Alice5474! Au Bord du Vide Nouvelle année

Nouvelle année

31 décembre 2025, 9ème arrondissement, Paris


Point de vue d'Alex, 21h30.


L'agitation de la soirée, cette effervescence qui flottait dans l’air, me donnait l'impression d'être dans un décor emprunté à un film pour adolescents. Des rires fusaient, des verres s’entrechoquaient, des corps se frôlaient, se touchaient, s’embrassaient même parfois, comme si le monde autour de nous était suspendu à l’instant présent.

J'étais là, près d'une table, une robe noire moulante. Alicia et son copain étaient à mes côtés, bien plus en phase avec l'ambiance, eux qui se délectaient de chaque seconde, comme si le temps était leur allié. Elle venait tout juste d’arriver à Paris, un peu plus tôt dans l'après-midi, pour passer quelques jours avec moi.


Noël avait été terminé depuis un moment. Après un dernier au revoir, un dernier baiser sur la joue de mes parents, j'avais embarqué dans ce train pour revenir ici, dans mon appartement exigu. C'était un soulagement de fuir la lourdeur de ma région natale. La déception, la frustration, l’ennui… tout ça m’envahissait chaque fois que j'y revenais.


Un éclat de trompette me fit sursauter, brutalement tirée de mes pensées. La réalité revint en un instant, comme une claque. Je levai les yeux, cherchant une distraction parmi les visages flous de la foule. Et là, je la vis. Alicia. Son sourire brillant, son corps qui se mouvait avec une aisance que je n’avais plus. Elle dansait dans les bras de son copain, son regard perdu dans un bonheur évident. Un frisson glacial me parcourut l'échine. Elle semblait si insouciante, si à l’aise… et moi, je ne pouvais m’empêcher de me demander si elle savait, si elle ressentait la même chose que moi, cette sensation oppressante qui me serrait le cœur.

Dans deux heures et demie, l'année serait changée. Je devrais sourire, rire, me perdre dans les festivités comme tout le monde, comme si tout allait bien. Mais au fond de moi, une inquiétude sourde grandissait, inéluctable. Cette année ne se terminerait pas comme les autres. Je le savais. Une sensation étrange et désagréable me tenaillait les entrailles. Un pressentiment qui ne pouvait être ignoré.



Point de vue de l'inconnu, 22h.


Elle criait encore une fois, ses hurlements perçaient l’air comme des éclats de verre. Je les entendais, je les savourais presque. Chaque cri était une symphonie de frustration, de terreur. Une mélodie qu’elle m’avait apprise, sans le savoir. Un cri d’une femme qui se rend compte qu’elle est prise, coincée, prisonnière… et que tout est trop tard.

Elle hurlait à tue-tête. Le son m’envahissait, se mélangeait à l’odeur métallique de la pièce, à l’odeur de sa peur. Elle pensait qu’elle m’effrayait, qu’elle me faisait mal avec sa voix brisée. Mais je souriais. Parce que chaque cri était comme une petite victoire, chaque écho résonnait dans mon esprit, me disant qu’elle n'était plus cette créature hors de ma portée. Elle était mienne.


Assise là, ligotée sur cette chaise. Ses poignets en sang, les cordes me laissaient une trace sur sa peau. Mais elle était belle. Toujours aussi belle.


Elle m’avait brisé le cœur. Encore une fois. Trop de fois. Mais elle n’avait pas vu la vérité, elle ne voyait pas que tout ce qu’elle m’avait fait m’avait détruit, m’avait poussé à ça. Elle était responsable de tout. Chaque larme, chaque nuit d’insomnie. Elle m’avait joué. Elle m’avait dit qu’elle m’aimait, qu’elle me voulait, et pourtant… pourtant, elle m’avait laissé tomber. Alors que j'étais là, toujours, prêt à la protéger, à l’aimer.

Mais ce soir, c'était différent. Ce soir, tout allait changer. Je l’aurai enfin pour moi, pour toujours. Elle ne partira plus. Elle ne pourra plus m’échapper.


