Alice5474! Au Bord du Vide Le début de la fin

Le début de la fin

Le bruit du métro, battant contre les murs métalliques, se mêlait à l’écho du chuchotement de mes pensées. L’air dans le train était lourd, saturé d’une chaleur humide et désagréable. Dehors, le ciel d’hiver s’étendait, terne et pâle, comme une toile froissée. Le vent soufflait par rafales, portant avec lui une odeur de pluie qui n’en finissait pas de tomber. L'année venait à peine de commencer, mais la sensation d’un malaise persistant planait déjà sur moi, lourde, inexorable.


Je n'avais pas eu le temps de m’habituer à la vie après les fêtes. Le rythme effréné des vacances, ce fracas de retrouvailles et de festivités, m'avait brusquement laissée dans un vide indescriptible. Je n’arrivais pas à me débarrasser de cette impression de fin de quelque chose, un sentiment de transition violente qui me collait à la peau.


En arrivant au bureau, l’atmosphère ne fit qu’aggraver ce malaise. L'entreprise de web média dans laquelle je travaillais semblait avoir perdu une part de son dynamisme. Moins de rires, moins de discussions animées autour des nouveaux projets. La lumière des néons semblait plus froide, et les murs gris semblaient se rapprocher de moi à chaque pas. C'était comme si quelque chose de sinistre s'était glissé dans l’air, imperceptible, mais omniprésent.


Je m’installai à mon bureau, jetant un regard furtif autour de moi. Les quelques collègues présents n’étaient pas plus joyeux que moi. Claire, une collègue toujours souriante, se tenait près de la machine à café, son regard fuyant. Elle semblait préoccupée, ses yeux rouges trahissant une inquiétude qu’elle n’essayait même pas de cacher.


Elle s’approcha de moi avec une lenteur inhabituelle, comme si elle avait pesé chaque mot qu’elle allait prononcer.


"Alex…" Elle marqua une pause, sa voix tremblant légèrement. "Tu as entendu ? Une autre victime."

Je la regardai, mon cœur se serrant dans ma poitrine. Une autre. Ce mot, si simple, résonna en moi comme un coup de tonnerre. Mon corps se figea un instant, avant que mes mains ne viennent se poser sur mon clavier. Je déglutis difficilement, cherchant à reprendre contenance. Mais tout autour de moi était déjà devenu flou.


"Une autre victime ?" Mon ton était presque mécanique, comme si chaque syllabe me coûtait.

Claire hocha la tête, son regard se détournant. Elle n'osait pas croiser mes yeux, ou peut-être que c’était elle qui avait peur, peur de me dire ce que je devais savoir. Elle se pencha alors un peu plus près, baissant la voix comme si elle avait peur que quelqu’un nous écoute.


"Oui. Apparemment, elle a été retrouvée dans des conditions… atroces." Elle hésita avant d’ajouter : "Et… tu sais quoi ? Ils disent que l’enquête est liée au précédent meurtres. Les même signatures, les même mise en scène."

Un froid glacial s’empara de moi. Mes doigts se crispèrent sur le plastique de mon clavier. Je sentais l’air se raréfier autour de moi, la lumière artificielle du bureau me frappant soudainement comme une lame de verre. Je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais. Deux meurtres, dans la même ville, dans des circonstances aussi terrifiantes… c'était trop. Trop pour être une simple coïncidence.


Je me levai brusquement, luttant contre la panique qui montait en moi. Claire me suivit du regard, inquiète, mais je savais que rien de ce qu’elle pourrait dire n’apaiserait l’angoisse qui m’étreignait. Il y avait quelque chose dans l’air, quelque chose de trop sinistre. Un pressentiment lourd comme un nuage d’orage qui refuse de se dissiper.


"Qui est la victime ?" demandai-je, sans parvenir à masquer ma voix tremblante.

Claire se mordilla la lèvre inférieure, les yeux fuyant. Elle déglutit avant de répondre, presque dans un souffle.


"Une jeune femme. Elle travaille dans le quartier, apparemment. Personne ne la connaissait vraiment. Mais… écoute, tout ce qui se dit, c’est qu’elle a été retrouvée pendue sous un pont. Et… elle est venue plusieurs fois ici! "

Une image, noire et violente, se forma dans mon esprit. Je sentais mon estomac se nouer. Cette histoire me parlait trop, trop de résonances avec la première victime, trop de récurrences qui me donnaient des frissons. C’était comme si un même fantôme hantait Paris, une présence invisible, prête à frapper encore et encore.


Le bureau semblait de plus en plus clos autour de moi. Les conversations s’étaient arrêtées. Je pouvais presque sentir les regards se poser sur moi, lourdement. Comme si tout le monde savait que j'étais connectée à cette affaire, comme si ce silence étrange, cette attente, me frappait directement. Un mur invisible se dressait entre moi et eux.


Je m’éloignai de mon bureau, cherchant à respirer un peu d’air frais. Mais l’atmosphère qui régnait dans l’entreprise ne me lâchait pas. Chaque pièce semblait chargée de cette même lourdeur, ce sentiment de menace silencieuse. Les voix qui murmuraient… tout cela me ramenait à cette sombre réalité : un tueur rôdait dans l’ombre, quelqu'un qui en voulait avec cette entreprise.


Alors que je m’approchais du couloir menant à une salle, je le vis. Isaac. Il apparut dans le halo de lumière blafarde des néons. Il portait son survêtement de marque.

Je m’approchai de lui, mes pensées tourbillonnant. "Isaac," fis-je, assez fort pour qu’il m’entende, mais il n’eut même pas un sursaut. Il tourna lentement la tête vers moi, ses yeux pâles sans l’ombre d’une inquiétude. C’était comme s’il n’avait aucune idée du chaos qui se déployait dans l’entreprise.


"Quoi ?" répondit-il, d’un ton désinvolte, presque ennuyé.


"Tu as entendu parler de ce qui se passe? Les meurtres… Tout le monde parle de ça," insinui-je, cherchant à capter son attention.


Il haussait les épaules comme si c’était une question banale. "Ouais, j’ai entendu. Mais franchement, je m’en fiche. Ça ne me concerne pas." Il fit une pause, comme s’il se disait que j’avais sûrement encore plus de questions stupides à poser. "Ce genre de trucs arrive tout le temps, non ? La vraie question, c’est pourquoi tu t’en fais autant."


Je fronçai les sourcils, déstabilisée. Comment pouvait-il réagir ainsi ? Un meurtrier rôdait, et lui ne semblait même pas perturbé. Mais ce qui me frappa encore plus, c'était qu’il semblait plus intéressé par autre chose. Par quelqu'un d’autre.


"Tu sais, Alex, je crois que t’es bien plus préoccupée par ça que par tout le reste. Tu devrais peut-être arrêter de courir après les ombres et profiter de la lumière un peu, non ? Il se passe bien d’autres choses ici." Isaac se tourna légèrement vers moi, ses yeux se figeant sur moi avec une intensité déconcertante. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres. "Les gens meurent tout le temps. Les meurtres, c’est juste… la routine. Les coups d’État, les trahisons, tout ça, c’est comme les saisons, ça revient chaque année. Ce qui compte, c’est l’instant présent, Alex. Ce qu’on fait de cette merde qui nous entoure. Aller, viens avec moi, boire un coup tu en as besoin plus que moi! "


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