaleur de la gêne me monter aux joues, et mon esprit s’embrouillait. Pourquoi fallait-il que ce soit devant lui que je me retrouve dans cette situation ? Il s’était excusé. Il avait agi. Et pour la première fois, il m’avait vue.
06 décembre 2019
Hier, tout a changé. Le premier baiser, celui que j'attendais en silence depuis des mois, est enfin arrivé. Et pourtant, bizarrement, il ne m’a pas semblé être un saut dans l’inconnu. Non, au contraire, j’avais l’impression de l’avoir toujours connu, d’avoir toujours voulu ce moment, comme si tout était une évidence. Après des mois de discussions, de rires partagés, de moments volés, nous avions franchi cette étape si importante. Je devenais sa petite amie. La pensée s’immisçait en moi comme une douce révélation, mais aussi comme un secret que j'avais porté tout ce temps sans le savoir vraiment.
J’étais la petite amie de Louis. Ce simple constat, qui pourtant me paraissait presque irréel, était devenu ma réalité. Et cette réalité… elle me comblait d’un bonheur simple, presque naïf. Il avait été là pour mon 17ème anniversaire, pour chaque moment spécial, chaque éclat de rire, et maintenant… maintenant, j'avais l’impression de flotter dans une bulle de bonheur, un monde où tout était plus léger, plus doux, plus lumineux. Comme si le temps s’était suspendu autour de nous, que rien d’autre n’importait vraiment. Et pourtant, c'était là. Présent. Immédiat. Mon bonheur.
15 septembre 2020
Je les vois encore. Allongés ensemble sur le canapé, là, dans son salon. Mais ce n’était pas moi. Je ne sais même plus comment expliquer ce qui s’est passé, ni comment mon cœur a cessé de battre normalement. Ce soir-là, j’ai vu tout s’effondrer en une fraction de seconde. Mon cerveau, mon cœur, tout semblait déconnecté, comme s'ils n'étaient plus alimentés correctement, comme si tout ce que j'avais construit s'évaporait d’un seul coup.
Je n’arrive pas à comprendre. Comment ai-je pu passer d'un tout, d'une relation si pleine, à ce rien insondable ? Un an de rires, de complicité, de promesses, et tout ça réduit à une seconde, à une image figée : lui et elle, tous les deux, s’embrassant sur ce canapé. Le canapé du salon chez elle, pendant cette soirée-là. Et moi, là, incapable de bouger, de comprendre, de réagir, tout ce que je ressentais c’était un froid glacial, un vide immense qui m’envahissait sans que je puisse l'arrêter.
Je les vois toujours. Leurs lèvres qui se rencontrent, comme si tout était normal. Comme si moi, en tant qu’amie et petite amie, je n'avais jamais existé. Et cette perte, cette trahison, elle me dévore. Parce que je n’ai pas seulement perdu quelqu’un que j'aimais, j’ai aussi perdu une amie précieuse, une personne que je croyais proche, celle avec qui je partageais mes secrets, mes joies et mes peines. Elle n'est plus là, à mes côtés. Elle m’a laissée, tout comme lui.
10 décembre 2020
Les fêtes s'enchaînent, les soirées alcoolisées aussi. Et Louis, lui, a disparu de mon esprit, ou du moins, c'est ce que je me dis. Mais il ne part pas vraiment. Il ne s’éloigne pas de mon cœur. Il est là, bien caché, comme une blessure que je tente d’oublier mais qui, parfois, revient me hanter. Il a fait partie de ma fin d’année au lycée, ce moment où tout semblait encore possible. Mon premier amour, si je peux l’appeler ainsi. Il a été le début de tout, de mes premières fois, mais il a aussi été celui qui a gâché des choses, des souvenirs que je ne pourrai jamais effacer.
Une fois mon diplôme de fin de lycée en poche, j’ai pris un nouveau départ. J’ai rejoint cette école qui me tenait à cœur, comme un souffle d’air frais après une période de turbulences. J’ai fait de nouvelles rencontres, un cercle d’amies qui sont devenues une échappatoire, un moyen d’aller de l’avant. Et surtout, il y a eu ces soirées, ces rires partagés, ces moments où j’ai pu enfin oublier, où j’ai pu lâcher prise et respirer. Mais, malgré tout ça, il y avait toujours une partie de moi, enfouie, qui pensait à lui. À Louis.
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