Point de vue d'Alex, 23h50.


L'air extérieur était saturé de joie, comme si tout autour de moi respirait l’instant. Mes yeux se levèrent instinctivement vers le ciel, attirés par un feu d'artifice improvisé. Des passants, probablement un peu ivres, avaient décidé d’illuminer la nuit de manière aléatoire, 10 minutes avant la fin de l'année. Une explosion de couleurs, mais moi, je restais figée, profitant de ce moment de vie. La joie se faufila en moi. Juste cette sensation étrange, familière, qui me prenait à la gorge. Un sourire s'effleura sur mes lèvres, et je me forçai à l'élargir. Le spectacle était beau. Difficile de nier cela. Ces couleurs éclatantes dansaient dans le ciel.

Je pris mon portable, un geste automatique, presque anodin. Je voulais capturer ce moment, ce souvenir. Un autre dans ma collection. Des photos, des vidéos, des fragments de bonheur.

Le décompte apparut alors sur la façade d’un immeuble, projeté par un rétro-projecteur d’un bar tout proche. La foule s’agita autour de moi, déjà prise par l’adrénaline de la fin d'année. Je pris quelques secondes pour envoyer des messages à mes proches. Par habitude. Pour éviter la saturation du réseau qui allait bientôt s’effondrer sous l’énorme pression des souhaits collectifs.

La foule commença à crier, une clameur qui se fit de plus en plus forte, de plus en plus frénétique.

- 8, 7… Les voix autour de moi se mélangeaient, se superposaient, comme un écho qui se propageait dans mes oreilles. Je me forçai à les suivre, je me laissai engloutir par cette folie collective.

-3, 2, 1… Le compte à rebours acheva de m’aspirer, et, à l’instant même où la foule hurla "Bonne année", je me retournai, attirée par le corps d'Alicia. Je l’enlaçai avec force, comme si ce geste pouvait chasser tout ce qui m’alourdissait. Les pétards explosèrent autour de nous, comme des éclats de verre dans la nuit. Les confettis volaient, virevoltaient autour de nous.

- Bonne année, Alex, me dit Alicia, en se détachant lentement de moi.

- A toi aussi, bonne année, répondis-je.


Je la laissai se retrouver avec son copain, échangeant des vœux. J'ouvris mon portable à nouveau. Des messages. Des dizaines. Tous en vrac,. Mais un nom se détacha, et je m’arrêtai sur lui. Isaac. Je pris une longue inspiration. Puis, d’un geste mécanique, je tapai :


"Bonne année Isaac."


Point de vue de l'inconnu, 23h58.


Elle était là, magnifique, suspendue à ce pont. Ses cheveux, noirs comme la nuit, flottaient doucement autour de son visage, et la lumière des feux d'artifice qui éclataient au loin faisait scintiller sa peau d’une lueur froide, presque irréelle. Elle était là, parfaite, figée dans son éternité. Ses yeux étaient ouverts, plongés dans le vide.

Je restais là, à l'observer, dans le calme éphémère de ce moment suspendu. Un rire nerveux, presque imperceptible, m'échappa.

- Bonne année, Lindsey.

Je murmurais ses mots, doucement, avec une tendresse glacée qui n’avait rien à voir avec de l’affection. Non. C'était plus profond que ça. C’était la fin d'un cycle, la fin de ce qu’elle avait commencé, la fin de ce qu'elle m’avait fait. Elle m’avait brisé d’abord, avant d’être la brisée. Elle avait été ma lumière, et maintenant… elle n'était plus que l’ombre. La première et dernière étoile du réveillon.


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3 commentaires

Ava D.SKY

-

Il y a 20 jours

Lindsey est la troisième victime ? Mais à la lecture, elle semble représenter bien plus pour lui. Lire ses pov sont glaçants. Il est vraiment horrible 😭

Alice5474!

-

Il y a 20 jours

Oui c’est la 3eme victime …

Ava D.SKY

-

Il y a 20 jours

🫢😭
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